Ricky Hollywood : une question de bon sens
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Auteur·ice : Julia Vanderborght
15/04/2020

Ricky Hollywood : une question de bon sens

En ces temps troubles, Stéphane Bellity – plus connu sous le nom de Ricky Hollywood – nous révèle un peu plus son univers coloré, délicat et surréaliste. Après quelques EPs et un Modeste album, l’ancien batteur de Juliette Armanet vient de sortir Le sens du sens, son deuxième album solo, sur lequel il réinvente la french pop avec élégance et émotion. Un petit bol d’air en faïence qui offre au kitsch un nouveau royaume sur lequel Hollywood règne en maître.

Sur ce disque tout de synthé-pop vêtu, Ricky Hollywood continue sur la lancée de son Modeste album et propose dix titres aux allures pop-soul et aux textes faussement naïfs. Fidèle à lui-même, ce deuxième album est donc ultra fantasque et questionne notre existence, non sans ironie. Le sens du sens a l’audace de poser avec légèreté les questions qui nous rongent le jour et qui nous hantent la nuit. Avec une sorte de nonchalance attendrissante, le chanteur souffle ses mots sur des fonds sonores très aériens et parfaitement solaires.

L’album commence par un aveu poétique sur fond de musique électronique. Comment ne pas s’épuiser à chercher un sens à tout ce qui nous entoure et à tout ce que l’on entreprend ? Sur Dispo, Stéphane fait le tour de l’horloge et de son répertoire sur des notes de piano électrique, avant de s’envoler sur un fond beaucoup plus disco avec le refrain. Un titre lumineux qui rentre facilement en tête, pour le plus grand bonheur de nos oreilles. Ensuite vient Tu verras et là, il nous prend l’envie de claquer des doigts et de bouger la tête de manière un peu ringarde mais complètement frénétique. Le rythme est plus sec et apporte d’une certaine manière une touche d’exotisme. Sur un nuage d’auto-tune assumé, il balance « la vérité c’est que je suis musicien. J’ai un projet solo qui devrait bientôt… Enfin tu verras ! » Ricky frappe fort alors qu’il peine à finir ses phrases.

Dans le contexte actuel, certains mots résonnent différemment. En avril 2020, alors que le papier toilette et les pâtes se transforment en produits de luxe, interroger la « fin du monde » nous semble en effet loin d’être lunaire. Comme à son habitude, le chanteur le fait avec humour et poésie. Les synthés et saxos nous emmènent tantôt dans un salon aux sofas de velours, tantôt dans un épisode de Starsky et Hutch. Tous à poil nous ramène à une vérité simple et évidente, avec ou sans poils sous les bras, avec ou sans joli chapeau sur la tête, on est tous dans la même galère. Hollywood nous fait alors une avance tendre et naïve : « Je propose pas une vie éternelle mais de la faire belle, juste ici-bas. » Quitte à tous vivre la même fin débile, autant profiter du soleil sur terre avant qu’il ne nous tombe sur la gueule.

Il y a également du beau monde pour nous accompagner dans l’univers loufoque de ce chanteur attachant. D’abord, car les copains Maxime Daoud d’Ojard, Amaury Ranger (Frànçois & the Athlas Montains) ou encore Corentin Kerdraon (Juliette Band) ont bossé sur la prod. Ensuite parce qu’il propose deux jolis featurings, comme on appelle les duos d’aujourd’hui. Dans La guerre Sybil, Halo Maud vient chanter une conversation batailleuse sur des notes groovy et futuristes. Puis Juliette Armanet rejoint notre chanteur coolos sur Single. Une cassette dans un vieux walkman diffuse alors un dialogue aussi profond qu’auto-dérisoire sur la solitude et la quête de succès. Pendant qu’il dit de sa voix suave ses rêves de gloire, elle siffle le refrain nous emmenant danser dans un champ de coton, ou bien de tournesols, comme on en voit fleurir sur les papiers peints des années 80.

La balade ensoleillée touche à sa fin et il nous faut faire des choix. Tâche ô combien difficile car tout le monde sait que choisir c’est renoncer, mais aussi parce que décision prise rime souvent avec regret instantané pour les indécis anonymes. Dans Le choix, le chanteur aborde cette difficulté universelle avec douceur et légèreté. Un morceau à la fois dansant et rayonnant, teinté d’une deep house énergétique et onirique. Fini la déconne sonne la fin de cette joyeuse promenade. Sur ce titre aux sonorités chaloupées, Ricky Hollywood fait la liste de ses bêtises et prend de bonnes résolutions. Il semble même développer la main verte, ce qui est une réelle preuve de maturité, paraît-il.

Cet album aux sonorités pop et aux textes doux et ironiques confirme une fois encore sa place sur la scène musicale française. La solution idéale pour s’offrir un peu du printemps que 2020 nous a volé, et pour flanquer un coup de panache à cette fin du monde.


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