Le 11 septembre 2020, Ichon fêtait ses trente printemps. Pour célébrer cette occasion particulière, le tiers de Bon Gamin s’est offert, ainsi qu’à ses fans, un cadeau d’anniversaire de choix : son premier véritable album. Entre mélancolie, grooves chaloupés et leçons de vie, Pour de Vrai nous ouvre grandes les portes de l’esprit de son auteur, déroutant de sincérité.

Qu’est-ce qui distingue réellement un album d’un EP ou d’une mixtape ? Voilà une question à laquelle il semble de plus en plus difficile de répondre. En même temps, entre des rappeurs ricains qui nous pondent trois galettes par an et un CEO de Spotify qui prend clairement le parti de la quantité face à la qualité, les artistes qui continuent à aborder l’album comme une œuvre entière et cohérente se font plutôt rares. Ichon, de son côté, se moque bien des normes en vigueur sur la toile et des statistiques de streaming. À vrai dire, Ichon se moque bien de ce que quiconque peut attendre de lui et de sa musique, et c’est très bien comme ça.

Il y a quelque mois, lorsqu’Ichon a commencé à nous teaser Pour de Vrai, on a vite senti qu’il nous préparait quelque chose de différent. Différent de ses projets précédents, mais aussi de tout ce qu’on peut trouver dans le rap français aujourd’hui. Cette singularité, les fans de la première heure avaient déjà pu en apercevoir les bribes à travers ses précédents projets. Or, si Il suffit de le faire avait donc su attiser notre curiosité, Pour de vrai a des airs de consécration. On va vous dire pourquoi.

D’abord, le mec a un charisme fou. Bon, ça c’est pas nouveau. Sauf que son aisance, son attitude si sereine alors qu’il se met totalement à nu devant nous lui font atteindre des niveaux stratosphériques de coolitude. Ichon expérimente, ose tout, teste ses propres limites et se pousse lui-même dans ses derniers retranchements pour en extraire son essence la plus pure, ce qui fait de lui un individu à part entière. Et si on imagine bien que ce cheminement personnel n’a pas du être de tout repos, le résultat n’en est que plus appréciable.

“J’espère que vous menez la vie que vous voulez mener”

C’est donc un album hyper personnel que nous livre le rappeur montreuillois. Chaque morceau nous en dit un peu plus sur son auteur, son rapport au monde, aux autres, à l’amour et à la mort. Exit le second degré et les artifices, Ichon est vrai et chacun de ses mots transpire l’authenticité. Plus que de faire office d’auto-thérapie pour son géniteur, Pour de vrai est une réelle invitation à se regarder dans le miroir (morceau qui résume le mieux toute l’essence de l’album) et se questionner sur notre identité. Un voyage dont on ressort épuisé, mais heureux.

Oh bien sûr, le produit fini est loin d’être parfait en tout point. On sent bien que l’expérimentation a un prix et la sincérité ne suffit pas toujours. En effet, n’est pas chanteur accompli qui veut, et la route est encore longue avant qu’il ne soit vraiment à l’aise avec ce nouvel instrument et ce nouveau rapport à la musique. Cela dit, tous les fans du regretté Mac Miller vous le diront : c’est rarement la perfection qui fait la saveur d’un artiste. D’ailleurs, la perfection c’est chiant… Non, ce qu’Ichon nous offre ici est bien plus précieux : une réflexion sincère sur la vie. Avec ses hauts et ses bas, ses beautés et ses laideurs, ses moments de grâce et ses dérapages.

C’est peut-être ça finalement, un véritable album. Une œuvre complexe, entière, à travers laquelle un artiste se redéfinit, prend des risques et nous emmène vers de nouveaux horizons. Si Pour de vrai n’est pas un “grand” disque au sens noble du terme, il est sans aucun doute un album passionnant auquel on revient encore et encore avec beaucoup de plaisir et qui n’augure que du bon quant à la direction artistique prise par son géniteur.

Et puisque personne ne parle aussi bien d’Ichon que lui-même, on ne peut que vous conseiller de vous faire votre propre avis sur le gaillard en vous replongeant dans l’interview qu’il nous accordée il y a peu :

Augustin Schlit

Biberonné au rock de Pink Floyd et Led Zeppelin puis reconverti au hip-hop, j’aime ma musique comme j’aime mon café : dès le réveil et sans édulcorant !