On a vu Goat Girl (et beaucoup de fumée) à l’AB Club
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Auteur·ice : Zoé Leclercq
15/10/2024

On a vu Goat Girl (et beaucoup de fumée) à l’AB Club

| Photos : Laura Collard pour La Vague Parallèle

L’AB Club s’est transformé en salle underground du sud de Londres le temps de la soirée du mercredi 09 octobre pour le concert de Goat Girl. Au programme, des Dr. Martens, des riffs post punk et beaucoup beaucoup trop de fumée opaque.

Goat Girl, c’est un groupe de trois muscien·nes britanniques, Lottie Pendlebury (chanteuse et guitariste), Rosy Jones (batteur·se) et Holly Mullineaux (bassiste). Iels viennent de sortir leur troisième album, Below The Waste, qu’on a donc pu entendre en live à l’AB Club et qui résonne encore dans nos tripes.

Robbie & Mona

Avant d’entendre le main-act, on a découvert un duo tout aussi british : Robbie & Mona, qui accompagnent Goat Girl sur leur tournée. Mona sussure des paroles introspectives sur une bande pré-enregistrée que Robbie vient agrémenter de guitare live. Musicalement, c’est assez lo-fi : une sorte de bedroom pop avec une guitare destroy et des effets de vibrations abusifs qui font trembler le toit du club.

© Laura Collard

« Achetez notre merch, ça coûte cher de venir sur le main land », lance Robbie, tête baissée, avant de céder la place à Goat Girl.

On a quelques dizaines de minutes d’attente avant leur entrée, l’occasion de regarder nos voisin·es dans la foule. Le public est assez glam, du genre combat boots et vernis rose à paillettes, assez alternatif pour qu’on s’imagine dans un club underground de Londres, juste cette soirée.

Goat Girl

Après ces minutes de battements et une bière, quatre silhouettes rentrent sur scène. Le trio est accompagné d’un mystérieux claviériste coiffé d’un bonnet à longues oreilles. Sans un mot, les quatre muscien·nes entament where’s ur <3, le morceau d’ouverture de leur dernier album. Lottie et Holly chantent en harmonie tandis que les snares bien claquants de Rosy, à la batterie, nous font presque sursauter. L’AB Club, c’est une petite salle, ce qui implique d’être assez proche de la scène. En plaçant lae batteur·se au premier plan de la scène, Goat Girl nous a un peu fait regretter d’avoir oublié nos bouchons d’oreilles.

© Laura Collard

Le groupe enchaîne avec The Crack, titre de leur album précédent On All Fours, les lumières rouges transitionnent à l’indigo et on rentre dans le groove de la basse. Lottie a une voix profonde, grave et puissante : on acquiesce silencieusement à notre voisin·e qui s’émerveille devant son charisme. Iels finissent à chanter tous·tes les trois à l’unisson, c’est électrisant. Les lumières redeviennent rouges, pour ride around, un titre de leur dernier album, au riff de guitare garage directement identifiable et complètement irrésistible.

“Merci beaucoup” murmure Rosy avec un accent français impeccable après les applaudissements enthousiastes du public, conquis. Puis, en reprenant l’anglais, iel demande en regardant une de ses cymbales “Est-ce qu’il pleut tout le temps à Bruxelles?”. On avait presque oublié les conditions météorologiques déplorables de ce mois d’octobre tant il fait chaud dans la salle. Iels rigolent ensemble : un peu de pluie, ça ne les change pas de Londres finalement.

Lottie annonce ce dont on se doutait : Goat Girl est là ce soir pour jouer presque uniquement son dernier album. Les premières notes de play it down résonnent au sein de la foule, respectueuse et attentive. Les yeux rivés sur la chanteuse, pendu·es à ses lèvres qui énoncent des paroles suggestives.

Tie me up and down
Feed me to the ground
Let it suck you in
Just to spit you out

Les lumières redeviennent rouges pour words fell out et il ne nous aura fallu que cinq chansons pour comprendre qu’elles alternaient du rouge au bleu à chaque titre… Des teintes similaires à des gyrophares. Elles illuminent les rideaux au fond de la scène, plus que le groupe, caché par la fumée dense, le tout donnant une scénographie onirique, presque cinématographique. On a imaginé un monde sans anachronisme où words fell out (2024) était sur la bande originale de Mulholland Drive (2001). Après la douceur mélancolique de ce titre, la chanteuse rigole : “Maintenant, on veut vous voir danser’. La foule reconnaît les synthés de Sad Cowboy  et c’est l’extase, le temps de cette chanson plus rythmée, électro-pop et clairement appréciée des fans. Les membres de Goat Girl, à l’image du public, sautent sur place et se donnent à fond sur leurs instruments respectifs.

| Photos : Laura Collard

Lottie troque sa guitare contre un tambourin, Holly sa basse contre un clavier pour motorway et on chavire un peu, se balançant d’une jambe à l’autre en rythme, en se laissant emporter par les paroles pas très joviales, certes, mais prenantes.

Sleep was meant for yesterday
Now it all just seems the same
We fucked it all away
Oh the night’s to blame

Viennent ensuite les morceaux tonight et perhaps, portés par la performance vocale de la chanteuse, mais aussi par les chœurs de la bassiste, qui parle en canon de la mélodie principale. Une vibe qui rappelle le groupe Dry Cleaning, dans la même mouvance de nouveaux groupes de post-punk qu’on ne se lassera jamais de découvrir mais qui, il faut l’admettre, ne sont pas les musiques les plus galvanisantes en concert.

Sans doute consciente que l’on commence à avoir envie de s’asseoir, Lottie nous promet de la danse avec la prochaine chanson. “Really?” s’étonnent ses collègues. La prochaine, c’est jump sludge et même si la chanteuse nous a assuré que c’était possible, en nous montrant comment sauter en rythme avant le début du morceau, on n’est pas hyper convaincu·es de la dansabilité de tout cet album.

| Photos : Laura Collard

Une voix s’élève dans le public et, d’un accent tellement british que ça nous donne envie d’une tasse de thé, se plaint du surplus de fumée : “On ne vous voit pas !”. On dirait bien que c’est voulu, les membres rigolent en disant que ça leur fait peur de nous voir. Le niveau de fumée est maintenu jusqu’à la fin du show. Sur sleep talk, tous·tes les membres du groupe s’arrachent une partie de leur âme en criant “I miss you” ensemble ; leurs voix craquent sous l’émotion. Rage et désespoir, c’est oui et avec une pédale d’overdrive, c’est encore mieux.

On a encore un petit moment d’incrédulité en écoutant les paroles du déchirant wasting, nos voisin·es suivent le rythme de la tête et Lottie nous livre un magnifique solo de guitare.

| Photos : Laura Collard

Les quatre muscien·nes s’extirpent de la scène après un rapide “au revoir”, avant de revenir pour le rappel, sous des applaudissements enthousiastes mais peut-être aussi un peu frustrés. On entend derrière nous quelqu’un dire à son pote “ça a intérêt à envoyer”. Et là, Goat Girl envoie. Et le public le leur rend bien, plus enivré que jamais. Iels se déchaînent sur Country Sleaze et The Man, du premier album. Leur set se finit donc en apothéose, mais on reste sur notre faim. On ressort de l’AB Club avec des oreilles ravies mais une envie de bouger inassouvie, avant de se confronter à la drache du siècle qui nous coupe instantanément toute envie de faire la fête.

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