Nous vous en parlions depuis quelques mois déjà dans nos clips de la semaine, Météo Mirage est enfin de retour avec un nouvel EP éponyme prêt à colorer nos vies. Dans un voyage qui s’opère en cinq titres des plus élégants, ce nouveau disque travaillé et enregistré entièrement live respire la fusion désormais totale du quintet.
D’un Ton Nom ouvrant le bal avec grâce et rondeur à Où êtes-vous ?, appel délicat à retrouver la scène et les foules, Météo Mirage sait ici raconter, captiver, et surtout transporter. À travers une écriture jouant sur les images ainsi que des textures soignées, on embarque à bord de leur bateau sans même en prendre conscience. À voguer dans le désert sous le soleil de Voyageur, entre les tendres mots d’amour fraternel que Transforme sublime, ou encore sous le charme des extrêmes que dépeint De l’amour à la haine, le quintet saura nous attraper par la main pour la relâcher seulement une fois le périple terminé.
Curieux de percer à jour la magie de leur magnétisme, nous avons rencontré Max et Alexis, tous deux chanteurs au sein du groupe, pour évoquer leurs inspirations, leur attachement aux concerts, et même le génial et regretté Christophe.
La Vague Parallèle : On se rencontre au lendemain de la sortie de votre EP, comment vous vous sentez aujourd’hui ?
Max : Ça va, il y a eu des choses plutôt chouettes sur la sortie ! Après, c’était un peu étrange, on n’a pas fait de concert, on n’a pas vraiment marqué le coup. Je crois que ça va être une sortie plutôt distendue, qui va s’étaler dans le temps.
Alexis : J’ai eu pas mal de retours par messages. Ça fait plaisir, même de la part de gens qui ne m’avaient pas contacté depuis longtemps, ou d’inconnus qui nous écrivent pour nous dire qu’ils ont bien aimé l’EP. Ça fait plaisir d’avoir un retour sur un travail de longue haleine. Mais forcément, vu qu’il n’y a pas de contact réel, c’est un peu frustrant.
LVP : La musique live vit justement des moments particulièrement difficiles. Votre première tournée l’an dernier a été avortée en mars, mais vous avez tenu à lancer une “tournée des apparts” à l’automne dernier.
Max : Ouais, qui a été également avortée ! (rires)
LVP : Ça vous tient à cœur de faire vivre les concerts ?
Max : Ah oui ! Avant toute chose, nous, on fait de la musique pour faire des concerts. On a commencé comme ça, on s’est rencontrés comme ça pour la plupart. Avec Alexis, on se connaissait d’avant. Mais avec les autres, ça s’est fait dans des concerts ou des jams. Toute notre histoire est centrée autour de la scène. C’est après avoir lancé le groupe qu’on s’est dit qu’il allait falloir commencer à penser à des enregistrements. Nous, on pense à la scène d’abord.
LVP : Donc Météo Mirage est né de cette rencontre entre vous deux ?
Alexis : Oui, on s’est rencontrés il y a quinze ans. On a fait nos premières armes ensemble, écrit nos premiers morceaux ensemble, eu notre premier groupe ensemble, et fait nos premiers concerts ensemble. On écrit depuis longtemps maintenant, mais le projet de Météo Mirage est réellement né fin 2017.
Max : On a eu d’autres expériences plus éparses avant. C’était un temps où on découvrait beaucoup de musique. On a pris le temps d’intégrer tout ça, et en 2017, on a commencé à cibler à peu près ce qu’on voulait faire. C’est là qu’on a voulu rassembler des musiciens qu’on avait rencontrés, qui sont Léo, Noé et un peu plus tard David.
LVP : Vous avez donné votre nom à ce nouvel EP, Météo Mirage. Est-ce que c’est une manière de nous dire qu’il correspond exactement à la représentation que vous vous faites de votre musique ?
Max : “Exactement”, je pense que c’est un peu difficile de le dire puisque même nous, on n’en sait rien. D’ailleurs, tant mieux, parce que si on savait exactement ce qu’on voulait faire, ce serait sûrement très ennuyant. Mais en tout cas, je pense que c’est le premier EP sur lequel on a vraiment trouvé un son de groupe.
