Parov Stelar : “Je considère tous mes morceaux comme mes propres enfants”
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Auteur·ice : Giulia Simonetti
29/11/2020

Parov Stelar : “Je considère tous mes morceaux comme mes propres enfants”

Parov Stelar, ce 27 novembre, offre la sortie de Voodoo Sonic The Album. C’est tout en simplicité et authenticité que La Vague Parallèle a pu connaître pendant quelques minutes le père de l’électro-swing. Artiste mystérieux, intrigant et original, tout comme sa musique, Marcus Füreder ne se dévoile pas si facilement. Il préfère laisser parler son art plus que sa personne.

LVP : Comment te sens-tu par rapport à la sortie de ton album ?

Parov Stelar : Je suis toujours un peu stressé quand il y a une nouvelle sortie : je considère tous mes morceaux comme mes propres enfants. Par contre, lorsque je me rapproche de la date, j’essaye de ne pas trop y réfléchir. Tout mon travail est alors terminé, j’ai tout donné et la seule chose à espérer c’est que les gens vont aimer ! Il ne me reste qu’à souhaiter une belle et longue vie à Voodoo Sonic The Album !

LVP : Tu as décidé de créer une trilogie de ton album et presque tous les titres sont déjà sortis, pourquoi as-tu décidé de travailler de cette manière ?

Parov Stelar : Eh bien, je pense que si on jette un coup d’œil à l’industrie musicale de ces dernières années on comprend que les gens sont souvent intéressés morceau par morceau. Je dirais que personnellement je suis quelqu’un d’assez old-fashioned qui croit encore au concept d’un album complet parce que je le compare à un livre. Si tu achètes seulement un chapitre ou tu lis juste quelques chapitres du livre, je ne sais pas si tu vas saisir toute l’histoire. Je pense que c’est pareil pour la musique. En revanche tu dois aussi suivre les rythmes du marché. C’est pour cette raison que je suis arrivé à l’idée de d’abord morceler l’album pour le refondre à la fin en un seul et unique album complet.

© Photo : Giulia Simonetti

LVP : Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur le choix du titre de l’album, Voodoo Sonic ? Pourquoi as-tu décidé d’explorer l’ancienne religion Voodoo et de l’associer à ta musique ?

Parov Stelar : J’ai vu un documentaire sur les rites Voodoo et j’ai beaucoup appris sur le sujet. J’ai ressenti que cette religion faisait la synthèse de différentes influences. Dans cette culture la danse, les mouvements, le corps, la connexion sont extrêmement importants. Ce qu’ils font c’est véritablement ce que je fais dans ma musique : le mouvement et l’état de transe que tu peux atteindre lorsque tu commences à danser et vivre la musique ! Je pense que le nom Voodoo se marie très bien avec mon état d’esprit et le rythme, la représentation de ce type d’identité.

LVP : Tu es un producteur, un mixeur, un musicien, mais en plus de cela tu es un artiste dans toutes les formes d’expression, tu as créé et peint le visuel de ton album. La pochette de l’album est un peu comme une marionnette Voodoo qui est à la fois sombre et captivante. Quel était ton but dans la réalisation de cette pochette ? Y a-t-il quelque chose de caché derrière cette œuvre d’art ?

Parov Stelar : Je ne pense pas beaucoup lorsque je peins : je laisse juste parler les émotions et les sentiments qui me viennent lorsque je suis devant ma toile. C’est la meilleure des choses qui puisse arriver : c’est la concrétisation des émotions qui débouchent sur une recette avec tes propres images et tes propres histoires. Dans l’art, c’est cette partie qui m’intéresse et m’anime le plus. Chaque personne ensuite pourra voir et ressentir ses propres sensations. Ça a toujours été évident pour moi de combiner la partie visuelle, artistique et la partie musicale avec Parov Stelar. Il ne s’agit pas simplement de faire de la musique.

LVP : Pour revenir un peu sur le contenu de l’album, on peut dire que tu es l’artiste le plus représentatif de l’électro swing, mais ta musique ne se limite pas à ce genre, tes influences sont nombreuses. Peux-tu expliquer la raison pour laquelle tu t’inspires de différents genres en général, et plus particulièrement dans Voodoo Sonic ?

 Parov Stelar : Je ne suis pas sûr de le vouloir, mais en tout cas cela vient naturellement. Je suis intéressé par différents styles et genres. Par exemple, pour le moment je suis aussi dans la stelartronic et l’électronique. Mais la personne qui a masterisé l’album m’a dit que Voodoo Sonic 3 ressemblait plus à The Princess (album) 2020. Cela m’est venu spontanément de produire quelque chose de typique, qu’on retrouve dans la plupart de mes titres, mais dans une ambiance plus contemporaine et propre à 2020. Effectivement ces dernières années je me suis senti limité par l’électro-swing. Dans ce nouvel album j’ai le sentiment d’avoir dépassé cette limite et d’avoir gagné en créativité en composant des morceaux plus Parov Stelar, je suis très fier du résultat !

 

LVP : Le cinquième morceau, Black Marlin, est clairement un écho du premier titre, Silver Line, qui rappelle le dernier morceau de l’album The Demon Diaries (The Lonely Trumpet). Le piano et la trompette sont importants dans ta musique, quelle est ta relation à ces deux instruments ?

