Pig Feet, le symbole pamphlétaire de la lutte anti-racisme signé Terrace Martin
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Auteur·ice : Guillaume Scheunders
03/06/2020

Pig Feet, le symbole pamphlétaire de la lutte anti-racisme signé Terrace Martin

Trop c’est trop. La veille d’un Blackout Tuesday suivi de près par une grande partie de la population mondiale, la fine équipe composée de Denzel Curry, G Perico, Daylyt, Kamasi Washington et dirigée par le producteur Terrace Martin a sorti son hymne contre le racisme et la police : Pig Feet.

Parfois, il y a des musiques qu’on aimerait ne pas devoir entendre. Dont l’existence même révèle le mal-être de notre société. Il y a 155 ans, les États-Unis abolissaient l’esclavage. Une centaine d’année plus tard, le Civil Rights Act est signé suite au célèbre “rêve” de Martin Luther King, rendant illégale la ségrégation raciale. Et aujourd’hui, George Floyd, Eric Garner, Ahmaud Arbery, Adama Traoré, Bouna Traoré, Zyed Benna et tant d’autres noms resteront à jamais la preuve qu’une loi n’empêche pas le racisme de pulluler dans ce monde qui ne tourne décidément pas de la bonne manière. 

 

La chanson, mise en musique par les deux génies que sont Terrace Martin et le saxophoniste de renom Kamasi Washington fait suite aux émeutes qui ont embrasé l’Amérique depuis la semaine dernière. “On m’a demandé comment je me sentais. J’ai répondu blessé, sans peur, énervé, conscient et totalement prêt à me défendre moi, ma famille et mon peuple, peu importe le prix. On s’est mis ensemble avec d’autres afro-américains qui ressentaient la même chose et on a créé une œuvre qui dit la vérité. PIG FEET”, explique celui qui a produit notamment Kendrick Lamar, Stevie Wonder ou Snoop Dogg. Et pour poser dessus, qui d’autre que le subversif Denzel Curry ? Celui pour qui le combat a un goût particulier, son grand frère ayant été tué par un policier en 2014. Mais Terrace Martin s’est également entouré de deux autres rappeurs on ne peut plus engagés. Daylyt, un MC très controversé issu des battles de rap, et G Perico, le nouveau venu du gangsta rap de la West Coast. 

Le clip reprend une flopée de vidéos amateurs issues des manifestations de ces derniers jours. Des images souvent glaçantes, dérangeantes mais lourdement porteuses de la vérité. Cette vérité, c’est qu’aujourd’hui encore certains policiers n’hésitent pas à tuer de sang froid des individus parce que leur peau n’est pas de la même couleur que la leur. Aujourd’hui encore, leur président préfère envoyer l’armée tirer sur son propre peuple plutôt que d’ouvrir les yeux sur le vrai problème. Aujourd’hui encore, le simple acte de sortir dans la rue est redouté par de nombreuses personnes par peur du “délit de faciès”. 

Cette chanson est un cri de protestation contre toutes ces injustices, contre ce racisme systémique dont est victime la communauté afro-américaine. Mais surtout contre ces “pigs”, le nom donné aux officiers de police américains qui ne répondent que trop peu de leurs actes. À la fin de la vidéo, des centaines, voire des milliers de noms défilent. Ce sont ceux des victimes de cette discrimination raciale. Un hommage en silence durant un peu plus d’une minute trente pour se souvenir, et pour contraster avec le bruit retentissant des manifestations à travers le monde. 

Depuis une semaine, une nouvelle page de l’Histoire est en train de s’écrire. Reste à espérer qu’elle introduit le chapitre où chacun est capable d’accepter l’autre, et où le mot racisme ne figure même plus dans le dictionnaire.