Pour son retour, Yan Wagner chante des horizons Couleur Chaos
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Auteur·ice : Coralie Lacôte
23/09/2021

Pour son retour, Yan Wagner chante des horizons Couleur Chaos

Si la rentrée est synonyme de nouveautés, c’est avec joie que nous avons accueilli la sortie du nouvel album de Yan Wagner, Couleur Chaos. Entre nappes synthétiques et réminiscences new wave, les eighties sont plus que jamais à l’honneur, et ce, pour notre plus grand plaisir.

Après Forty Eight Hours (2012) produit par Arnaud Rebotini et This Never Happened (2017), ses deux premiers albums largement salués par la critique, c’est avec une impatience non dissimulée que nous attendions le retour de ce musicien et producteur aussi talentueux qu’esthète. Si l’attente a pu paraître longue, ce n’est pas pour autant que Yan Wagner s’est laissé aller à la contemplation. Voguant entre production pour Calypso Valois, et multiplication des collaborations, avec entre autres Etienne Daho et Thylacine, il aura ainsi confirmé l’amplitude de son ingéniosité.
En cette rentrée, c’est donc sous son nom qu’il fait son retour et livre son nouvel album Couleur Chaos, dont le titre nous rappelle avec émotion l’ultime opus de Christophe : Les vestiges du Chaos.

© Diane Wagner

Alors que son précédent album rendait hommage à ses amours électroniques, Yan Wagner remonte ici le temps, direction les eighties et sa synth-pop irrésistible, que la scène française n’a désormais de cesse de chérir.
Dès les premières mesures de l’inaugural Brexit, le ton est donné : cet album sera avant tout synthétique. En clé de voûte, le synthé structure l’ensemble des morceaux et dessine la mélodie, tantôt catchy pour Fais comme si ou Brexit, tantôt malicieuse avec Brise-Glace, elle a pour constantes son efficacité et sa structure minutieusement travaillée.

Avec ce nouvel album, celui que l’on a souvent qualifié de dandy new wave, n’aura pas renié sa filiation. Synthé aux mélodies sinueuses, riffs de guitare, orgue et voix de baryton que le Français met en évidence, on retrouve ici tous les apparats du style. Si le synthé a une place de choix, Yan Wagner apporte cette fois une touche plus organique à ses productions et accorde une réelle importance à la guitare électrique dont l’outro de Parfum est sans nul doute le meilleur exemple.

Avec Couleur chaos, Yan Wagner prend ainsi un virage audacieux et quitte son univers sombre pour aller vers une musique plus funk et plus lumineuse qu’à son habitude. Les nappes synthétiques sur des accords plaqués marquent une rythmique syncopée rappelant le funk et nous donnant instinctivement envie de danser. C’est sans doute grâce à son projet électronique The Populists, que Yan Wagner s’autorise dans son projet éponyme à explorer des horizons et des genres variés, mêlant ainsi synth-pop et musiques électroniques, tout en convoquant des figures tutélaires telles que Daho, Elli & Jacno mais également Christophe, George Clinton, Boots Collins et Funkadelic.

À cette nouvelle couleur musicale s’ajoute également le choix du Français, encouragé par Daho et Romain Delahaye-Serafini alias Molécule. Pari remarquable et réussi, le français souligne sa voix et lie définitivement la figure du crooner à celle de l’homme à la machine. Si cela peut paraître anodin, ce passage implique en réalité un véritable travail de la voix et de l’écriture, auquel Yan Wagner s’est initié. Plus de l’union que de l’abandon, le musicien franco-américain garde toutefois quelques fragments anglophones, notamment pour le morceau Des cieux plus cléments évoquant le deuil de sa mère, et pour lequel on imagine que le filtre linguistique est un voile de pudeur.

Pour accompagner la sortie de son nouvel opus, l’artiste a publié les clips de Brexit, Parfum et Fais comme ci, dont l’esthétique vintage et l’usage de la parodie, confirment l’hommage rendu aux eighties. Au-delà de ces créations, une véritable attention est portée à l’univers visuel, qu’il s’agisse de la pochette de l’album ou des photos qui accompagnent sa sortie. À leur vue, une multitude d’illustrations se bousculent dès lors et établissent des résonances, comme celles de David Hockney et son célèbre Portrait of an Artist (Pool with Two Figures).

© Diane Wagner

Au-delà de ses inspirations musicales et visuelles, Couleur chaos est aussi l’occasion pour Yan Wagner d’adresser une pensée à John Fante, un romancier américain. Empruntant le titre de l’un de ses romans, Demande à la poussière fait un clin d’œil à la quête amoureuse et tragique que le célèbre personnage Arturo Bandini mène dans le désert. Chantant les amours perdus (Des cieux plus cléments), manqués (Fais comme ci) ou oubliés (Souvenir détails), Yan Wagner se déleste ainsi du costume de crooner qu’on lui fait revêtir si souvent.

Sur un dernier titre digne d’un générique de fin, l’album se parachève par une conclusion pleine de promesses. Instrumental et lancinant, Dernière fête clôt à merveille cette odyssée synthétique et dansante dans laquelle nous nous sommes volontiers laissés porter. Hymne “à l’aventure, à la vertu condamnée”, comme il le chante si bien, Couleur chaos aura su nous surprendre, panser l’absence et nous donner résolument envie de découvrir sa métamorphose scénique.

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