Parov Stelar : Ces instruments sont les deux que je sens le plus, ils sont source d’émotions. En particulier le piano qui t’emporte littéralement. La trompette est elle aussi un instrument très fort. Ce n’est pas une coïncidence que la trompette soit utilisée dans les battles, elle est à la fois agressive et délicate. Combiner piano et trompette provoque ainsi un pouvoir indescriptible. Tu as raison, dans Black Marlin ou Silver Line et dans des morceaux comme ça, il y a pour moi aussi une ambiance cinématographique. J’aime créer cette typologie de musique lorsque je replonge dans mes images personnelles : comme si j’étais dans un film.

LVP : Tu es l’un des plus grands représentants de l’électro-swing, tu as collaboré avec des artistes extrêmement célèbres, notamment Lady Gaga, Lana del Rey, Klingande, Lukas Graham et beaucoup d’autres. Peux-tu décrire en quelques mots quel est ton rapport à la célébrité et à l’authenticité que tu possèdes dans ton art ?

Parov Stelar : Avant tout, je n’en ai rien à foutre de la célébrité, elle détruit plus que ce qu’elle peut donner. Bien sûr, si tu veux être un artiste reconnu dans son travail et son art et que tu n’es pas Daft Punk, tu dois montrer ta tête, et c’est quelque chose que je n’aime vraiment pas. Je suis d’ailleurs le cauchemar de mon manager parce que j’essaye toujours de détourner la tête. J’ai envie que ce soit mon travail qui parle et pas mon corps, mais cela est presque impossible.

LVP : Pourquoi dis-tu que la célébrité détruit plus qu’autre chose ?

Parov Stelar : Je dois aussi dire que cette forme de célébrité a déjà brisé deux de mes relations amoureuses, et ce n’est vraiment pas facile pour les autres d’être avec moi quand tu dois garder le contact avec le public. Bien sûr, je ne veux pas me plaindre parce que cela me plaît. Avoir le plus de monde possible qui écoute ma musique, c’est une grande forme de reconnaissance, mais j’ai toujours essayé de ne pas être un artiste de la pop culture. Je ne dis pas que la culture pop n’est pas bien, j’écoute aussi quelques morceaux de la culture pop, mais je ne m’y reconnais pas. J’ai toujours essayé de produire ce que je sentais et non de créer ce qu’on veut écouter ou ce qui peut marcher. Pour moi le travail est une question d’équilibre, l’art a toujours été une priorité par rapport au fait de gagner de l’argent. Bien évidement vivre de son art, c’est le meilleur scénario possible!

 

LVP : Tu as sorti 9 albums et plus de 20 EP depuis 2004. All Night, The Sun, Brass Devil et Booty Swing sont tes titres les plus importants dans le monde entier. Quel est l’album ou le morceau qui t’a procuré le plus de satisfaction ?

Parov Stelar: C’est très difficile de choisir un morceau parce que, comme je te l’ai dit au début, tous mes titres sont mes enfants, je ne peux donc pas faire de préférences et je ne peux pas dire « tel enfant est mon enfant préféré ! » (rire). Je dirais que mes morceaux peuvent être classés par catégorie : All Night, Booty Swing ou The Sun sont les morceaux qui ont amené Parov Stelar aux étoiles ! Ce sont des titres qui m’ont permis d’entrer dans le game, dans le business, ils m’ont ouvert d’énormes portes. Dans cette trilogie je peux dire que je suis attaché à plusieurs titres qui sont spéciaux pour moi. The Voodoo Engine est un exemple intéressant. Ce n’est pas du tout un morceau qui sera commercial parce que l’intro dure plus d’une minute et cela n’est pas bon du tout pour les critères de Spotify. Je suis aussi fier de Crush & Crumble ou d’un morceau plus ancien, Powder. Ce sont des morceaux spéciaux, qui provoquent en moi quelque chose de particulier ! Ils existent mais ils ne demandent rien d’autre, ces titres restent là et ils ne t’obligent pas à être des hits. Ils sont authentiques.

LVP : Le plan après cette sortie sera bien un documentaire, pas vrai ? Peux-tu m’en dire un peu plus?

Parov Stelar : Bien sûr ! Je suis excité par ce documentaire. C’est une chaîne de télévision autrichienne qui a décidé de réaliser un documentaire sur Parov Stelar. L’équipe de production est venue lors de deux concerts, mais après ces deux concerts ils ont décidé qu’ils n’avaient pas assez de matière. Ils nous accompagnent donc depuis maintenant presque un an. Le documentaire retracera certaines parties de ma carrière. On a eu une preview dans des salles autrichiennes mais ce n’est pas encore fini, par contre j’ai vraiment hâte ! C’est un peu comme si c’était mon journal intime, que j’ai hâte de montrer à mon enfant de 8 ans.

LVP : Que puis-je te souhaiter pour la suite ?

Parov Stelar : En parlant de la musique de Parov Stelar et mon activité artistique, je dirais que j’espère qu’on quittera cette problématique du covid l’année prochaine. J’espère que la vie pourra renaître et qu’on pourra aller se perdre dans des galeries !

En espérant aussi qu’il sera possible d’effacer de notre vocabulaire le mot distanciation sociale parce que, de ce que j’ai pu ressentir et remarquer, c’est qu’on est tous en train de vivre un confinement mental, et je ne pense pas que cela va être facile de s’en remettre psychologiquement. Je souhaite vraiment que les différentes régions du monde pourront connaître une perspective normale dans un futur proche, parce que cette situation commence à être extrêmement longue.


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