| Photos : Anoussa Chea pour La Vague Parallèle · Article co-écrit avec Marthe Rousseau et Anoussa Chea
Du 11 au 13 juillet dernier, avait lieu notre week-end préféré de l’année, aka Pete the Monkey. Si vous nous avez déjà entendu le vendre comme le “meilleur festival du monde”, l’évènement normand, qui proposait cette année sa douzième édition, a fait honneur à sa renommée. Avec une programmation internationale et nationale toujours aussi pointue, une scénographie à faire pâlir les plus grands, des activités créatives et bien-être toujours plus recherchées, sans oublier l’un des publics les plus bienveillants, écolo et fun de l’univers, Pete the Monkey a cette année encore battu des records. On vous raconte pourquoi on a tant aimé notre week-end à Saint-Aubin-sur-Mer et pourquoi on voudrait plus de Pete the Monkey partout et tout le temps dans nos vies.
La plus belle scéno de l’hexagone
Aller à Pete the Monkey, c’est pousser la porte d’un autre monde. Un lieu où le réel et les rêves se superposent, où festivalier·ères et organisateur·ices glissent dans un entre-deux, où il est permis d’être fou·folles, curieux·ses à outrance et surtout étranges lorsque la lune se lève. En atteste le labyrinthe de l’Asso 7 Salles, qui depuis l’an dernier fait ressortir la part de folie qui réside en chacun·e de ses explorateur·ices. De notre côté, on y aura cette année croisé un léopard à qui l’on s’est confessé·es à travers une grille de prison, une chorale ayant pour seules paroles des “piou piou piou” très doux, ou encore un synthé dont les touches du clavier projetaient des images psychédéliques méritant sa place dans un musée. N’oublions pas la forêt de boules disco enchantées donnant sur un champ d’abat-jours brillants au cœur de la nuit, ou encore la scène amphi au ciel tapissé de voiles de bateau, dont on ne se lasse toujours pas. Un délice visuel.
| Photo : Anoussa Chea pour La Vague Parallèle
Des mots d’amour transmis par le Secret Post Office
Vous avez repéré un·e ténébreux·se festivalier·e mais n’osez pas l’aborder ? Vous souhaitez déclarer à vos ami·es (ou à vous directement) à quel point vous les aimez ? Pete the Monkey vous offre la possibilité d’écrire une lettre à la personne de votre choix, en restant ou non anonyme et qu’elle la reçoive par un·e des postier·ères du Secret Post Office. Pour cela, il faut simplement décrire le physique de votre destinataire et sa géolocalisation approximative sur le site. L’un·e des membres de l’association se charge ensuite de rechercher ladite personne dans tout le festival, et de lui transmettre vos mots doux… “Veux-tu sortir avec moi ? Coche la case suivante : Oui ou Oui“, pouvait-on lire de la part des plus entreprenant·es.
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Un saut dans le temps avec Sacha Gordon
On vous en parlait déjà l’an dernier, l’un de nos jeux favoris à Pete the Monkey consiste à assister deux fois au même concert dans une seule journée : l’un sous le soleil de l’après-midi, le second sous les étoiles de la nuit. Cette année, c’est Sacha Gordon que l’on choisit pour retenter l’expérience. Et le bonheur fut non seulement de retrouver le plaisir des concerts sous les voiles de la scène amphi au décor de carte postale, mais aussi de redécouvrir comme chaque année les concerts au casque et leurs harmonies révélées, bien trop sous-cotés de nos jours. Et la surprise fut tout autant de voyager six bonnes décennies en arrière, dans les débuts de la pop et du rock’n’roll des sixties. Accompagné de son Weird Orchestra – comme il nomme à souhait ses musicien·nes (violoniste, claviériste, accordéoniste et choriste) –, Sacha Gordon et sa voix de velours offrent au festival la parenthèse la plus douce de l’édition. Allez prêter une oreille à Goodbye Babyblue, vous verrez qu’on y revient ensuite irrésistiblement.
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De comedy clubs en talks, le rire engagé
Les festivalier·es sont aussi invité·es à muscler leurs zygomatiques à travers deux sessions de comedy club. La première, menée par Nicolas Benoit et Rafaella, du Greenwashing Comedy Club, un collectif d’humoristes qui parlent crise climatique dans laquelle avec beaucoup de second degré, ils pointent nos angoisses face à un avenir – bouillant – et se moquent de nos contradictions. Tout aussi engagée, l’humoriste Mahaut Drama a conquis les spectateur·ices grâce à ses anecdotes improbables – « peut-être que c’est vrai, peut-être que c’est faux » – au sujet des commentaires des hommes sur son physique à ses dates foireux.
