P.R2B a des rêves plein la voix sur son premier disque
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
19/09/2020

P.R2B a des rêves plein la voix sur son premier disque

La magie de l’imaginaire s’invite dans le premier élan de P.R2B, la chanteuse au nom d’androïde Star Wars qui macère ses compositions intimes et touchantes dans des bains corrosifs de BPM et autres mélodies lo-fi nébuleuses. À partir des six morceaux qui composent Des Rêves se dresse le portrait coloré de Pauline Rambeau de Baralon, qui s’empare du royaume des songes pour irriguer sa plume et sa musique. Plongeons-y donc, ensemble. 

Le thème central de ce premier EP est aussi universel que hautement personnel : tout le monde rêve, mais chacun·e différemment. Par l’art musical, P.R2B nous invite à découvrir comment, elle aussi, s’échappe du réel et satisfait ses désirs. En résultent des pépites parfois douces, parfois tonitruantes, qui font battre tympans et cœurs en puisant dans la richesse de la chanson française, la fougue d’une punk rock des années 80 ou encore dans la fraîcheur des musiques électroniques actuelles. Ce mélange bariolé et kaléidoscopique hisse ainsi la chanteuse au rang d’artiste intemporelle, qui s’affranchit des limites d’une époque pour voguer sur des flots à la fois novateurs et familiers, nostalgiques et surprenants, à l’image d’Océan forever.

C’est par ce dernier que se dévoilait la Berruyère en 2017, révélant le premier des rêves de sa longue constellation onirique. S’appuyant sur un savant mélange entre délicates notes pianotées et synthés métalliques ondulants, elle capturait ici ses envies dévorantes de s’éloigner de la grisaille de la ville pour rejoindre le pacifisme de la côte. Se noyer dans les phares d’une rêverie sans retour. Un premier partage qui démontrait déjà l’aisance avec laquelle P.R2B jongle entre deux univers ou deux tempos, reliés de façon cohésive en une seule et même émotion, qui marquera trois ans plus tard son premier EP : une nostalgie poétique naturaliste.

L’art de la nostalgie poétique naturaliste en musique

Il y a d’abord cette première notion de nostalgie que l’on retrouve aisément sur la plupart des titres. Un sentiment que peu peuvent prétendre pouvoir générer, mais que P.R2B semble déjà maîtriser. Sur Le film à l’envers, le cœur énergique de l’EP, elle nous emporte ainsi dans une valse frénétique retraçant une romance qui aurait tourné au vinaigre. S’appropriant les kicks et les percussions galvanisantes d’une punk rock enivrante, elle s’adresse ici directement à cette personne envolée pour lui clamer son envie de refaire le film à l’envers. L’occasion de se replonger dans des souvenirs dorés, retranscris avec naturel et authenticité : “C’est nous les fous, sauvons la vie” qu’on répétait à l’infini. Première nuit, première fête. Le parfum de tes cigarettes. L’odeur bleue des nuits infinies. 

Un phénomène que l’on retrouve aussi sur Dolce Vita et ses sonorités jazzy vaporeuses. À l’écoute de La Chanson du Bal, notre gros coup de cœur de l’opus, ce sont aussi bien les cuivres pleureurs du refrain que les notes légères électroniques de la mélodie qui éveillent en nous ce sentiment du passé, et l’envie dévorante d’y retourner. Un condensé de romantisme qui constitue une lettre d’amour touchante, à écouter en boucle.

La plume de Pauline Rambeau de Baralon semble gorgée d’une poésie simple mais délicieuse. Pas besoin de grandes métaphores et autres artifices linguistiques pour délivrer des textes poignants. C’est par sa frontalité et son phrasé fluide que la poétesse vient mettre en lumière les mots justes et la syntaxe appropriée à telle envie ou tel fantasme. Chaque rêve a son jargon. Ainsi, alors que les eaux dociles et le souvenir VHS insufflent à Océan forever un caractère de quiétude immuable, c’est avec des yeux noirs qui me taillaient sec ou des dimanches soirs sous la pluie qu’elle fige un instant de romance pure sur Le film à l’envers.

Finalement, c’est la patte naturaliste de sa musique qui nous aura conquis·es. Non seulement cette volonté de transposer le réel tel qu’il est, mais surtout de trouver l’inspiration dans cette authenticité. Auto-bronzant sur la plage. Regarder tous les ravages avec des verres polarisés. Les petites choses futiles du quotidien constituent ainsi la base de Le beau mois d’août qui décrit avec malice et doubles sens la chaleur de la fin de l’été, en profitant aussi pour se dévoiler engagée sur certaines lignes plus sociétales que descriptives. J’ai décidé d’oublier, tous ces anciens jours d’été. Bye bye, je reviendrai quand tout ça, ça ne sera plus n’importe quoi.

Une forme de politisation musicale qui se retrouve plus explicitement encore sur Des rêvesIci, P.R2B sort les crocs pour signer un véritable manifeste du fond de ses pensées, de ses combats, de ses engagements. Le tout sur des rythmes virevoltants et dansants, dynamisant d’autant plus la voix de Pauline pour en faire un cri du cœur fédérateur. Même les chiens n’en peuvent plus d’obéir à leurs maîtres. Je n’serai jamais à eux. Ce matin, il fait beau, et je signe avec mes doigts. Le sang d’hier qui sèche vivra à travers moi. Cette rage, mêlée à des bribes d’espoir et de force chatoyante, c’est un peu le carburant artistique de P.R2B qui compte bien célébrer ses folies intérieures et souligner leur caractère universel, propre à chacun·e.

« Je ne peux dire qui je suis qu’en pleurant, en riant, en tremblant. Nous vivons une époque où les gens sont en colère, on ne peut pas la leur enlever. Il y a là une idée de radicalisme, de combat. La sincérité, entrer en déflagration, ce n’est pas désuet. Accepter de dire je, c’est accepter de dire nous. »

Avec ce premier travail, P.R2B dévoile ses rêves les plus fous dans un mélange efficace de force (rythmes poppunk rock, électro) et de vulnérabilité (ballade sentimentale, valses nostalgiques). Attribuant à ses songes des scénarios et des décors, la chanteuse se découvre à la fois protagoniste et conteuse de sa propre histoire, devant et derrière une caméra si chère à ses yeux. S’accordant aux limites du format EP, elle parvient tout de même à exploiter justement son sujet à travers six pièces éclectiques et pleines de sens, qui ouvrent la voie à une multitude d’autres rêves qui n’attendent que d’être racontés à leur tour. Sur l’album, peut-être ? On l’espère vivement.


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