Rencontre avec Ambrose Dust, le duo aux avant-postes d’une dark pop bruxelloise
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Auteur·ice : Chloé Merckx
27/02/2025

Rencontre avec Ambrose Dust, le duo aux avant-postes d’une dark pop bruxelloise

|Photo : Melissa Fauve pour La Vague Parallèle

Ils ne sont peut-être qu’aux prémices de leur succès, mais c’est un avenir prometteur qui semble se dessiner pour le duo bruxellois Ambrose Dust. Mélange contrasté d’une pop ténébreuse et de la voix aérienne du chanteur Adrien Souchet, Ambrose Dust n’a pas manqué de séduire la foule de la finale du Concours Circuit 2024. Ils étaient d’ailleurs, sans surprise, notre coup de cœur de la soirée. Vous nous connaissez, on a pas pu s’empêcher d’aller les rencontrer ! Alors qu’ils viennent de sortir leur deuxième single Twisted Love, Théophile et Adrien nous ont présenté plus en détail leur projet et leurs ambitions futures. 

LVP : Est-ce que vous pouvez vous présenter pour celleux qui ne vous connaissent pas encore ?

Adrien : Moi je suis Adrien, je suis le chanteur et le lyriciste du projet.

Théophile : Moi c’est Théophile Moussouni, je suis compositeur producteur et arrangeur. Même si en réalité on fait tout à deux, Adrien c’est la figure de proue qui représente un peu plus le projet et moi je gère tout ce qui est instrumental.

Adrien : Ambrose Dust pour nous c’est un projet dark pop, donc qui prend ses racines dans des esthétiques plutôt sombres. On a pas mal d’influences plutôt électroniques, rock auxquelles se mélangent nos deux univers. Moi par exemple je viens du monde de la danse donc je viens du hip-hop et des grandes pop stars.

Théophile : Et moi de base je suis compositeur pour des musiques de film depuis une dizaine d’années. J’aime beaucoup tout ce qui est trip hop, années 1990 comme Portishead ou Massive Attack, j’aime bien ce côté un peu lent et sensuel.

LVP : Est-ce qu’il y a un·e artiste qui vous met d’accord tous les deux ?

Théophile : Avec Adrien on s’est vraiment retrouvés sur Billie Eilish, même si elle est là depuis un petit moment maintenant elle a un univers un peu nouveau, dark pop/alternative pop avec un grain plus cinématographique. Et ça pourrait un peu résumer cette dualité entre Adrien qui a ce truc très pop de performeur.

Adrien : C’est aussi l’idée d’avoir un show ou on interagit vraiment avec notre public.

Théophile : Oui parce que moi c’est vrai que j’ai plus l’habitude d’être derrière mes machines et maintenant j’essaye d’être un peu plus présent sur scène.

LVP : Est-ce que vous pouvez nous raconter votre rencontre ?

Théophile : Avec Adrien ça va faire pas mal d’années qu’on se connaît, mais il est venu me voir il y a environ un an et demi parce qu’il cherchait un producteur, il avait des maquettes qu’il avait réalisées avec un ami à lui. Et en écoutant ça j’ai vraiment été interpellé par sa voix, parce qu’il avait adopté un autre style de chant. Avant il était plus en voix de poitrine et là il est passé en voix de tête, donc au début je n’ai vraiment pas compris, je pensais même que c’était une femme qui chantait. Donc j’ai trouvé ça super intéressant et je lui ai proposé qu’on fasse ce projet ensemble plutôt que d’être juste producteur prestataire.

Adrien : J’avais commencé à faire quelques maquettes, parce que tous ces projets R&B que j’avais en cours finissaient par me lasser. Je n’arrivais pas à y adhérer pleinement et même en live, j’avais le sentiment que la musique ne me permettait pas d’exprimer entièrement mes idées. J’ai donc ressenti le besoin de revoir ma façon de travailler. J’ai commencé à composer de mon côté, puis j’ai collaboré avec mon pote Yoal pour essayer d’aboutir à une dizaine de titres et imaginer un nouveau projet. Mais on peinait à obtenir un résultat abouti qui nous satisfaisait vraiment, alors on s’est mis à chercher un producteur. C’est à ce moment-là qu’il est entré en scène. Depuis, on bosse à deux, en mêlant nos idées et en façonnant ensemble un son qui nous ressemble.

