Parachutes, l’anniversaire d’un succès signé Coldplay
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Auteur·ice : Hugo Payen
20/11/2020

Parachutes, l’anniversaire d’un succès signé Coldplay

Il y a vingt ans cette année, Coldplay sortait son tout premier album, Parachutes. Un album qui reste de loin le plus influent. Parachutes signifie le début d’une folle aventure pour Chris Martin et ses compagnons. Mais Parachutes signifie aussi un tas d’autres choses pour toutes ces personnes l’ayant écouté. À l’occasion de cet anniversaire, on vous propose un plongeon direct au cœur d’un album qui continue, encore aujourd’hui, d’essuyer nos larmes, de faire chavirer nos cœurs et d’ensoleiller nos âmes.

Vous allez voir ! Jonny Buckland, Chris Martin, Will Champion et Guy Berryman, aka The Coldplay, ou peu importe le nom qu’on aura, on va être un énorme groupe. On passera à la télévision nationale dans les quatre années. Ne l’oubliez pas ! – Chris Martin (1998)

C’est ce jour-là de 1998 que Chris Martin, du haut de son look d’étudiant nonchalant à l’appareil dentaire et à l’acné assumés, scande avec un poil d’arrogance ce discours de jeune artiste la tête pleine de rêves. Si on avait su ce que le futur leur réserverait. En effet, on peut dire que le jeune étudiant anglais n’était, au final, pas loin du compte. Très loin cependant de s’imaginer faire partie de la tête d’affiche de Glastonbury quatre années plus tard. Mais surtout très loin de s’imaginer le succès planétaire qui allait s’ensuivre.

Une première note

C’est dans la résidence étudiante du campus de la University College de Londres que l’aventure commence pour Chris Martin et ses trois compères. Amis depuis plus d’un an, c’est bien dans une petite chambre de résidence étudiante miteuse que les prémisses Coldplay sont nées. Pour comprendre la difficulté de faire de la musique professionnellement : à l’époque, dans une résidence de six étages, la moyenne était de six groupes. On vous laisse imaginer dans un campus entier. Une porte d’entrée à la fois énorme de par la réelle passion les habitant, mais tout aussi compliquée de par la concurrence y faisant rage.

On vous repeint le tableau, on est à la fin des nineties à Londres, capitale du rock. Le monde de la musique anglaise est à son apogée après les exploits de Radiohead, Supergrass ou d’Oasis. Une époque où, pour monter un groupe, les auditions étaient une étape quasi obligatoire. Mais, déjà à ce moment-là, les quatre jeunes Anglais en avaient décidé autrement. Une seule chose était sûre dans leur tête de jeunes universitaires : s’ils devaient faire de la musique, c’était ensemble, ou pas du tout.

Comme une boule d’énergie increvable, voulant toujours se faire remarquer, Chris Martin profite de chaque occasion pour prendre sa guitare et jouer pour épater la galerie. Chris a vingt ans et n’attend qu’une seule chose, le déclic qui changera tout. Ce déclic, il était sous ses yeux depuis le début, c’était Jonny Buckland. Le fidèle compère de Chris. Quand les deux se mettent à effleurer leurs guitares, la connexion se fait immédiatement. Il n’en fallait alors pas plus aux deux jeunes Anglais pour se lancer dans une aventure musicale. Un duo de guitares acoustiques porté par la voix de Chris Martin, ça nous semble évident que personne ne devait rester de marbre.

Après quelques semaines, c’est au tour de Guy Berryman de rejoindre le duo avec ses riffs de basse langoureux. Guy est un peu le brun ténébreux de la bande avec qui tout le monde a du mal au début. C’est d’ailleurs avec Chris que le courant passe le moins, et ce, dès le premier jour. Mais la musique, éternelle lumière salvatrice, revient encore une fois éclairer notre jeune trio. En effet, après avoir entendu la première chanson de Chris et Jonny, Guy décide de mettre littéralement sa vie en pause pour se consacrer à son premier amour qu’est la musique. Un geste qui ne manque pas d’épater Chris, celui qu’on qualifie à l’époque « d’âme créatrice du groupe ». Ses compagnons de route le soulignent encore maintenant, Chris Martin a toujours eu des idées très claires quant à où il voulait aller, ou ce qu’il voulait faire.

