Qui se cache derrière l’organisation du Ways Around Festival ?
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Auteur·ice : Chloé Merckx
01/04/2023

Qui se cache derrière l’organisation du Ways Around Festival ?

Ce weekend se tiendra la deuxième édition du Ways Around Festival à Bruxelles. Au programme, un line up exclusivement alternatif, qui se départagera dans 3 salles emblématiques de la capitale : Le Lac, La Vallée et Le Cirque Royal. L’année passée, nous avions fait un live report des 3 soirées de la première édition, cette année, nous avons décidé d’aller voir qui se cachait derrière l’organisation de cet évènement. Nous avons rencontré Benjamin Fournet, un des co-organisateurs du festival, qui nous raconte les coulisses du projet.

LVP : Comment est né le projet Ways Around ?

Benjamin Fournet : C’est un projet qui date de 2020, lors d’une édition des Nuits du Botanique en septembre qui avait été décalée à cause du Covid. On s’est retrouvés avec Jésus et Nicolas, qui sont les autres organisateurs, et on s’est dit que ça manquait de rock à guitare sur Bruxelles, lorsque les salles vont ré-ouvrir est-ce qu’on ne créerait pas un concept autour des guitares. Et donc on a créé le Ways Around à ce moment-là, puis quelques mois plus tard, on lançait la première édition.

LVP : C’était un pari risqué de lancer ce festival ?

Benjamin : Complètement risqué, premièrement par ce que on a mis notre propre argent dedans, on n’a pas de gros partenaires financiers à ce jour, et puis c’était risqué aussi parce qu’on ne savait pas si les salles allaient ré-ouvrir et si le festival allait avoir lieu donc ça a généré pas mal de stress. C’était aussi un pari au niveau de la musique, le rock et la musique à guitare sont pas forcément les plus faciles à défendre notamment dans les gros médias. Après nous comme chacun dans nos différents jobs on travaille avec pas mal de groupes indés on s’est dit qu’on allait tenter le pari.

LVP : C’est une grosse équipe derrière l’organisation ?

Benjamin : Nous on est trois professionnels de la musique,  ce qui fait qu’on peut aller assez rapidement sur certains sujets, après on a une équipe de bénévoles qui nous aide pour la communication, les prises d’images, les réseaux sociaux. On a une chouette équipe mais avec trois ou quatre personnes en plus ce serait plus simple, surtout à quelques semaines du festival. Après, travailler avec des bénévoles ça te permet d’avoir un recul sur ton propre métier. Et pour nous, être bénévole sur notre propre évènement, ça rend très humble et c’est une chouette aventure humaine.

LVP : C’est la deuxième édition cette année, est ce qu’il y a des choses que vous avez fait différemment ?

Benjamin : Pour commencer, le dernier jour de la première édition, on a décidé que notre lieu phare de cette deuxième édition serait le Cirque Royal. Ce qu’on a fait différemment aussi c’est qu’on a pas programmé des groupes uniquement selon nos gouts et nos envies, on a plus regardé qui était en tournée. Pendant le Covid c’était compliqué, les groupes n’étaient pas forcément en tournée donc là, on a retrouvé plus une dynamique dans la musique actuelle. Et puis, on a pu faire des demandes de subsides plus tôt puisqu’on avait déjà le concept, un budget à présenter etc. Par contre on a gardé notre visuel très fleuri.

LVP : Et donc pourquoi ce choix d’une programmation exclusivement alternative ?

Benjamin : On n’avait pas envie de faire comme « nos amis » les autres festivals, certains sont plus électro, d’autres plus urbains, puis les nuits du Botanique qui arrivent à créer des ambiances par soirée. On s’est dit qu’avec un concept fort on allait avoir plus de chances pour bien communiquer, bien être identifiés sur le moyen terme, et c’est comme ça qu’on s’est dit que ça allait être le fil rouge. Et je pense qu’on a réussi à faire des propositions artistiques assez éclectiques et en même temps très guitare.

LVP : Tu utilises le terme musique à guitare, le terme « musique alternative » il est parfois utilisé à toutes les sauces, comment vous avez procédé pour définir un line up « alternatif » ?

Benjamin : Pour nous la musique alternative ce sont les sons qui ne sont pas en rotation sur les grandes radios, mais ça peut être du dubstep ou de la trap super hardcore. Notre définition de l’alternatif c’est plutôt ce qui ne passe pas en radio, mais la ligne entre alternatif et underground elle est très fine. Je pense que le mot alternatif ici, il a été utilisé pour faire comprendre que c’était une alternative à d’autres festivals déjà en place plutôt que pour définir un style. Donc pour le line up, cette année par exemple on a su que Thot cherchait une date à Bruxelles donc c’était un bon moment pour nous de les présenter, puis The St. Pierre c’était un coup de cœur pour nous. Sur le samedi, pareil on a vu que Jean Jean était en tournée donc on s’est dit que c’était le moment de les avoir sur notre festival, ensuite on a construit avec des groupes belges autour de ça. Et puis la soirée rock féminin, ça s’est fait parce que on adore Penelope Isles qui étaient justement dispo aussi, et après on a eu l’idée de faire cette soirée rock féminin. Et le dernier soir on voulait vraiment Demob Happy et on a construit en fonction de ça ensuite. On essaye de voir qui nous intéresse, qui est en tournée et puis ça se met dans des cases. Ce qu’on veut c’est avoir un projet cohérent et des soirées fortes mais pas forcément des têtes d’affiche non plus

