Planet Gold : Sofiane Pamart prolonge le voyage de sept escales supplémentaires
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
02/12/2020

Planet Gold : Sofiane Pamart prolonge le voyage de sept escales supplémentaires

Il y a un peu plus d’un an sortait Planet, le premier album solo du pianiste virtuose Sofiane Pamart. Une collection de morceaux classiques aux noms de destinations, véritable invitation au voyage. Un thème qui nous paraît bien loin en ces temps de confinement, mais qui s’offre désormais une symbolique particulière : celle du plaisir (aujourd’hui fou) de s’évader et de parcourir les richesses du monde, le tout grâce à quelques envolées pianotées finement composées par le jeune Lillois. Si la première édition de l’opus nous permettait ainsi d’explorer les ruines de Carthage, de ressentir le soleil de Sicile ou encore l’allégresse paradisiaque de Bora Bora, Planet Gold rallonge l’itinéraire des terres grondantes de Madagascar jusqu’au tumulte cosmopolite de San Francisco. Le tout sans tests PCR ni quarantaine au retour, promis. On a eu l’occasion de discuter avec le piano-king pour retracer ensemble l’aventure Planet et envisager la suite du voyage. 

Le deuxième opus, avec cette suite de sept nouveaux morceaux, c’est surtout cette idée d’apprendre à voyager même lorsque ce n’est pas possible. C’est un voyage plus intérieur : rêver les choses, laisser libre cours à son imaginaire.

Sur papier, donner à ses titres des noms de villes, ça semble plutôt simple. Mais assumer le pari d’y infuser l’essence même de cet endroit, voilà un travail d’orfèvre que le musicien honore sans mal. C’était donc avec surprise et satisfaction que l’odeur d’un cigare cubain nous prenait le nez à l’écoute de La Havane, que les dédales colorés et bruyants du centre colombien se dressaient face à nous à l’écoute de Medellìn ou que la magie virginale d’un désert de glace nous transcendait sur Alaska. Raconter des choses avec des notes de musique, un exercice périlleux qui demande une connaissance aiguisée du piano, instrument de formation mais surtout de cœur du jeune artiste. Une forme d’exutoire de sentiments intérieurs, aussi, comme il nous le confiait un an plus tôt lors d’une précédente rencontre : “Je vais au piano pour dire les choses que je n’ai pas la capacité de partager avec des mots. Ça part toujours de quelque chose d’intense et fulgurant : de l’intensité à l’intérieur et de la fulgurance au moment où ça sort.”

© Photo : Paul-Louis Godier

Un voyage sonore et visuel

Si les sons se suffisent à eux-mêmes pour nous transporter d’un coin du monde à un autre, les visuels qui accompagnent les sorties semblent cependant indissociables des morceaux. L’alchimie image-son est indéniable, et la justesse avec laquelle se posent les mélodies de Pamart aux différents tableaux fait mouche. Pour Seoul, la beauté froide et les néons tiraillants de la capitale sud-coréenne épousaient ainsi les fracas solides d’accords tumultueux, reflets de la rage mise en musique. On retient aussi la clip de Le Caire au romantisme safrané corroborant avec grâce la délicatesse d’une aria passionnée. Pour ces nouvelles destinations, de nouvelles pépites visuelles habillent Ha Long BayBerlin et Nara. Derrière la caméra, on retrouve toujours Guillaume Héritier, réalisateur mais également manager du pianiste. Un tandem solide et fructueux qui résulte d’une relation créatrice et sincère entre les deux artistes.

On peut vraiment parler de secret. Guillaume, c’est quelqu’un de très mystérieux, qui est capable de changer tout ce qu’il touche en or. Il a vraiment une magie qui lui est propre et j’ai la chance de pouvoir bénéficier de cette magie car il croit énormément en tout ce que je fais. Il défend avec férocité mes œuvres, à la fois en tant que manager et réalisateur. Suite à la première édition de l’album, ses clips fonctionnaient si bien qu’on a eu envie de continuer. Si moi j’avais cette impression d’avoir encore des choses à raconter en musique, lui aussi ressentait le besoin de raconter d’autres choses en images.