LVP : Vous avez aussi la particularité d’être colocataires, comment ça influence votre façon de travailler ?

Adrien : Ça aide beaucoup d’être dans le même endroit et d’avoir une facilité de travail. Dans un processus créatif tu as souvent des moments où des idées te viennent à des moments complètement aléatoires et le fait de partager cet espace ça nous permet de tout le temps échanger, ce qui est vraiment chouette. Après il y a aussi des points négatifs (rires).

Théophile : Oui parfois on a envie d’un peu souffler aussi (rires).

Adrien : Aussi il y a le fait que ce projet est encore assez jeune donc il y avait beaucoup de nouveauté et parfois on est pas d’accord donc le fait de partager un espace de vie ça apporte un peu de complexité humaine. Après on arrive toujours à discuter et à mettre nos égos de côté pour développer ce projet. Et en vrai ça se passe super bien, c’est une relation que tu dois travailler.

Théophile : En vrai c’est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu bosser avec lui, outre le fait qu’il a une super voix, je l’ai toujours vu comme quelqu’un de très humble. Moi je voulais un projet musique mais je ne voulais pas être une star, donc en fait on a monté ce projet un peu comme si c’était une troisième personne dont on tire les ficelles. En emménageant ensemble on avait un peu l’idée de vivre dans le projet, après ça a ses inconvénients mais le but c’était de pouvoir avoir la tête dedans tous les jours aussi. On y va à fond.

LVP : Ce projet c’est un peu comme votre bébé finalement.

Adrien : Ouais à fond, ça prend énormément d’espace dans notre quotidien. Moi maintenant je me dédie complètement à ça et à deux on partage ce bébé. Il y a toujours des décisions à prendre, c’est un échange constant par rapport à l’esthétique, à ce qu’on a envie de faire, et on doit être dans un accord mutuel. Mais humainement c’est super intéressant parce que tu te rends compte que tu as un rêve et tu le partages avec une personne qui a sa propre vision de ce rêve et tu dois t’accorder pour créer quelque chose qui vous convient à tous les deux.

Dans mes anciens projets, devoir tout porter seul était une charge énorme. On ne se rend pas toujours compte du poids que représente la construction d’un projet musical. Les premières années, tu ne gagnes pas assez d’argent pour en vivre, mais tu dois pourtant t’y investir comme si c’était un travail à plein temps. Moralement, c’est difficile. J’ai vu beaucoup de potes passer par des phases de découragement, c’est vraiment dur à vivre. Là, on est deux et quoi qu’il arrive, si l’un doute ou traverse un creux, l’autre est là avec la bonne énergie. Ça crée une vraie dynamique, une force incroyable, bien différente de mes expériences passées.

LVP : Ta voix rend votre son très particulier, comment as-tu trouvé cette façon de chanter ?  

Adrien : Pendant un temps j’hésitais entre mon projet R&B et l’envie d’explorer autre chose, je produisais sans trop savoir où j’allais. Puis un jour, sur une première prod, j’ai essayé de chanter un peu plus aigu, juste pour expérimenter et je suis tombé sur cette voix-là. C’était totalement un hasard. En écoutant ces morceaux, je me suis dit que ça sonnait bien, mais sans avoir conscience d’une quelconque particularité. Pour moi, c’était juste ma voix, mon timbre naturel, rien d’inhabituel. C’est en faisant écouter ces prods à d’autres personnes que j’ai réalisé qu’il y avait quelque chose d’original. Finalement, ce qui n’était au départ qu’un essai est devenu une vraie direction. En voyant les réactions, je me suis dit : “Ok, il y a peut-être quelque chose à creuser, un élément qui pourrait vraiment définir notre identité musicale.” Mais à la base, c’était juste une expérimentation, un heureux hasard.

LVP : On dit souvent que ta voix est androgyne, est-ce que c’est une étiquette qui te convient ?

