Petite Noir : grammaticalement incorrect, musicalement parfait
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Auteur·ice : Mathias Bourgonjon
11/09/2015

Petite Noir : grammaticalement incorrect, musicalement parfait

Avec un premier opus en or, Petite Noir met en lumière un genre dont il est le (seul ?) fer de lance : la noirwave. Pour parler de La Vie Est Belle / Life Is Beautiful, il faut d’abord cerner le personnage qui se cache derrière le projet. Né à Bruxelles (cocorico !) d’un papa congolais et d’une maman angolaise, Yannick Ilunga part vivre en Afrique du Sud lorsqu’il a six ans. C’est là que, de groupe de métal en projet nu-disco, le jeune artiste tatillonne et explore les diverses sources qui forgeront son identité musicale. Petite Noir est un de ces artistes dont l’héritage culturel transparaît dans sa musique comme une richesse de composition et d’influences. Maintenant le décor biographique planté, il ne  reste plus qu’à aborder l’excellent travail musical de cet artiste multicolore.

C’est avec Intro Noirwave, un premier titre instrumental au titre évocateur, que Petite Noir nous emmène de façon effrenée dans son univers hybride où percussions et clameurs tribales se mélangent à la batterie électronique et aux sonorités du keyboard. Comme pour nous rentrer le nom de l’album dans le crâne, ou simplement pour confirmer cette philosophie de vie, une voix murmure “Life is beautiful” tout au long de ce morceau. Le ton est lancé, l’album commence avec brio.

Best nous permet d’entendre les premières notes de la bouche de Yannick Ilunga. Un ambitus à la Kele Okereke (chanteur de Bloc Party) et une sensualité grave comme Ghostpoet : Petite Noir nous plonge plus intensément dans les tréfonds de sa noirwave. L’instrumentation, quant à elle, reprend ce fabuleux mélange de rythmes diaboliquement dansants et de mélodie en cordes grattées tandis qu’une ligne de basse épurée assit tout le morceau. Sur ce qui semble être le refrain ainsi que climax de la piste, Petite Noir ose même une orchestration avec des cuivres (Woodkid, y es-tu ?), apportant un grandiloquence parfaite.

Là où Best était plus éthéré, Freedom a une atmosphère résolument plus noire (sans mauvais jeu de mot…). Avec un refrain dont le centre névralgique est le mot “Freedom” scandé comme un hymne, la track ne perd en rien de son côté dansant, même si on en viendrait à ressentir une certaine dose d’amertume dans l’exécution du déhanchement. Au cours de l’outro non vocalisée, ce sont quelques mots, lourds de sens, qui sont déclamés en arrière-plan : “Ne pas sous-estimer la puissance d’un homme libre. L’homme qui connaît ses racines est celui qui décide toujours où et comment il doit mourir.”

Au début de Seventeen (Stay), on retrouve le désormais typique rythme de percussions qui accompagne tous les morceaux de l’album jusque là. Une basse soutenue et quelques envolées guitaristiques suffisent à accompagner la voix de Petite Noir avant que le refrain ne surgisse à coups de “I want you to stay there”, alors qu’un son strident de clavier vient faire son apparition. Après quatre minutes de cette dynamique pop dans la construction, Seventeen (Stay) prend le temps de faire une sortie en douceur pendant laquelle Yannick Ilunga dépose ses derniers mots.

Tandis que Just Breathe a un côté très pop eighties dans l’attitude (est-ce le ton dramatique dans la déclamation du texte ou simplement le charleston en double croche ?), le titre éponyme de l’album La Vie Est Belle / Life Is Beautiful est beaucoup plus alternatif. Le côté pop/wave est fortement mis en exergue dans la première partie du morceau et, avec l’apparition de la voix de Baloji, c’est un hip-hop en français qui prend le dessus, le tout créeant un mélange hybride particulièrement exquis en ce milieu de piste. C’est ensuite la nature pop de Petite Noir qui reprend ses droits.

Nous avions déjà eu la chance de découvrir MDR avant la sortie de cet opus et c’est un réel plaisir que de l’entendre dans la suite logique de l’ensemble des titres. Parfait faire-valoir de la noirwave de Petite Noir, cette track vous laissera en tête un positif ” ‘Cause you’re the one that I want, you’re the one that I need” pour le reste de la journée.

Sur Colour, le chanteur sud-africain est soutenu par un ensemble vocal plus prononcé que d’accoutumée et d’ailleurs, garde le texte simple et absent. Cela permet, ainsi, de profiter, avec plus d’attention, au travail de composition de Petite Noir, tout en continuant à dodeliner de la tête.

Encore une bombe qui nous explose à la figure lors de l’écoute de Down. C’est fou qu’il soit possible de ne pas cesser de danser sur place le temps d’un album entier. Non seulement les mélodies sont bien choisies, les refrains quasi-monosyllabiques restent en tête aisément mais il y a aussi un incroyable potentiel bonne humeur qui se dégage de chaque note composée. We’re not going down.

Inside permet de faire diminuer la tension d’un cran mais pas l’intensité. Sorte de ballade pop désenchantée, le titre est plombé et sert de parfait tremplin au prochain.

Chess avait également été dévoilé comme single. Il est probablement le morceau le plus complexe de cet album au niveau de l’arrangement mélodique et rythmique. Difficile d’apposer un label d’un quelconque genre musical sur Chess et, après tout, le faut-il vraiment ? Petite Noir sort tout simplement en grandes pompes avec une piste qui sent la mélancolie de la fin d’un voyage trépident passé sous les meilleures hospices, nous invitant à revenir dix chansons en arrière et à réitérer cette expérience riche en émotions.

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