Sept nouveaux voyages

Au menu de cette réédition : pas moins de sept nouvelles destinations à explorer en musique. Ha Long Bay, premier extrait partagé en septembre dernier, nous emporte ainsi pour découvrir la baie de Ha Long, au nord-est vietnamien. À l’image de Bora Bora sur la précédente édition, on ressent la légèreté et la douceur de l’endroit à l’aide de notes plus aigües, déposées à nos oreilles avec finesse et minutie. Mais là où le morceau se démarque, c’est par ses envolées de sections plus frénétiques par moments, symbolisant sans doute la majesté de ces paysages truffés d’îles de roches calcaires. Sur Madagascar, les coulées de notes de la plus aiguë à la plus grave ne vont pas sans rappeler l’écoulement de la lave le long des volcans qui caractérisent cette île riche en faune et en flore du sud-ouest africain. En collaboration avec Apple MusicPamart partageait aussi récemment le titre San Francisco, une douceur à retrouver en exclusivité sur la plateforme musicale d’Apple.

London nous charmera par son aura mi-enchantée mi-mélancolique, une douceur qui reflète les nuits londoniennes où la magie cosmopolite se mêle au charme du Grand Brouillard. Pour Berlin, c’est l’esprit dramatique et dur de l’Allemagne que Sofiane Pamart décidera de transposer en musique. En résulte une œuvre sombre et intense, tout en sobriété, ou quand Pamart revisite le “German angst”. Pour Nara, c’est autour du thème de la perte et du deuil que s’articule cette mélopée crève-cœur et profondément touchante. Une œuvre que l’artiste dédie à une proche décédée plus tôt cette année.

Lorsque j’ai appris le décès de cette personne qui m’est chère, j’étais embarqué dans un rythme effréné au Japon, je passais d’une ville à une autre. Et au moment où j’apprends cette nouvelle bouleversante, je décide de m’isoler dans une ville beaucoup plus calme. J’ai donc quitté Tokyo pour la ville de Nara, et c’est là que j’ai composé ce morceau qui est lié à cette histoire tragique. C’est une ville qui est tellement apaisée qu’elle te laisse de la place pour méditer. Le deuil, au départ, c’était trop complexe pour l’aborder. La ville de Nara et ce morceau m’ont aidé à avancer.

Sahara, une conclusion en forme d’hommage

À l’écoute de la première édition de Planet, une destination semblait manquer à l’appel. D’origine berbère, du sud marocain, l’artiste nous confiait l’an passé réserver pour plus tard l’intégration du Maroc à son œuvre. Si la photographie reprise sur la pochette du projet avait été capturée là-bas, il aura fallu attendre cette réédition pour pouvoir savourer de façon sonore l’hommage vibrant de Sofiane Pamart à ses terres d’origine. Sahara conclut ainsi symboliquement l’opus, en faisant s’envoler dès le départ des suites de notes cristallines et puissantes, donnant l’illusion d’une majestueuse tempête de sable un soir de ciel étoilé.

Pour ma part, je connais la partie marocaine du désert du Sahara, et décider d’articuler mon hommage au Maroc autour du désert saharien, c’était une façon pour moi de boucler mon processus créatif. Tout a débuté il y a un an, avec la première édition de Planet, sur laquelle se trouvait une photo de moi prise dans cette partie du Sahara. Du coup, je me suis servi de tous les souvenirs emmagasinés sur place, mêlés à toutes les choses que j’ai pu traverser depuis la sortie de l’album, pour pouvoir atteindre cette dernière émotion sur Sahara, qui clôture l’aventure Planet.

 

La boucle étant bouclée, Sofiane Pamart conclut brillamment l’expérience Planet pour se tourner vers la suite, avec notamment un second projet dans les tuyaux. Le voyage nous aura émerveillé·es, ému·es, électrisé·es de tout son long, et il nous tarde d’entendre la suite des épopées de ce maestro de la mélodie, qui défie les codes du genre pour remettre au goût du jour une musicalité d’exception. Il sera en concert à l’Olympia de Paris le 7 janvier prochain aux côtés de Scylla, grand maître des mots, avec qui la magie du pianiste vole plus haut encore. La révolution du piano king est en marche, et vos cœurs risquent de ne pas s’en remettre.