On passe aussi une tête sous les draps de l’espace Monkey Talks pour écouter Arthur le Vaillant. Le navigateur hors-pair qui a remporté la Route du Rhum en 2022 y raconte avec humour qu’une course de voile, c’est un peu comme faire un festival, “à ne pas dormir pendant trois jours”. On se souviendra de son hommage à Florence Arthaud (la première femme à avoir gagné la Route du Rhum en 1990) pour sa dimension féministe.
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La claque électro-punk de Baby’s Berserk
On reçoit une sacrée claque lors du concert du trio électro Baby’s Berserk, notamment par la prestance de la chanteuse, Lieselot Elzinga, totalement dans son rôle de diva punk. Habillée d’une robe bouffante rose bonbon, elle nous hypnotise par ses grands yeux bleus perçants, sa danse étrange et la puissance de sa voix. Très théâtrale dans sa manière de chanter, elle pousse des cris de possédée et escalade le décor en escarpins. Rien ne l’arrête. L’impression d’entrer dans une soirée haute couture qui a déraillé en route et sur laquelle ne restent que les irréductibles danseur·ses, prêt·es à veiller jusqu’à l’aube.
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La transe groovy de Choses sauvages
Le qualificatif de concert le plus groovy revient aux Québécois de Choses sauvages. Connu pour enflammer les foules avec son énergie débordante, le groupe ne nous a pas déçu·es. On est totalement transporté·es par ses boucles de synthé et ses airs disco revisités à la sauce punk. Vraie bête de scène, le chanteur Félix Bélisle ne tient pas en place, complètement pris par la musique. Il enroule le fil du micro autour de son cou, quitte la scène, passe par-dessus la rambarde de sécurité, rejoint la fosse et crie de toutes ses forces. Sauvage, définitivement.
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Le DJ set « Silent disco » de Los Fanfarons
« Des bonnes basses, dans ta gueule ; de la grosse techno dans ta gueule ». Simples et efficaces, les paroles du titre tout frais 10 minutes de Los Fanfarons ont le mérite de rester en tête et de nous faire sourire par leur absurdité. Le duo, composé de Jérôme Violent (à la guitare) et Cléa Vincent (chant et synthé), est aux platines pour un DJ set silent disco, sur lequel les festivalier·es ne peuvent entendre la musique qu’en mettant un casque sur les oreilles. Résultat : une acoustique incroyable. Impossible par conséquent de résister à l’envie de danser au rythme de leurs mélodies électro-pop, ni au plaisir de soulever le casque pour entendre la foule hurler à plein poumons “Do you believe in life after love?”.
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Inclassable Kirin J. Callinan
Avec son visage peinturé en blanc et son costume moitié valet baroque, moitié Pirates des Caraïbes, Kirin J. Callinan détonne. Son style, comme sa musique, ne ressemble à aucun autre. Dès le début, il nous tient en haleine simplement en jouant sur sa guitare et en chantant de sa voix rauque. Il parvient à nous faire passer une grande mélancolie sans même que nous comprenions ses paroles. Inclassable, l’Australien ne cesse de nous surprendre par l’étendue de sa palette. Il passe par tous les styles musicaux, rock, rap, électro, et finit en apothéose par sa reprise de Life is life, en chœur avec la foule.
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Des ateliers créatifs et bien-être dans tous les sens
Pete the Monkey, c’est aussi une multitude d’activités family friendly proposées tout au long de la journée, avec des ateliers créatifs dans l’herbe l’après-midi, des sessions bien-être sur les coussins et sous les draps du cocon jusqu’à tard dans la soirée et même des poésiestes – lectures de poèmes en musique – au camping. On se laisse tenter par un atelier souffle le dernier jour, qui nous détend tellement que le challenge réside dans le fait de ne pas s’y endormir. On enchaîne avec un cours de yoga en plein soleil avec ambiance sonore live. Autant vous dire qu’après deux jours de concerts et de nuits en tipi, ce petit programme aura fait le plus grand bien à tous nos sens, et voilà nos batteries rechargées pour la dernière journée de concerts.
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Prince Voyou et la reine Yoa
Au rayon des plus beaux moments de l’édition 2024, on rangera sans hésiter l’enchaînement de Voyou à Yoa du désormais légendaire vendredi soir. Ici, on laisse le soin à Voyou de tirer le rideau de la nuit dans la fête la plus folle du week-end, où l’on danse entouré·es de sourires tous plus grands les uns que les autres, sur scène comme dans le public. Alors qu’il nous suffit d’un couplet de L’Hiver pour ouvrir les vannes et laisser un tsunami d’émotions nous dévorer, on terminera le concert sur un nuage, des larmes sur les joues et le smile jusqu’aux oreilles, à serrer nos voisin·es dans nos bras et se faire volontiers qualifier du meilleur public de France. Pas le temps de se remettre sur pied, on court jusqu’à la scène Jibou accueillir Yoa et son déjà culte Matcha Queen pour un show qui lui confère une fois encore le statut de queen de l’univers. Célébrant la sororité, les corps et la fête, Yoa convoque un ouragan de sentiments dans une grande communion du public à donner des frissons.