Alexis : Je dirais plutôt que ça veut dire que c’est un nouveau départ. Ce n’est pas la même démarche que pour notre premier EP. Là, on commence effectivement à avoir un son de groupe, et c’est un peu notre premier disque sorti tous ensemble, à cinq.
Max : Oui, on avait enregistré le premier à deux ou trois. Là, c’est le premier disque pour lequel on était vraiment tous les cinq. Même dans le processus d’enregistrement, on est allés aux Studios Saint-Germain à Paris, et on a enregistré à l’ancienne, live, tous ensemble dans une seule pièce. L’idée de l’appeler Météo Mirage vient aussi du fait de s’être recentrés au maximum sur ce qui fait le groupe, c’est-à-dire les textes et les musiciens qui jouent dedans.
LVP : On sent que la situation actuelle a notamment pu vous influencer quand on écoute Où êtes-vous, qui parle de solitude, ou encore Ton Nom et Voyageur, des titres avec lesquels on s’échappe ailleurs. Quand avez-vous composé ces nouveaux morceaux ?
Alexis : Alors, c’est marrant, parce que Ton Nom et Voyageur c’était avant le confinement. En fait, tous les morceaux, à part Où êtes-vous ?, ont été écrits avant. On a commencé à écrire ce morceau pendant le confinement, et on l’a vraiment terminé quand on s’est retrouvés après.
Max : Oui, c’est le premier titre sur lequel on a travaillé quand on s’est retrouvés. Il est donc très empreint de solitude et même au-delà, du besoin d’exister à travers le regard des autres, notamment sur scène. Mais c’est marrant, on a écrit les autres dans l’innocence totale, sans savoir que tout cela allait arriver.
Alexis : C’était une prémonition !
LVP : De vrais oracles !
Max : On a peut-être un rôle à jouer… On n’en dira pas plus ! (rires)
LVP : À l’écoute de vos morceaux, on voyage. Vous avez une écriture très imagée. Les tableaux que vous dépeignez sont plutôt saisissants, comme dans Voyageur. Est-ce que l’image prend une place importante dans votre processus de composition ?
Alexis : Oui plutôt, parce qu’on pense souvent à des films quand on écrit des morceaux. On a des images en tête, que ce soit des films comme Paris, Texas, ou des œuvres de David Lynch. Ça nous aide parfois à écrire. Dans Voyageur, c’est vrai qu’il y avait vraiment cette idée de métaphore.
Max : Oui, je dirais même que c’est aussi ce qui guide beaucoup le processus d’écriture. Même si ce ne sont pas des films ou des références concrètes, on pense à des couleurs. Le fait qu’on soit cinq, c’est finalement même plus souvent ça que des références musicales. On se partage énormément de musique, mais on a tous des influences diverses. Là où on se retrouve vraiment, et où on est capables de cibler ce qu’on veut faire et là où on veut amener les choses, c’est souvent en parlant d’images, de climats, et d’atmosphères.
LVP : Tu parlais justement de couleurs. Votre musique a quelque chose de très coloré et de chatoyant.
Max : Chatoyant, j’aime beaucoup ce mot ! On va dire ça : on fait de la musique chatoyante ! (rires)
LVP : On retrouve d’ailleurs tout ça dans vos clips : ceux de Ton Nom ou encore Transforme jouent intelligemment avec les couleurs. C’est une volonté de votre part de retranscrire ces impressions dans ces vidéos ?
Max : Oui ! Justement, par rapport à la manière dont on visualise les choses, à nos débuts, nos premiers morceaux étaient très bleus, très électriques. Là, on avait en tête des images de quelque chose d’un peu plus chaud, du magic hour au cinéma, quand tout s’éclaircit d’un rouge orangé un peu profond. Dans les clips, il y avait carrément cette envie de le retranscrire. On laisse les gens avec qui on travaille assez libres de ce qu’ils veulent faire. On leur apporte juste un panel de références, de photos, de paysages et d’images, une sorte de moodboard qui va plus loin que simplement des références à d’autres clips.