Je sentais la frustration qu’avait ma mère de ne pas pouvoir faire ce qu’elle voulait faire de sa vie. C’est-à-dire faire de la musique. Avec mes parents il y avait cette sensation inconsciente qui me disait, si je voulais faire quelque chose en particulier, de foncer sans me poser de questions. C’est de là qu’est né mon besoin de réaliser mes rêves. – Chris Martin

Un premier essai

Durant l’été 1997, c’est l’effervescence pour le trio, qui commence à écrire de plus en plus de chansons. Ils débutent alors les premiers enregistrements, qui donneront naissance à un premier EP, Panic, qui ne sortira finalement pas. Ça coince quelque part, comme s’il manquait une clé importante au groupe. C’était la batterie, sans batterie le son ne donnait pas comme ils le voulaient. C’est alors que rentre dans l’histoire le quatrième compère de résidence de nos trois jeunes Anglais, Will Champion. Guitariste de base, Will n’a que très peu de notions de batterie. Il jouait de la guitare comme personne quand ils se sont rencontrés, explique Jonny lors d’une interview.

C’est après avoir écouté Panic que Will décide de ramener un ancien kit batterie et de l’installer dans la salle de répétition du groupe. N’ayant pas énormément de choix quant à la composition du groupe ne restant que les percussions, Will se voit alors devenir le batteur attitré. Coldplay venait de voir le jour.

Le groupe étant au complet, les répétitions peuvent commencer. Ils se retrouvent alors dans cette même résidence universitaire. Les choses s’enchaînent alors très vite pour les quatre jeunes. Un bref appel à un promoteur de concerts londonien plus tard, ils se voient faire une première date sous le nom de Starfish. Avec ce premier concert dans un bar de Camden en 1998, le groupe attire un nombre fou de curieux. Un début qui ouvre grand la porte à une popularité grandissante, dans le milieu universitaire principalement.

We have something now. – Will Champion

Mais quand il est question de deuxième date, le nom de groupe choisi en vitesse divise au sein du groupe. Guy Berryman raconte qu’un ami à eux avait, lui aussi, un groupe de musique nommé Coldplay. Le trouvant « trop compliqué » à dire pour les gens, ce groupe n’en était pas fan du tout et décida alors de l’abandonner. C’est à ce moment-là que nos jeunes anglais sautent sur l’occasion et décident de reprendre le nom de Coldplay.

Les petits concerts de bars se succèdent, les chansons sont de plus en plus travaillées, et Chris en demande toujours plus. C’est alors en plein concert, au Camden Falcon, que le groupe réalise la présence de Steve Lamacq, célèbre animateur radio à la BBC Radio 1, dans la fosse. Une réelle opportunité pour eux, BBC Radio 1 étant la station dénicheuse de talents par excellence. Tandis que le groupe retourne en backstage, Steve Lamacq décide de les accoster en leur proposant une apparition dans son programme sur la Radio 1.

Le groupe ne pouvait demander mieux que cette opportunité lui tombant dessus sans prévenir. Avec un premier single prometteur, Bigger Stronger, Coldplay réalise une performance live éblouissante. En 1999, le groupe décide de sortir l’EP The Blue Room, véritable pépite musicale, comportant notamment High Speed et une première version de Don‘t Panic.

 

C’est alors le début des choses sérieuses pour le groupe, qui est déterminé à ne rien lâcher tant que ses objectifs ne sont pas atteints. Les plans qu’avait Chris en tête n’avaient cependant pas pris en compte les mots des journalistes. Alors que le groupe se prépare aux prochaines dates, c’est une jolie critique dans un magazine musical qui va être décisive pour la suite de l’aventure, venant apporter une nouvelle visibilité au groupe.

Un album pas comme les autres

Les choses avancent à toute vitesse pour Coldplay au début de l’année 2000. Le groupe signe en maison de disque, et pas n’importe laquelle. C’est chez une des divisions du label anglais EMI, Parlophone, que le groupe signe son premier contrat. Un label des plus emblématiques en Angleterre, ayant lancé les Beatles. Coldplay passe alors de petits concerts de bars à une première tournée d’Angleterre en bus.

Si l’on en croit l’image que reflète le groupe à l’époque, la réalité est bien différente. Après le succès de The Blue Room, l’idée d’un premier album est au cœur des discussions du groupe. Le problème est que les sonorités et arrangements se perfectionnent : Will, n’étant pas batteur professionnel, se sent très vite dépassé. Une frustration s’installe dans les têtes, et les répercussions sur l’écriture se font ressentir. Une mauvaise note en entraînant une autre, c’est au tour de leur producteur du moment de semer le doute au sein de la bande, poussant subtilement Will vers la sortie. Ces très jeunes artistes, toujours plus attirés vers la lumière, croient alors dur comme fer aux belles paroles de celui-ci. C’est ainsi que Will décide de quitter le groupe, se sentant dépassé par la croissance fulgurante du groupe.

