Qui est Kaky, l’alchimiste des bruits ? On l’a rencontré pour sa toute première interview
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Auteur·ice : Valentin Dantinne
18/02/2021

Qui est Kaky, l’alchimiste des bruits ? On l’a rencontré pour sa toute première interview

On rembobine la cassette. Été 2020, un prénommé Kaky largue un premier morceau assorti d’un clip : La tête pleine. Ça interpelle l’oreille, fait danser des épaules, on le met dans nos playlists de soirées d’été pour ambiancer les potes. 1er octobre 2020 : C’est pas la peine. Quelques semaines plus tard, Kaky dévoile Lundi matin. La semaine dernière, on découvrait Voyage de nuit. Mais qui est donc Kaky, encore étonnamment sous les radars alors qu’il devrait déjà être courtisé par tous les médias les plus mainstream ? Dans chaque morceau, des bruits. De petits bruits, partout. On a voulu comprendre. Rien de tel que de se rendre à la source. On a rencontré Kaky pour ce qui était sa toute première interview. Tout l’honneur est pour nous.

Un bricoleur de sons

Avant toute chose, la pierre angulaire de la musique de Kaky, ce sont les bruits. Un processus assez décomposé bien à lui, qui relevait au tout début plus d’un bricolage sonore amateur avant de devenir un réel processus de fabrication musicale plutôt rôdé. Ce processus, il le détaille dans des vidéos qu’il s’amuse à tourner et publier sur sa plateforme : les Kakysounds. “J’ai commencé à produire les premiers Kakysounds il y a à peu près un an et demi. Ça m’a très vite inspiré, j’ai commencé la musique sur ordinateur à partir de ça. Je ne savais pas trop utiliser les trucs compliqués qu’il y avait sur Ableton et j’ai très vite été happé par une vidéo que j’avais vue, où il y avait un gars qui samplait un verre et qui en faisait un synthé. J’ai trouvé ça trop bien et j’ai commencé à faire mes premières vidéos.

De là est née une addiction à la chasse aux bruits, et un formatage dont il avoue être lui-même devenu prisonnier. “J’ai très vite été addict. Là, tous les sons de l’EP (à paraître en mars) ne sont que des bases qui viennent d’objets. Je n’arrive pratiquement plus à créer de musique si ce n’est pas avec quelques objets, je me suis très vite habitué à ça. J’aime bien l’idée d’être assez limité : tu prends un verre d’eau, tu te dis ‘ça ça va être la mélodie’, tu tapes sur une table, ‘ça c’est le kick’, et en fait t’es très vite amené à avoir la structure en tête avant même de commencer la production.

La force du projet de Kaky réside dans la juste proportion entre l’intelligibilité des bruits utilisés à l’écoute et un rendu travaillé, produit, loin de rendre un aspect crafty comme on pourrait s’y attendre lors d’un tel procédé artisanal.

Une versatilité insoupçonnée

Si Kaky s’est présenté au public par le biais de La tête pleine puis de C’est pas la peine, il ne nous a pas laissé croire plus longtemps qu’il se résumerait à un peu de dance music entêtante sur fond de bruits d’objets. Non seulement la voix est là, mais l’écriture aussi, tout comme ce chanté à la frontière du rap — ou l’inverse, on ne sait plus très bien. Lundi matin ouvre l’espace et le tempo, apporte le second degré aussi. Comme pour installer son éclectisme, l’ancien étudiant en mathématiques-physique nous dépose alors sur la table Voyage de nuit, il y a quelques jours à peine. Un titre plus sombre, moins dansant, résolument romantique et nostalgique. Un changement de cap comme pour sortir autre chose de sa manche. Une empreinte “chanson française” mêlée à l’univers du rap auquel on associe souvent l’adjectif conscient — pour décrire ce rap calme, émotionnel et introspectif.

Cette versatilité trouve son écho lorsque le chanteur nous confie ses influences, en grand écart entre les grands chanteurs à texte de la variété française et le rap mélodique américain de Post Malone. “Post Malone, c’est plus au niveau du son, comment ça s’est construit autour du projet, on a une similitude là-dessus par rapport au traitement des voix, etc. Après, Brel, c’est vrai que je l’ai beaucoup écouté quand j’étais jeune avec mon père. J’écoutais beaucoup de chanteurs aussi comme Brassens, tu vois la patte, l’écriture francophone à texte. Du côté de ma mère, j’ai plus écouté des chansons, plus Buddy Holly et du rockabilly, plutôt la vibe anglaise, ce registre-là très musical et très mélodique.

Une symbiose d’ombre et de lumière

Si Kaky se montre friand de jongler entre les atmosphères, il jongle aussi entre les émotions et les types de récits. Les deux premiers titres, La tête pleine et C’est pas la peine, ont cette particularité de mêler la tristesse du texte à des sonorités et une production électro exaltée, voire dansante. “Elles sonnent tristes. Après, pour moi, elles ne le sont pas. La tête pleine, c’est plus un morceau où je parle de ce truc où je me suis rendu compte que j’étais dans le mauvais train, avec la fac, etc. Ça ne me plaisait plus du tout et j’étais conditionné à être dans ce train où tout le monde devait faire des études. C’est un morceau un peu libérateur pour moi. Je l’ai fait sur des tonalités qui sont un peu tristes mais, pour moi, il n’est vraiment pas triste avec ce refrain qui pète.

Je trouve incroyable ce truc de pouvoir mêler le rire et la mélancolie.

Du côté de C’est pas la peine, le Français aborde ce manque de confiance lors du moment où “tu commences à faire ce que tu as envie de faire, mais qu’autour de toi personne ne te pousse vraiment à le faire”. Des mots qui doivent sortir, et qui s’expriment, libérés, sur des tonalités enjouées. Kaky confie s’exprimer sur ses ressentis à travers la musique, ayant tendance à ne pas le faire dans la vie quotidienne, étant quelqu’un qui aime bien rigoler. “L’humour, pour moi, c’est super important. Je trouve incroyable ce truc de pouvoir mêler le rire et la mélancolie.” Cette quête pourrait bien résumer l’essence de la musique de Kaky, entre mélancolie sur beats dansants et chanson triste avec un brin d’espoir.

L’espoir est quelque chose que l’on sent animer le jeune artiste. Un optimisme et une détermination (“Un rêve, ça s’estompe pas si tu le travailles”). Le jeune homme aime se donner les moyens. Ce qui donne derrière ce travail minutieux de la recherche du bruit un rendu très inconscient et catchy, où l’on ne pose pas trop de questions, tellement les bruits sont savamment disséminés et utilisés. Tout ceci ferait-il de lui… un maestro de la nouvelle génération ?

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