Adrien : On a vite réalisé que cette particularité pouvait devenir un véritable atout pour le projet. C’était une signature sonore, quelque chose qui nous différenciait, alors on a décidé de l’assumer pleinement, y compris dans la manière dont on communique autour du projet. Dans une industrie où de nouveaux talents émergent tous les jours il faut réussir à capter l’attention.

Théophile : Et puis cette voix c’est un élément distinctif qui intrigue dès la première écoute. Au début quand je faisais écouter le projet aux gens on met demandait toujours «  Et c’est qui la chanteuse ? », et quand on répond que c’est un chanteur ça crée un effet de surprise. Ça me fait penser à des artistes comme Asaf Avidan ou même Alt-J où la voix, dès la première note, interpelle et devient une signature immédiatement reconnaissable. Avant il chantait en voix de poitrine je n’étais pas autant séduit je trouvais qu’il manquait quelque chose. Et en passant en voix de tête j’ai l’impression qu’il a vraiment trouvé le timbre qu’il lui fallait.

Adrien : En réalité ça a été un long chemin pour trouver ma voix. J’ai appris à chanter tout seul, sans cours de chant et c’était assez difficile parce que je sentais que j’avais une possibilité dans ma voix qui était large. Et puis j’avais dégusté étant gamin, quand j’appelle pour renouveler mon abonnement de bus on me dit encore « Bonjour Madame ». Donc je me suis dit qu’il y avait des possibilités mais j’étais un peu perdu. Maintenant je le vis un peu comme une forme de libération de sentir que mon timbre me plaît, mais ça a été un long travail.

LVP : Vous avez fait partie des finalistes de l’édition 2024 du Concours Circuit, qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?

Théophile : C’était une expérience incroyable. Dès le départ, se retrouver dans un cadre professionnel, avec la possibilité de rencontrer d’autres artistes, c’est un vrai luxe. Les échanges et les connexions qu’on peut créer dans ces moments-là sont essentiels, surtout quand on sait à quel point il peut être difficile de rencontrer des professionnel·les de l’industrie musicale.

L’un des gros avantages du Concours Circuit, c’est qu’il est vraiment ancré dans le paysage musical belge. Ce n’est pas juste un petit tremplin en marge de l’industrie : il offre une vraie visibilité et met en relation avec des acteur·rices du milieu qui comptent. Ça fait une énorme différence. Pour nous, ça a été un vrai coup de boost. On s’est retrouvés en colocation en juillet, puis en août, on a appris qu’on était sélectionnés. Ça nous a immédiatement donné un cadre, un objectif clair : on s’est dit qu’il fallait qu’on saisisse cette opportunité à fond. Au-delà de ça, il y a plein de petits bonus qui viennent avec : des super photos, un accompagnement structurant, une vraie dynamique qui te pousse à avancer. À la fin, tu ressors non seulement avec de la visibilité, mais aussi avec un vrai sentiment d’accompagnement et de progression.

Adrien : Ça nous a apporté beaucoup de chouettes opportunités, des interviews en radio, une live session magnifique et puis pour nous qui avons commencé les concerts en juin, de pouvoir cocher la case Botanique c’est vraiment fou. Au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles c’est un évènement incontournable, ça fait des années que je vois des amis y participer donc d’être arrivés aussi loin c’est vraiment incroyable.

Ambrose Dust

Melissa Fauve

LVP : Vous avez prévu quoi pour la suite ?

Théophile : On arrête tout, c’est infernal ! (rires)

Adrien : On prévoit de continuer à sortir des morceaux, car juste avant la finale du Concours Circuit, on avait dévoilé nos premiers singles. C’était un peu le véritable point de départ pour nous, notamment sur Spotify et en termes de visibilité auprès du public. Là, on a deux autres titres qui arrivent : le premier sortira le 14 février, puis un second en mai. L’idée, c’est de construire progressivement jusqu’à la sortie d’un EP en septembre. Ce calendrier nous permet aussi de structurer notre live, avec l’envie de booker des concerts dans la foulée. Comme on a reçu le prix Coup de Cœur à Ronquières, on aimerait bien en profiter pour décrocher d’autres dates cet été et continuer à jouer autant que possible. En parallèle, on réfléchit à développer l’équipe. On aimerait collaborer avec de nouveaux partenaires pour affiner notre visuel et notre identité artistique. Même si on a déjà une direction assez claire, on pense qu’en s’entourant des bonnes personnes, on pourra pousser le projet encore plus loin et lui donner plus d’ampleur.