Après de nombreuses auditions, les trois restants réalisent assez vite l’énorme bêtise qu’ils viennent de faire en laisser partir Will. L’ ADN première de Coldplay, c’est leur amour pour les mêmes choses musicalement. Le groupe est soudé car ces quatre jeunes anglais sont avant tout autre chose, des amis. Quand en interview, à l’époque, on leur demanda quelle avait été leur plus grosse erreur, laisser tomber Will fut la première réponse. Ils savaient pertinemment que sans Will, Coldplay ne serait pas la même chose. Et s’ils le répètent encore aujourd’hui, il est clair que les chapitres suivants auraient été d’une tout autre couleur sans Will Champion.

Malgré les apparences, Parachutes n’est au final, pas l’album qui a été le plus facile à écrire ou à réaliser pour le groupe. Ce premier album est venu à un moment de leur vie où ils débordaient d’émotions, les uns tous autant que les autres, et ce, sans forcément savoir d’où elles venaient, ni comment les gérer. D’autant plus que cette période de la vie du groupe s’est vu paralysée moralement par la maladie de la mère de Will, à qui l’album est d’ailleurs dédicacé. Une période où aucun des quatre ne savait réellement comment gérer la chose.

Le studio n’est clairement pas une période facile pour eux, avec la mort de la mère de Will, tout le monde reste confus. Ils ne savent pas ce qu’ils font réellement, et quel genre de groupe ils veulent devenir. Les premières disputes éclatent à propos des titres de l’album, laissant parfois le groupe à la limite de l’implosion. Une chanson pouvait alors être merveilleuse pour les uns, et considérée comme nulle pour d’autres. Des détails peut-être futiles quand on y réfléchit, mais sûrement pas dans la tête de quatre garçons de 23 ans ayant la porte du succès grande ouverte devant eux.

Un jour où la confiance s’éloigne petit à petit, Chris invite les autres à écouter sa nouvelle chanson fraîchement écrite. Un titre différent, aux allures de folk à la Neil Young. Chris lance alors la démo, le groupe est conquis. C’est ainsi que Guy s’empresse de prendre son instrument pour accompagner avec une ligne de basse en reverb. Yellow, véritable chef-d’œuvre du groupe, venait de voir le jour. Ces garçons ont ainsi compris ce qu’ils voulaient faire de leur musique.

 

L’enregistrement de Parachutes n’a donc pas été un moment évident à passer pour le groupe. Alors que leur enthousiasme ou leur confiance des premières années étaient redescendus au minimum, Chris fut là pour les rassembler. Le point fort du groupe a toujours été sa façon de prendre à cœur chaque aspect des chansons. Et malgré de longues heures misérables au studio, ces heures de travail en valaient largement le coup, comme peut le souligner Chris Martin.

En juillet 2000, Parachutes envahit officiellement nos cœurs et nos oreilles, qui découvrent alors pour la première fois un album intime, porté par des arrangements très acoustiques. Un album qui, osons le dire, se trouve être aux antipodes de ce qu’on connaît du groupe aujourd’hui. On y découvre alors une track-list éblouissante. Débutant sur Don’t Panic, c’est un des premiers morceaux écrits par le groupe que l’on voit s’offrir à nous. Et quel morceau. Une ballade rêveuse s’inspirant d’une soirée romantique désastreuse que Chris a passée à l’époque. Une entrée en matière qui continue avec Shiver et Spies, bijou acoustique des plus hypnotisants.

 

C’est ensuite sur Sparks que continue l’album, avant d’exploser avec l’enchaînement de Yellow et de Trouble, deux titres indétrônables que le groupe joue encore aujourd’hui en live. Et si la légende qu’est Yellow a été inspirée par Chris lors d’une balade sous le ciel étoilé du Pays de Galles, elle n’en était pas des plus faciles à enregistrer. Imaginez-vous devoir recommencer des dizaines de fois le même titre, simplement à cause d’un problème de tempo, on peut comprendre que des frictions au sein du groupe pouvaient avoir lieu de temps à autre au studio. Mais, de nouveau, si le studio n’était pas une période des plus faciles pour le groupe, Trouble vient apaiser ces moments de doutes, de colères, d’incompréhension. Cette incroyable ballade au piano a été écrite par Chris en guise d’excuses pour tous ces comportements envers les autres.

Singing that I never meant to cause you trouble

I never meant to do you wrong

And I, well, if I ever caused you trouble

Oh no, I never meant to do you harm

Parachutes reprend alors du rythme avec High Speed, titre ondulant faisant partie de leur EP The Blue Room. Chris y parle de l’angoisse que peut être une relation, dans ces moments où l’on a l’impression que tout va trop vite. Quand soudain, on sent que la fin approche pour Parachutes, c’est alors sur fond de guitare acoustique que se glisse We Never Change. Rejoint très vite par le reste du groupe, ce titre reflète la mini crise existentielle de Chris voulant à la fois vivre une vie d’excitement et de grandeur, tout en voulant une vie calme et paisible.

