Quoi?! Comment?! La Vague Parallèle qui parle de PNL ? Scandale. Trahison. Honte. Désabonnement. Oui, on sait ce que la plupart d’entre vous va se dire face à cet article. Comment un site parlant essentiellement de musique indie et de rock en général peut-il parler de PNL?! La réponse est pourtant toute simple: on a écouté leur album (enfin l’auteur de cet article l’a écouté, les autres je sais pas).
PNL pour ceux qui ne la savent pas, c’est deux frères, Ademo et NOS, originaires de la cité des Tarterêts dans la ville de Corbeille Essonne. On sait qu’ils ont une trentaine d’années et un passé plus ou moins chargé. Et pour le reste ? Mystère. Pas d’interview, peu de live, au final tout ce qu’on doit connaitre du groupe se résume au plus important: la musique.
Si on parle de leur musique, il est impossible de la dissocier des clips, à l’ambition sans commune mesure dans le rap français actuel, qui font exploser les compteurs sur Youtube, le dernier comptant plus de 4,5 Millions de vues en 72 heures, et participant ainsi à la création de la légende PNL.
Les bonhommes ont en 18 mois mis le monde à leur pieds, on parle d’eux de Skryrock à Libération en passant par the Fader, on les écoute dans les quartiers pourris jusque dans les apparts chicos du XVIème. 18 mois c’est le temps qu’il aura fallu pour voir les deux frangins sortir trois albums, Que La Famille et Le Monde Chico en 2015, et Dans La Légende en 2016.
C’est à ce dernier qu’on s’intéresse aujourd’hui. Décryptage d’un phénomène étrange, d’une aberration d’un système musical qui n’a pas su prendre la mesure du phénomène.
La première question à se poser c’est: comment définir la musique de PNL ? La première idée qui vient à l’esprit c’est celle de “rap sous anti-dépresseurs”. Si les deux frères utilisent les clichés du rap français et des délires égotrip, c’est pour mieux les malaxer et les tordre pour les adapter à leur réalité personnelle. A travers leurs paroles, parfois cryptiques, souvent multi-culturelles, ils célèbrent, le vide, la dépression, la vie qui tourne en rond. Si on les prend de manière superficielle, on ne retiendra que les-dits clichés, mais si on creuse plus loin on y découvrira des trésors de subtilité et des punchlines aussi désespérées que sublimes.
Côté musique, ils utilisent beaucoup l’autotune et le vocoder, dans un style relativement inédit dans le rap puisque celui-ci est d’habitude plus utilisé pour rendre la voix anonyme voire robotique, il est ici utilisé comme un instrument, qui apporte un supplément d’âme et de musicalité aux chansons du groupe.
Dans la légende marque un véritable tournant dans la musique du groupe, puisqu’il est leur premier album post-succès, attendu de toutes parts, tant par leurs fans que par leurs détracteurs, prêts à les assassiner sur la place publique au moindre faux pas (alors qu’ils n’ont pour la plupart probablement jamais écouté leur musique). Les haters pourront encore attendre, l’album est une véritable réussite.
Ce qui fait le sel de leur musique, leur singularité, ce sont les instrumentalisations utilisées par le groupe: à la fois planantes, souvent électroniques, toujours étranges, elles participent pleinement à l’expérience PNL, à l’ambiance qui se créent automatiquement dès les premières notes. Ici, on oscille entre rap et électronique, on tend même parfois vers la variété. On sent que les deux frangins sont très exigeants sur la qualité des productions qu’ils utilisent. On sent que celles-ci ne font souvent qu’une avec les lyrics des bonhommes: leurs chansons sont des entités propres, les paroles et les instrus sont indissociables. Chaque pièce est unique et pourtant cohérente avec celle qui la précède et celle qui la suit. On est face à un véritable album d’ambiance, ambitieux et profond, dans lequel on se plonge et dont on a du mal à sortir, hanté par des sons et des mots qui nous sautent au visage pour ne plus nous lâcher.
On sent aussi une évolution dans les paroles. S’ils gardent toujours les mêmes thématiques, et tordent toujours les mots, mélangent l’argot, le verlan, le français, l’arabe et l’espagnol, les paroles sont moins cryptiques, plus claires, comme s’ils avaient pris la mesure de ce qui les freinaient dans leur course au succès. Les sujets abordés sont toujours les mêmes: la famille, la cité, les amis, l’ennui, le vide, l’amour impossible, tout est présent. On pourrait même parfois comparer les chansons de PNL à du Sofia Coppola, pour cette capacité à parler du vide, du monde en suspend.
L’album est ponctué par des punchlines complètement dingues (Comme le goût de ma bite je me fais rare), dans le rap game (Tes rappeurs c’est tous des tapins Ils s’passent tous tous la pommade) rempli d’humour (Avant j’étais moche dans la tess, aujourd’hui j’plais à Eva Mendes).
Les références sont quand à elles parfois étranges, les deux frères ont l’âge qu’ils ont et les références viennent avec ça: du football (qui en 2016 pour parler de football cite encore Jean Pierre Papin plutôt que Messi ou Ronaldo ?), au mangas (Dragon Ball, GTO…) en passant par les jeux vidéos,.. Les références sont des classiques du monde du rap, mais encore une fois modifié sous le prisme PNL.
Dans la légende n’est pas un disque parfait, mais il représente tellement son époque qu’il mérite au moins d’être écouté. Unique, ambitieux, et surtout complétement perché, l’album est d’une cohérence assez dingue, que ça soit dans ses sons ou dans ses thématiques, le groupe tape souvent dans le mille. On aime ou on déteste mais il est impossible de rester indifférent à un projet aussi unique et différent dans le monde musical actuel en France.
PNL continue à créer sa propre histoire, loin des médias, loin des labels, loin de tout mais en totale cohérence avec ce qu’ils sont, des êtres étranges et passionnés, qui n’avaient certainement pas prévu un tel succès, mais qui s’en accommodent tant bien que mal. Ils grimpent les marches les unes après les autres pour entrer dans la légende.
Futur maître du monde en formation.
En attendant, chevalier servant de la pop francophone.
