Puma Blue dépeint un univers entre ombre et lumière sur son premier album
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Auteur·ice : Giulia Simonetti
15/02/2021

Puma Blue dépeint un univers entre ombre et lumière sur son premier album

Sincère, doux et introspectif, In Praise of Shadows sorti ce vendredi 5 février est le premier album du jeune artiste londonien. Jacob Allen, alias Puma Blue, ouvre la porte de son intériorité en nous proposant quatorze titres. Intimes, alternant entre clarté et pénombre, les différents morceaux réalisés à la maison témoignent de sa touchante sensibilité. À l’occasion de cette sortie nous avons pu discuter avec lui afin qu’il nous révèle l’essence de son projet.

Lo-fi, jazzy aux influences électro-pop, In Praise of Shadows est un album artistiquement complet. L’écriture pour Puma Blue a toujours été importante, presque thérapeutique, comme on a déjà pu le constater dans son premier EP, Swum Baby, sorti en 2017.

La musique et l’écriture ont toujours été un moyen de m’exprimer et de voir le monde. La première chose qui me traverse l’esprit c’est la musique, elle me procure de la joie et du plaisir. La musique me permet d’aimer, et c’est incroyable. Je pense qu’il y a une forme de catharsis dans le processus de création et d’écriture. J’écris ce qu’il m’est arrivé, mes ressentis par rapport à des fragments de vie spécifiques.

Contrairement à son premier EP, ce dernier album marque une nouvelle ère où l’on perçoit plus de positivité et de lumière.

Je suis mieux dans ma vie maintenant, je me sens mieux et à ma place. Quand je regarde ce que je faisais il y a quelques années, je me représentais de manière singulière, et c’était une partie de moi. Mais dans cet album je voulais montrer une nouvelle facette de moi ayant su trouver un équilibre, j’ai essayé d’être le plus honnête possible.

L’univers de Jacob est nocturne et vibrant à la fois. L’obscurité et le noir mêlés à une certaine clarté dépeignent la dualité poétique de ce projet, en commençant notamment par le titre.

Le titre est tiré d’un livre japonais du même nom dont l’auteur est Jun’ichirō Tanizaki. Cet essai est basé sur l’esthétique japonaise et l’appréciation de l’obscurité. J’ai lu ce livre en profondeur, il représentait bien ma vision des choses, un peu comme j’essaye de le faire en musique.

 

Délicatesse et intimité

L’intimité de l’album se retrouve immédiatement dans le premier titre Sweet Dreams qui ouvre le projet en y annonçant sa couleur et sa dynamique. Inspiré par la musique de D’Angelo et Bon Iver, ce titre vise la recherche d’une certaine stabilité par rapport à un passé difficile avant de tourner la page. C’est le premier titre qui a été composé pour cet album. Le deuxième morceau est hypnotique, Cherish (furs), marquant l’idée qu’il existe des cycles dans la vie et qu’il est possible de les détruire. Une chanson aux paroles fortes appuyées par le rythme lancinant. On retrouve cette puissance répétitive de la prod’ dans d’autres titres comme Snowflower. Titre thérapeutique, où l’art de l’expression est une catharsis se laissant fondre dans des mélodies cycliques. Enfin, cette puissance est aussi présente dans Oil Slick, s’inscrivant dans des atmosphères progressivement jazz et dansantes. La dynamique de l’album est interrompue à mi-chemin avec le septième titre Olive / Letter to ATL. On peut comparer ce morceau à un interlude où l’on prend une pause pour mieux écouter ce qui suit. Le temps et la relaxation sont cruciaux pour comprendre le monde de Jacob.

J’ai écrit ce morceau pour ma copine, c’est une sorte de méditation. Je voulais composer quelque chose pour elle, pour qu’elle puisse l’écouter en boucle comme si on était ensemble, parce qu’on on avait une relation à distance à l’époque. L’idée de ne pas poser ma voix dessus servait à ralentir le temps, prendre le temps et respirer, telle une médiation hors de l’espace-temps.

Des questionnements profonds

Puma Blue se met à nu en abordant des thématiques profondes telles que le suicide dans Velvet Leaves, l’affrontement du passé et de sa vulnérabilité sur Silk Print ou encore l’anxiété avec Opiate. Ce sont des thèmes souvent considérés comme négatifs, mais le jeune artiste londonien arrive à y laisser une touche positive. Il parvient à montrer qu’il est possible de se reconstruire après des périodes de turbulences. Bien qu’elles puissent sembler très obscures, elles laissent un faisceau de lumière qui est bien plus qu’un simple mirage.

Être vulnérable me vient naturellement, je l’ai toujours été. Si on vit dans une condition de paix et de tranquillité, il faut beaucoup de temps pour pouvoir s’ouvrir à certaines émotions. Tandis que si on vit dans la souffrance, les émotions sortent beaucoup plus facilement. J’ai commencé à bien dormir il y a peu de temps, jusqu’il y a deux ans je souffrais de fortes insomnies. Je vais mieux, par miracle, et ma vie est plus saine. Au temps où j’étais stressé, j’ai été marqué par un événement arrivé dans ma famille dont je parle notamment dans Velvet Leaves. Avant cet événement, je n’étais pas vraiment anxieux, mais désormais j’ai dû apprendre à vivre avec. Je peux de cette manière comprendre les personnes souffrant d’anxiété.

L’amour

Sentiment souvent difficile à exprimer et caractériser, l’amour est un concept sujet à de multiples interprétations. Bath House est un bel exemple de cette proclamation si complexe à avouer, mais tellement belle. Le jeu de guitare tout au long de l’album, et notamment dans ce titre, a été inspiré par John Frusciante. En effet, au cours de la chanson, on assiste à une sorte de déclaration d’amour sans jamais entendre le mystique « je t’aime », rendant le titre encore plus cinématographique et envoûtant. Contrairement à Sheets qui est une véritable chanson d’amour riche en énergie et émotions. On plane à l’écoute de la douce voix aérienne de Puma qui nous ouvre son cœur. C’est sur un fond de guitare qu’il clôture ce premier album. Avec Super Soft, Jacob nous invite à prendre le temps, à arrêter cette frénésie de la vie pour s’écouter. Dans ce titre, tel un tableau surréaliste, on arrive à ressentir sa spontanéité suivant un flux d’images et de paroles sans filtre jusqu’à trouver un nouvel espace entre la lumière et l’obscurité.

Je choisis des paroles plus en fonction de mes émotions instinctives que de leur signification. Une grande partie de ce morceau, je l’ai écrite avec un ami et j’ai essayé de peindre, comme sur une toile, cette couleur, cet espace séparant la lumière de l’obscurité. Cet entre-deux, vaste, où l’on peut être à l’arrêt pendant une minute : d’où la répétition de « If we could be still just for a minute » à la fin du morceau. Prendre le temps, c’est ce que je souhaitais. Et c’est un peu ce que le confinement nous a appris. Et, bizarrement, j’avais écrit ce titre avant cet événement.


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