C’est alors sur Everything’s Not Lost que vient se clore ce chef-d’œuvre qu’est Parachutes. Et quelle fin merveilleuse. Cette ode vibrante nous pousse à regarder vers l’avant et à mettre de côté toutes ces peurs, tous ces doutes accumulés depuis le début. Avec ce riff iconique de Jonny, c’est de la plus belle des manières que se termine l’album. Enfin, terminer est un grand mot, car si la mode à l’époque était d’insérer des titres cachés, il est évident que Coldplay n’allait pas échapper à la règle. C’est ainsi que vingt secondes après la fin de Everything’s Not Lost, on retrouve Life Is For Living, morceau venant compléter les paroles des titres précédents.

 

Pendant quarante minutes, on découvre ce qu’est la réelle essence Coldplay. On réalise la puissance de ces dix titres, que ce soit pris dans un ensemble magnifiquement bien ficelé, ou individuellement. On comprend que rien ne pouvait arrêter ces quatre jeunes anglais à qui le monde de la musique venait officiellement de s’ouvrir. Coldplay se produit alors pour la première fois à la télévision dans le Later…with Jools Holland. L’album est un succès instantané et atteint le sommet des charts anglais en très peu de temps. Tout s’enchaîne pour Chris, Jonny, Will et Guy, à qui on offre la tête d’affiche de Glastonbury le même été.

Les prévisions du jeune Chris Martin du début se sont avérées vraies : en même pas quatre années, Coldplay est devenu un des groupes les plus influents de son époque. Le groupe s’envole. Et même si le premier concert du groupe, à l’Ancienne Belgique, en 2000, à la sortie de l’album, ne s’est vu rempli que de 15 personnes, leurs deux dates sold-out au Stade Roi Baudoin, en 2017, à l’occasion du Head Full of Dreams Tour, en sont une belle conclusion.

Une tête pleine de rêves

Mais que reste-t-il de cette aventure, vingt ans plus tard ? Il nous serait impossible de vous résumer le prodigieux parcours du groupe au fil des années. Ce que l’on peut vous dire par contre, c’est que Coldplay est avant tout une véritable bromance débutée dans une petite résidence étudiante de Londres il y a vingt ans, et qui continue à rester intacte malgré les hauts et les bas, les doutes, les peurs, les joies de chacun. La recette magique de Chris et des autres reste avant tout le plaisir qu’ils prennent en écrivant, en jouant. Ils font ce qu’ils aiment, se renouvellent sans cesse. On vous l’accorde, si vous avez le sentiment que Coldplay a pu s’égarer musicalement sur certains albums, on ne peut vous en vouloir. Ce qui est sûr cependant, c’est que Coldplay arrive toujours à nous surprendre, et ce, même après vingt ans.

If you don’t like it, I don’t care. I’m having fun ! – Chris (2015)

Si la tournure artistique du groupe s’est vu être chamboulée plus d’une fois au travers des albums, nos quatre jeunes étudiants passionnés du début, eux, sont bel et bien toujours là. Ils ont soif de musique, et ça se ressent. Et si l’album A Head Full Of Dreams, sorti en 2015, peut se comparer à un melting pot des différentes facettes du groupe, il signifie la réalisation de ses objectifs de carrière. Qu’on adhère ou pas à leurs huit albums, ayant chacun leurs points forts comme leurs points faibles, on ne peut qu’être admiratif du chemin parcouru par Chris Martin, Will Champion, Guy Berryman et Jonny Buckland.

On vous rassure, après l’effervescence des stades toujours plus grands à travers le monde, Coldplay semble se calmer et revenir à une atmosphère intime des débuts, ou celle approchée par Ghost Stories. Avec un dernier album flirtant avec une authenticité retrouvée, Coldplay semble avoir conquis une petite partie de ses fans. Et si quelques rumeurs de fin tournent après la sortie de chaque album, Coldplay ne semble pas en avoir fini avec son premier amour qu’est la musique.

Cette année célèbre ainsi la création de Parachutes, un album indétrônable, atteignant ainsi les sommets aux côtés des meilleurs des années 2000. Mais cette année célèbre aussi la création de quelque chose de plus grand qu’un album, celle d’un groupe d’amis réalisant leurs rêves, celle de la création d’un groupe iconique. Celle de Coldplay.


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