Pink Noise : le mouvement audiovisuel qui fait rimer électro, sexualité et liberté
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
08/04/2020

Pink Noise : le mouvement audiovisuel qui fait rimer électro, sexualité et liberté

“Ne demande jamais ton chemin à celui qui le connaît, tu risquerais de ne pas t’égarer” disait le célèbre rabbin Nahman de Bratslav. C’est sur ce mantra réflexif que s’articule ce nouveau chapitre du projet captivant Pink Noise. Derrière ce nom mystérieux, on reconnait les figures de proue du légendaire collectif français Kourtrajmé. Troquant le cinéma pour conquérir la sphère musicale, on retrouve ainsi Kim Chapiron à la réalisation et le talentueux Romain Gavras (l’homme derrière le puissant Notre Jour Viendra) à la production de ce second clip étourdissant réalisé main dans la main avec les militant·es de la Fédération Française de Naturisme. Entre passion, luxure, exaltation corporelle et cinématographie léchée, la transe érotique de Pink Noise nous propose des mélodies qui bandent dur, des voix englouties comme des fellations, une mélancolie à fleur de clitoris et des beats gorgées de sang en plein coït. Un morceau galvanisant qui scintille par la finesse d’un clip couillu. Et c’est peu dire.

Histoire de vous remettre à jour : Kourtrajmé, c’est un mouvement sans précédent créé en 1994 qui s’applique à faire évoluer l’art visuel à travers ses 135 membres actif·ves dans plusieurs domaines variés. On y retrouve ainsi les grands noms de Vincent CasselJROxmo Puccino ou encore Ladj Ly qui s’imposait récemment aux derniers Césars avec son brillant Les Misérables. Parallèlement à leur assaut alléchant sur le cinéma français, les esprits visionnaires de Kourtrajmé ont su mettre leur créativité éclectique au service de la crème de la crème de l’industrie musicale. On les retrouvait ainsi sur le Bad Girls de M.I.A. ou encore l’emblématique No Church In The Wild des rois Jay-Z et Kanye West. Quelle que soit la discipline, le collectif est ainsi parvenu à redessiner les traits du monde audiovisuel français et à exporter ses expérimentations audacieuses à l’international.

Avec Papa BellyPink Noise donne suite au trip halluciné dans lequel baignait son premier single Too Hot et son clip néonisé. Ici, on retrouve à nouveau la verve directoriale hors pair de Chapiron ainsi que celle de son comparse Marco Casanova qui nous invitent à suivre les divagations hasardeuses d’un éphèbe ténébreux au pays du vice. Sa boussole, c’est son instinct. Celui qui convie à l’égarement au-delà des proscriptions et des limites. Des frontières qui constituent la pièce maîtresse du visuel et qui suscitent les interrogations semi-freudiennes autour desquelles s’articule Papa Belly. Qu’est-ce qui est acceptable ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? L’inacceptable fait-il partie de notre réalité ? Si les réponses ne se cachent pas forcément dans le court-métrage, c’est surtout la beauté du processus de réflexion qui s’y retrouve. Et ce pour notre plus grand plaisir.

Une centaine de personnes nues dans la même pièce, dansant et s’embrassant sur une musique électro-trance, créant un monde parallèle utopique. Voilà de quoi susciter tant la fascination collective que le tollé général et qui permet de mettre en lumière une revendication nécessaire : la liberté de son corps. Non seulement celui qui nous enveloppe et dont la beauté primaire est ici explicitement mise en avant à travers cet imbroglio charnel, mais aussi et surtout celle qui nous habite. On assiste alors à un gloria identitaire protéiforme qui célèbre la fluidité des genres, les différentes sexualités, la beauté des corps non régulés, l’hédonisme des foules, l’extase de la sérotonine. Une communion des sexes, de l’amour et de la nudité à l’abri de tous les interdits et jugements de notre société.

Magnifiée par une maestria technique présente sur les annales cinématographiques des réalisateurs, la bande sonore, loin de passer au second plan, est scandée par l’évolution narrative de la trame racontée. Ainsi, la première rencontre entre le protagoniste principal et cet éden de lascivité laisse place à de virulentes lignes électroniques relevées par la franchise d’un esprit techno psychédélique. Le tempo redescend par vagues pour symboliser la complexité des remises en question qui accompagnent cette confrontation avec l’inconnu. Finalement, l’effervescence de ces différences qui s’entrechoquent atteint son paroxysme lorsque la dernière minute de l’œuvre nous présente une myriade colorée de baisers langoureux. À pleine bouche, interraciaux, intergénérationnels, homosexuels ou hétérosexuels, monogamiques ou polygamiques, ces ballets virevoltants de langues entremêlées nous ramènent à l’essence même de nos natures humaines : la bestialité, le désir affranchi, la prééminence indiscutable de nos pulsions.

© Photo : Laurent Segretier

Sans jamais se perdre dans les méandres répulsifs de la vulgarité gratuite ou du voyeurisme malintentionné, Papa Belly capture notre attention au cœur de sa photographie réfléchie et de son intelligence visuelle body-positiviste qui fait honneur à une forme de philanthropie somatique, apologie vibrante de la beauté de nos temples corporels. Une expérience tant visuelle qu’auditive qui prouve cette volonté de Pink Noise de ne vouloir appartenir à aucune catégorie prédéfinie et ainsi éviter les préconceptions qui s’y rattachent. L’intention est donc de créer une voie unique à travers un mouvement pluridisciplinaire et engagé, mû par la simple volonté de mobiliser l’art audiovisuel au service de l’émancipation sociale. Liberté, égalité, sexualité !

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