LVP : J’imagine que les paysages et les couleurs ont dû bien inspirer le dessinateur de Ton Nom.
Max : Oui, il a aussi un univers de base qui est très coloré, donc on n’a pas eu trop à le forcer (rires), mais disons que ça a peut-être recentré un peu la chose.
LVP : De la solitude à la mince frontière entre l’amour et la haine, on devine aussi que les ressentis ont une place toute particulière pour vous. Les sentiments, c’est quelque chose qui inspire votre écriture ?
Alexis : Complètement, et puis la thématique qu’on avait autour de cet EP, c’était la remise en question, avec quelque chose de très intérieur, de très introspectif. C’est ce qui colle avec les images de désert.
Max : En même temps, ce n’était pas seulement centré vers l’intérieur. On a aussi beaucoup réfléchi autour de la libération, d’une liberté vers laquelle on court. En fait, c’est l’intérieur qui se tourne vers l’extérieur. On a beaucoup réfléchi à l’idée de la page blanche, et à ce que ça veut dire. C’est à la fois quelque chose de flippant, et en même temps un espace de possibles et de liberté. Ces notions étaient finalement le fil rouge de l’EP.
LVP : Vous avez eu des pages blanches à l’écriture ?
Max : J’en ai eu plus que des pages remplies ! (rires) Ouais, toujours. C’est aussi ce qui aiguille le choix des morceaux, parce qu’on avait évidemment composé beaucoup plus de titres. Les textes, c’est une des premières choses que l’on prend en compte pour savoir ceux qu’on va choisir pour garder un fil rouge, pour qu’il n’y ait pas de redites et pour sélectionner les thématiques qui nous intéressent.
LVP : Et ces morceaux qui ont été mis de côté, il y a une chance qu’on les entende un jour ?
Max : Il y en a un qu’on a carrément enregistré, mais pas sorti. On l’a remplacé par Où êtes-vous ?. Il y a donc ce titre qui a été mis en boîte, et je ne sais pas ce qu’on va en faire. En fait, on a écrit déjà beaucoup de nouveaux titres, on a eu le temps… (rires) Et je ne suis pas sûr qu’on retourne derrière, je pense qu’on ira plutôt piocher vers l’avant.
LVP : Le titre Transforme a une dimension particulière, non seulement par sa portée très actuelle, mais aussi très personnelle, puisqu’il raconte l’histoire de ta sœur, Max. À l’écriture, est-ce que c’est plus l’envie de faire connaître son histoire qui t’a motivé, ou bien plutôt une déclaration d’amour intime qui est finalement devenue un morceau à portée universelle ?
Max : L’un et l’autre sont un peu mêlés, mais l’envie de départ c’est plus la deuxième option. Tout simplement parce que raconter son histoire, j’en serais bien incapable, et que je n’ai aucunement la prétention de le faire. Je n’en ai pas envie, et c’est à elle de le faire. C’était plus une manière de témoigner à la place que j’avais par rapport à elle, et de lui dire mon amour. C’est plutôt le point de vue de quelqu’un qui se place à côté, que de quelqu’un qui veut raconter directement son histoire.
LVP : Comment s’est passée la découverte du morceau pour elle ?
Max : Très bien. C’était un peu le sujet d’angoisse principal. C’est-à-dire que là, je n’ai pas eu de pages blanches, mais j’ai eu des pages jetées, et elles étaient nombreuses ! (rires) Je m’étais donné comme ligne de conduite de ne pas le lui faire écouter avant que ce soit complètement fini. Je lui ai donc fait écouter une fois qu’on était allés en studio, et que le titre avait été mixé et masterisé. C’était presque sûr qu’il allait sortir. S’il y avait eu un veto absolu, je ne m’y serais pas opposé. Mais en l’occurrence, elle a été particulièrement ravie. Elle m’a dit que c’était un beau miroir de ce qu’elle avait ressenti à travers les années. Donc je pense que je ne me suis pas trop trompé. J’ai essayé de prendre une certaine distance, qui fait que je ne voulais pas m’aventurer là où je n’étais pas sûr. C’était tellement sincère qu’il y avait peu de possibilités de se tromper, parce que je ne cherchais pas à couvrir tout le panel.
