Peter Peter fait danser les ombres avec Super Comédie
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Auteur·ice : Victor Houillon
26/09/2020

Peter Peter fait danser les ombres avec Super Comédie

C’est un mois de septembre particulier, coincé entre la chaleur bienveillante du soleil, les averses soudaines et la menace sourde d’un reconfinement. Une situation en clair-obscur, contradictoire, qui sied finalement parfaitement au retour de Peter Peter. Une douce euphorie que le Québécois cultive depuis le début de sa carrière. L’album qui a signé son envol, Une version améliorée de la tristesse, en est l’incarnation jusque dans le titre. Depuis, le chanteur soigne son style et polit son esthétique entre candeur explosive et désillusion glacée. Façon haïku, ses textes à l’éthanol incisent une plaie dans la pop rosée qui habille ses compositions. S’il nous avait moins marqué, l’opus Noir Éden avait continué à bâtir ce pont entre notions antagonistes. L’appellation Super Comédie apparaît comme moins torturée. Que donne ce nouveau Peter Peter ?

Mes secrets m’échappent. Conversation“. Pour son retour sur le devant de la scène, Peter Peter se livre une fois de plus. Dès Conversation, on constate avec plaisir que l’auteur n’a rien perdu de sa verve ni de sa capacité à composer des musiques au spleen entrainant. Sur cette chanson qui a fait office de premier single, il s’est inspiré de séances chez son psy. Sur Les mariés ont disparu, c’est une autre facette majeure d’une génération un peu optimiste, un peu désabusée qui est abordée. En contant à la première personne l’histoire d’une relation qui s’est étiolée sur des arpèges entrainants qui rappellent la pop des années 2000, il crée une ambivalence forte. À se croire à la fin d’un épisode de Skins.

Les atermoiements amoureux sont au centre de l’album. Sur Nature obscène, Peter découvre la dualité entre chasseur et chassé sur la grille d’accords de Stand By Me. Sur C’est une saison sans le temps qui passe, il s’interroge : “Récite-moi tout ce que tu aimes du moins fort au plus fort. Curieux de voir où l’on se situe”. Une sensibilité à fleur de peau dont il se sert comme d’une force créatrice, un peu à l’image de son compatriote Bernhari, ou du regretté Christophe.

Peter Peter ne s’interdit pourtant pas l’allégresse. A l’approche de la fin de l’album, l’instru 80s d’Essayer procure un optimisme sans failles, comme la promesse de lendemains qui chantent. Les accents disco funk glacée de Répétition sont dans la même veine. Au final, Extraordinaire semble représenter à elle seule les différents courants de Super Comédie. Comme une après-midi à l’ambiance feutrée, un peu violette, où Peter Peter fait danser les ombres sous le ciel.  Une épopée aussi Extraordinaire qu’éthérée. La doléance minimaliste des couplets et la mansuétude des bridges trouvent un contrepoids exemplaire dans la sereine apesanteur des refrains, avec ces chœurs moelleux à souhait.

Peter Peter évoque l’idée de “faire danser les ombres à l’abri de la fin du monde“. C’est réussi sur un album qui navigue d’une pensée à l’autre avec fluidité, comme s’il flottait entre les couleurs. Super Comédie est un condensé de pop émouvante, un manifeste de confessions touchantes. L’auteur québécois ne se cache pas et dévoile ses états d’esprits verbatim, que ce soit le doux spleen ou l’optimisme candide. Muni d’une force directrice, quoiqu’un peu perdu dans un tourbillon de sentiments, il représente finalement malgré lui une génération qui choisit de vivre intensément, quoiqu’il en coûte. Un album idéal pour regarder défiler les paysages depuis la fenêtre d’un train, ou rêvasser walkman sur les oreilles en rentrant chez soi à l’aube.


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