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Roberto Cicogna et les papillons
Le bal du samedi ne pouvait pas trouver meilleur ouvreur que Roberto Cicogna. Alors qu’il commence avec la douceur de Il Portiere, le festivalier·ères se rapprochent doucement, certain·es portant déjà leurs costumes pour la parade plus tard. Dans une ambiance chaleureuse de fin d’après-midi, le Milanais désormais parisien fait monter la température avec Autostrada, Lucia, pour finir sur un Luna in Pesci où l’on verra tout le monde danser le sourire aux lèvres. Et quand on dit tout le monde, c’est vraiment tout le monde. Au fur et à mesure du concert, des papillons monarques font leur apparition et volettent parmi la foule. Ils se posent sur les têtes, les crash barrières ou les caissons de basses, sans plus en décoller jusqu’à la fin. Si personne ne saurait expliquer le phénomène aujourd’hui, il n’en reste pas moins l’un des moments les plus poétiques qu’on ait vécu en festival. Peut-être que les papillons parlent italien, qui sait ?
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La parade au coucher du soleil
L’un des moments les plus attendus chaque année reste bien évidemment la parade du samedi après-midi. Guidant les festivalier·ères de la scène Jibou à celle du Château, elle regorge de costumes en tous genres, danseurs, batucada, Bingo Disco – encore une autre activité favorite du week-end – et semble tous les ans appeler le plus beau coucher de soleil du festival. Cette année, on décerne la palme des costumes à un gang de monkeys se baladant dans une piscine gonflable, en clin d’œil au thème de cette édition : les Singes du Zodiac(que). Ça danse de tous les côtés tandis que Johnny Jane peine à terminer ses balances, face à la fête qui se déroule sous ses yeux. On voudrait de cette folie costumée tous les jours, même si l’on sait que c’est sa rareté qui fait son charme.
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Le voyage de Liraz
La seule mention des origines israélo-iraniennes de Liraz aura suffi à nous donner envie de découvrir sa musique et ses paroles, sur la scène du Château. Ce mélange des cultures ne pouvait donner que quelque chose de beau et d’inspirant. Nous en étions persuadé·es et nous n’avons pas été déçu·es. Chantant en farsi la liberté et l’émancipation des femmes, l’union et la paix des peuples et des nations, sa prestation charismatique et hypnotique évoque bien évidemment un sensuel et enivrant voyage au Proche-Orient. Mais, c’est surtout l’occasion pour elle d’être une tribune et un manifeste contre l’oppression que subissent les femmes en Iran. Compte tenu de l’actuel contexte politique et géopolitique en Iran et en Israël, ce concert portait, d’une certaine façon, un message lumineux, d’espoir et de paix.
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Dans un dernier souffle de folie, l’exutoire Fat Dog
Clôturer un festival n’est pas chose facile, c’est pour cela que nous décidons de confier à Fat Dog (le dernier concert hors électro) le soin de nous faire décoller une dernière fois. Aucune déception au passage, on réussit même à faire dodeliner de la tête nos compagnons à première vue réticent·es. Face à l’atmosphère plutôt sombre que nourrissent les morceaux du groupe – et c’est là où réside toute la magie de Pete the Monkey – le public garde le sourire du début à la fin, même dans les pogos les plus virulents. C’est un concert finalement doré que nous livrent Fat Dog et leur post-punk puissant et communicatif. Et c’est sur l’avant-dernier morceau, à la couleur saxophone encore inédite, qu’on laisse cours à notre éternel rituel de fin de festival : fermer les yeux pour imprimer l’instant et le bonheur sous nos paupières, avant de repartir pour un tour de talons en lévitation sur Running et son refrain brûlant.
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Sur cette note s’achève notre aventure à Pete the Monkey cette année, mais soyez en sûr·es, elle continuera de vivre dans nos têtes, car le festival est devenu bien plus qu’un simple évènement musical. C’est désormais une vraie expérience humaine, que nous vous invitons à ne pas manquer l’année prochaine pour celles et ceux qui n’y sont encore jamais allé·es. Nous, on y sera. Merci et à dans un an, Pete !
| Photo : Anoussa Chea pour La Vague Parallèle
En perpétuelle recherche d’épaules solides sur lesquelles me hisser pour apercevoir la scène, je passe mes concerts à faire les chœurs depuis la foule.