LVP : Sinon, comment vous définiriez vos influences musicales ?
Alexis : Quand on s’est rencontrés, on a commencé par le blues-rock. On écoutait beaucoup de rock des années 60-70, ainsi que beaucoup de chanson française et de jazz. Après, on s’est ouverts à des choses plus modernes, notamment dans les années 2010, avec toute la vague relayée par Tame Impala ou encore Mac DeMarco. Ce ne sont pas forcément des choses qui nous influencent encore dans la manière dont on enregistre, mais ça nous a ouvert des portes.
Max : C’est même à l’origine de Météo Mirage : on avait toutes ces influences qui se mélangeaient, puis il a eu l’explosion de cette nouvelle vague psychédélique.
LVP : Une vague très colorée d’ailleurs !
Max : Oui, et avec beaucoup de textures synthétiques ! C’est d’ailleurs là qu’on s’est intéressés au synthétiseur. Aujourd’hui, comme je disais tout à l’heure, je pense que les influences principales ne sont pas forcément musicales, si ce n’est tout ce qui a une portée très organique, en rapport à la musique jouée live, qui nous rassemble. Ça aiguille beaucoup le travail qu’on fait.
LVP : On a pu voir que vous avez été particulièrement touchés par la disparition de Christophe, pour qui vous avez même composé un morceau partagé sur vos réseaux sociaux.
Max : Oui ! Christophe a eu une grande influence sur nous, parce qu’il nous a appris que la fragilité est une arme. Ça c’est une leçon de vie, certes, mais aussi une leçon musicale très importante : ne pas chercher à gommer les imperfections, et à être dans la performance pour la performance. De ce point de vue, il y a un côté initiatique dans la manière dont on l’a écouté, et dont sa musique nous a touchés.
Alexis : Ce qui est fou avec Christophe, c’est son renouveau. Sa carrière est très longue. Ce qui nous a beaucoup touchés, c’est même la fin de sa carrière, où il a proposé un son vraiment nouveau, avec des textures et des textes intéressants.
Max : Oui. Ce qu’il y a d’intéressant et qu’on essaie aussi de faire nous, c’est d’être capables à la fois d’avoir un côté aventureux dans la recherche et dans les textures, et en même temps d’avoir une patte très singulière liée à l’émotion. Chez Christophe, on a l’impression que peu importe ce qu’il a fait, que ce soit dans sa période yéyé ou même dans les titres avec de l’autotune dans les derniers albums, ce qui fédérait, c’est l’émotion qu’il arrivait à mettre là-dedans. Et ça, c’est vraiment inspirant.
LVP : Pour finir, vous pouvez nous confier ce qui tournait en boucle dans vos oreilles pendant l’écriture du disque ?
Max : Il y a deux groupes qu’on écoutait beaucoup. Le premier s’appelle Suuns. Ça ne se ressent pas forcément dans notre musique, mais on adore les espèces de mélanges d’influences et de textures qu’ils utilisent. On a pas mal écouté Khruangbin aussi. C’est un groupe très centré autour du jeu justement, et qui arrive aussi à être épuré et très touchant. Et aussi l’album Les Vestiges du Chaos de Christophe, bien sûr.
Alexis : J’écoutais aussi beaucoup Philip Glass à l’époque, ce qui a pas mal inspiré Voyageur, notamment.
Max : Moi je connais moins ça, je lui fais confiance (rires).
LVP : Tant mieux, vous vous apportez mutuellement !
Max : C’est ce qui est génial aussi ! Là on n’est que deux, mais dans le fait de bosser à cinq, il y a un côté “surprise de chaque instant”.
En perpétuelle recherche d’épaules solides sur lesquelles me hisser pour apercevoir la scène, je passe mes concerts à faire les chœurs depuis la foule.