LVP : Vous avez beaucoup plus de femmes dans la programmation cette année, c’est quelque chose qui s’est fait naturellement ou c’était une réflexion sur des quotas ?

Benjamin : Ça s’est fait naturellement, moi je déteste les quotas, je trouve que ça ne rend pas justice au talent des personnes, ni homme ni femme. Moi je manage par exemple Bandit Bandit et Sierra, et j’ai pas envie que les artistes que je manage soient programmés pour des quotas, je préfère qu’elles soient là parce qu’elles ont été choisies. Ce qui me tient à cœur c’est d’aider au démarrage des carrières des groupes féminins, par ce que c’est là que c’est le plus dur, c’est là qu’on met des barrières, et le problème c’est l’éducation. Et si on enlève ces barrières-là dans notre éducation au quotidien, je pense que on aura beaucoup plus de groupes à proposer parce que on aura quelque chose de décomplexé et une approche d’égal à égal. Alors oui cette année on a beaucoup de groupes féminins et j’en suis vraiment ravi, mais hors de question d’avoir des quotas.

LVP : Et du coup pour le nombre de groupes belges par rapport au nombre de groupes internationaux c’est pas un quota non plus ?

Benjamin : Alors là c’est différent, c’est pas vraiment un quota qu’on respecte mais le fait d’avoir des groupes belges nous permet d’obtenir des subsides. Après nous on aime aussi avoir des groupes qui viennent de la région de Bruxelles par ce que ça nous permet d’être une sorte de tremplin à notre échelle, et ça permet à certains groupes d’avoir un spot et accès à une communication un peu différente que si ils faisaient un headline show tout seuls.


Nota bene : Si nous revenons au départ de toute chose, l’argent bien sûr, on peut voir qu’il suffit de proposer des subsides pour ouvrir l’esprit des un·es et des autres sur les quotas. Plutôt facile non ? On ne peut donc s’empêcher de se demander si l’argent pourrait nous acheter des programmations plus inclusives histoire d’en finir avec les vilaines soirées de « rock féminins » qui semblent combler un manque de parité. Petit rappel, le rock féminin n’est pas un genre, c’est le même que le rock masculin ;)


LVP : Le prix des billets pour une soirée il est relativement accessible, est-ce que c’était une volonté de votre part de rendre la musique alternative accessible au plus grand nombre ?

Benjamin : Par exemple une salle comme Le Lac on ne peut pas mettre plus cher, donc il faut respecter la façon de fonctionner des lieux et le public habitué des lieux. Et puis il faut trouver le bon compromis. Si on fait comme tout le monde on a le risque d’avoir plus de concurrence aussi, donc on mise sur le fait qu’on est moins chers. Est-ce que ça plait plus, je ne sais pas. Moi j’ai l’impression que si les gens ont envie de mettre 30€ sur un concert ils le feront, et puis le public aujourd’hui cherche beaucoup des têtes d’affiches, c’est pour ça qu’on met beaucoup notre concept en avant.

LVP : Par rapport au concept, vous faites des choses un peu différentes comme la ballade à vélo ou les projections de documentaire.

Benjamin : En plus la projection sur Courtney Barnett est gratuite cette année, c’est vraiment un documentaire poignant sur son état psychologique et émotionnel, c’est à 17h le samedi, au Lac. On a aussi un village, à partir de 14h à La Vallée, on a un stand de prévention, un stand de pochoirs et des activités pour enfant, on a aussi des tatouages avec le studio Amour Tattoo Club.

LVP : Pour le futur du festival est ce que vous voyez les choses en grand ou vous désirez rester dans une sphère plus intimiste ?

Benjamin : Je pense qu’on ne pourra pas toujours rester sur une petite jauge comme ça parce que ça ne génèrera pas d’argent, donc ça donne envie de faire grandir l’évènement. Mais il y a grandir et grandir, il y a plein d’idées à développer dans Bruxelles, il y a plein de lieux à investir mais sans financement, ça va être compliqué à développer. Le concept, c’est de créer et de faire plein de choses, mais à un moment il faut aussi qu’on rende ces évènement sold out.

Le festival se tiendra du 31 mars au 2 avril. Au programme: Thot, Penelope Isles, Endless Dive, Demob Happy et bien d’autres.