Retrouvailles avec Tourist sur la scène du Trabendo
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Auteur·ice : Marthe Rousseau
10/07/2024

Retrouvailles avec Tourist sur la scène du Trabendo

| Photo : Quitterie Scipioni-Guenancia pour La Vague Parallèle

Le Trabendo a accueilli William Phillips aka Tourist, le 16 mai 2024. Inspiré aussi bien par les Daft Punk, The Chemical Brothers, la house et la synth pop, le musicien électronique a, durant sa carrière, remixé des artistes tel·les que Christine and the Queens, Deftones, The Weeknd, Flume ou Caroline Polachek. L’auteur-compositeur, producteur et multi-instrumentiste a récemment sorti son dernier album Memory Morning en avril 2024. Lors d’un set inédit à Paris – le Britannique n’y était pas allé depuis dix ans – il nous a fait voyager sans quitter la capitale.

Un ciel bleu parsemé de nuages s’affiche sur l’écran situé en fond de scène, derrière Tourist, aux platines. Le musicien électronique ouvre les hostilités par Ithaca, issu de son dernier album Memory Morning (2024). Une voix féminine s’ajoute aux nappes aériennes. Elle répète les mêmes mots, dont on ne comprend pas bien le sens, un mélange d’anglais et d’une autre langue inventée. Seule son injonction “Wake up” est amplifiée, démultipliée, et participe à l’enivrement. La voix inconnue nous accompagne dans ce demi-sommeil, interrompu au refrain, qui explose. Le public s’excite, encourage Tourist, qui module la voix de la chanteuse, joue avec les silences. Dans la fosse, nous l’écoutons, suspendu·es à l’harmonie qui émane de cette seule platine, du roucoulement des oiseaux enregistrés au ruissellement d’une rivière, le tout sur une production électro. Ça y est, on est déjà transporté·es dans un ailleurs. Ce morceau rappelle le travail du Français Molécule, dont l’album -22,7°C (2018) était issu d’un voyage dans le cercle polaire.

| Photo : Quitterie Scipioni-Guenancia pour La Vague Parallèle

Tourist laisse peu à peu la place à son deuxième titre Elixir (de l’album Wild, 2019), très planant et minimaliste. Il joue avec notre désir d’accélérer les BPM. L’écran bleu vire au noir, puis laisse apparaître une pluie d’étoiles. Les spectateur·rices crient lorsque cela devient plus dansant, et brandissent leurs téléphones pour filmer William, qui détonne avec son look sobrement BCBG, habillé d’un polo-jean. L’air concentré, il ne s’adresse pas à la fosse pour lui demander de s’ambiancer, pas besoin, sa maîtrise parfaite du set suffit. Il finit une note en l’air, pour nous laisser en suspens, avant de la reprendre et d’intensifier son effet.

“C’est vraiment un plaisir d’être avec vous” se réjouit William Phillips, en anglais, entre deux gorgées de bière. Cela faisait dix ans qu’il n’avait pas performé à Paris. “C’est un frère” lance un spectateur, tout sourire, à l’un·e de ses ami·es.

| Photo : Quitterie Scipioni-Guenancia pour La Vague Parallèle

Le mot concert prend tout son sens quand une mélodie jouée au piano, a cappella, semble si réelle. Dans Lifted Out, on croirait apercevoir un·e pianiste sur scène, mais il n’y a que Tourist, sorte de magicien debout devant sa platine et ses potards, capable d’invoquer un orchestre.

Plongé·es dans le noir, on entend ensuite les notes saccadées d’un piano désarticulé dans Crush. Le rythme est celui des secondes qui défilent sur le cadran d’une horloge. Le temps presse. Éclairé de lumières bleues, le public siffle au son de ce titre, qui rappelle l’adrénaline d’une première rencontre amoureuse. Ça s’accélère encore. Une voix robotique dont on ne peut dire, si elle appartient à un homme ou une femme, martèle le cerveau. C’est haché, obsédant. La fosse sautille, bouge les épaules de gauche à droite. Les synthés prennent de plus en plus de place sur la voix de la femme avant que celle, très soul, d’un homme, arrive à son tour.

| Photo : Quitterie Scipioni-Guenancia pour La Vague Parallèle

La mer comme ligne d’horizon nous parvient ensuite en fond, sur l’un des titres les plus connus de Tourist : Bunny. Les notes de piano font penser à celles d’une harpe. Le Britannique nous donne même l’impression d’être sous l’océan, léger·ères, évoluant entre les poissons. Après le neuvième morceau, Tourist lâche en français un “merci beaucoup”. Ce à quoi un groupe de copains répond “Merci Williaaaam !”.

Tout au long du concert, notre corps se laisse envahir par les notes aériennes de Tourist, et notre œil, lui, est attiré par l’écran en fond de scène. On y voit la puissance de la nature : des vagues, de la lave volcanique dégoulinante ou des sables mouvants… Sa musique nous accompagne dans cette introspection. Les pensées arrivent par flots. Le pic d’énergie du concert se situe sur A little bit further : la fosse est à fond, saute, danse, lève les bras. Un couple s’embrasse juste devant nous, visiblement heureux de partager ce moment à deux.

William aura réussi à embarquer l’ensemble du public, amateur·rice ou non d’électro, et composé en grande majorité de jeunes de moins de 30 ans. Il nous aura permis de nous évader le temps d’un concert, et de faire travailler notre imagination aux sons des synthés et des voix venues d’ailleurs.

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