Théophile : C’est vrai que pour tout ce qui touche à la musique on est assez autonomes, mais tout ce qui est visuel ça nous prend beaucoup de temps. C’est plutôt compliqué de décider de ce qu’on fait, puis après ça ne donne pas toujours ce qu’on voudrait. Par contre au niveau des concerts on a deux grosses dates qui arrivent, on fait la première partie de Musti à Forest National et la première partie de Colt à l’Ancienne Belgique.

Adrien : C’est vraiment super de sortir du Concours Circuit et d’avoir ce genre d’opportunités dans des salles pareilles.

Théophile : Moi j’espère juste que l’ordinateur ne va pas se planter en plein milieu du set (rires). Mais passer du Botanique à une salle de 8500 personnes d’un coup, c’est énorme. Au niveau du son pour nous ce n’est pas vraiment l’idéal, mais petit à petit on va s’adapter pour développer un show pour des plus grandes salles.

Adrien : Ce qui est cool c’est qu’on aime vraiment ce qu’on fait donc ça sera de toute façon un plaisir, puis on commence vraiment à avoir une chouette cohésion sur scène. Mais c’est sûr qu’on va devoir apprendre à gérer une grosse scène.

LVP : Est-ce qu’il y a des artistes avec qui vous aimeriez collaborer dans un futur plus ou moins proche ? 

Adrien : Il y a quelques projets bruxellois avec qui on aimerait bien travailler, par exemple on a vu Lovelace au Fifty Lab et on aimerait vraiment bien faire quelque chose avec elle. Il y a aussi Epona qui est impressionnante, c’est une machine et son style musical est trop cool, c’est une super personne. Et sinon pour des plus gros noms ?

Théophile : Sevdaliza ou Artemas ? C’est aussi des noms sur lesquels on s’est pas mal retrouvés. Ce sont des artistes qui viennent avec des propositions un peu plus rock. Par exemple Sevdaliza c’est une artiste néerlandaise avec une esthétique très particulière, un peu hyperpop/cyberpop.

Adrien : Je trouve aussi que du côté flamand il y a beaucoup d’artistes qui nous inspirent comme Tsar B. En Belgique on a vraiment pas à se plaindre de la qualité musicale.

LVP : Votre prochain single s’appelle Twisted Love, est-ce que vous voulez nous en dire un peu plus ?  

Adrien : Ça s’appelle Twisted Love et ça sort le 14 février, c’est une sorte de contrepied à la Saint-Valentin. C’est un peu l’histoire d’une relation toxique, tu sais que c’est mauvais mais tu plonges dedans. Ça parle de ces relations qui ne sont pas bonnes mais dans lesquelles on va se baigner parce qu’on a pas beaucoup d’amour propre et parce qu’on veut avoir une histoire à raconter alors qu’il faudrait prendre du recul et se retrouver seul·e pour avoir des relations un peu plus saines. Mais ça parle aussi de cette addiction à ce qui est mauvais pour toi et pourquoi on se l’inflige ? Ça vient d’une histoire que j’ai vécue et je me questionne sur le pourquoi j’ai tendance à glisser vers des choses plus sombres pour me sentir en vie.

Théophile : Je trouve en effet que ce qui est intéressant avec ce morceau c’est que c’est une forme d’autocritique. On ne va pas juger les gens qui tombent dans ce genre de relation mais plutôt se remettre en question nous-même et se demander si on a pas un truc à régler à ce niveau-là. C’est aussi un peu moins rock que le morceau d’avant, il est vraiment très électro et il y a un côté plus émotionnel et plus dark pop avec le refrain, donc c’est la suite quoi.

LVP : Merci à vous deux pour cette interview et on a hâte de voir ce que vous nous réservez pour la suite !

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