Roberto Cicogna envoûte les papillons à Pete the Monkey
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Auteur·ice : Joséphine Petit
08/01/2025

Roberto Cicogna envoûte les papillons à Pete the Monkey

| Photos : Anoussa Chea pour La Vague Parallèle à Pete the Monkey

Alors que notre festival chouchou vient d’annoncer s’accorder une année de pause, rien de mieux pour noyer notre tristesse que d’y replonger tête la première avec Roberto Cicogna que nous y avons rencontré l’été dernier. L’artiste milanais, parisien d’adoption, ouvrait alors le bal de la dernière journée de Pete the Monkey avec son premier album, Saluti da Parì, dans une ambiance heureuse et champêtre de début d’après-midi.

Sur le littoral normand, on a parlé langue maternelle, culture italienne et entourage, jusqu’à ce qu’il nous dévoile lui-même la meilleure surprise de la programmation du festival cette année. Sans oublier les géniales soirées Luna in Pesci, dont la prochaine avec lui-même, Los Fanfarons, Laure Briard et Dente à l’affiche aura lieu ce jeudi 9 janvier au Hasard Ludique. Raison de plus pour se replonger dans le disque qui a bercé notre dernier printemps.

La Vague Parallèle : Salut Roberto, on se retrouve juste après ton concert à Pete the Monkey. Comment tu te sens aujourd’hui ?

Roberto Cicogna : Je suis très content, je me sens bien. Il y a eu la décharge d’adrénaline et j’ai eu ma dose de dopamine. Ça fait partie des festivals que j’avais vraiment envie de faire, que j’ai toujours un peu suivis.

LVP : Tu étais déjà venu ici ?

Roberto : Non, jamais ! Mais en tant que musicien, c’est chouette. En plus, quand on ouvre la danse, on ne sait pas trop à quoi s’attendre. Finalement, les gens ont commencé à s’approcher, c’était très agréable.

LVP : C’était très doux comme moment, le public dansait et avait l’air heureux. Il y a même des papillons qui se sont posés sur le crash barrière pour t’écouter. 

Roberto : Oh non, j’ai pas vu ! J’aurais adoré remarquer ce détail.

LVP : C’est la première fois qu’on se rencontre en interview pour La Vague Parallèle. Est-ce que tu pourrais nous présenter ton projet pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore ?

Roberto : Je chante sous mon nom et j’ai sorti en janvier mon premier album qui s’appelle Saluti da Parì. Ça fait un petit moment que j’habite en France, j’avais avant un autre projet en anglais qui s’appelait Oh! Pilot. Suite à certains évènements et des envies artistiques, j’ai décidé de chanter en italien, de prendre la parole dans cette langue.

LVP : Tu as d’ailleurs fait le lien entre les deux projets avec le morceau Lol Parade (Moon in Pisces), que tu joues désormais en italien. 

Roberto : Oui exactement ! En fait j’étais censé sortir un EP en tant que Oh! Pilot au moment de la pandémie, mais tout s’est arrêté. C’est là que j’ai commencé à écrire pas mal de morceaux en italien. En 2021, j’ai sorti mon deuxième EP avec Oh! Pilot en 2021. À ce moment-là, le label n’avait pas forcément donné son go pour le projet en italien, iels étaient plus emballé·es par l’anglais. Iels trouvaient qu’il manquait une chanson plus up tempo dans l’EP et moi j’avais déjà enregistré des démos de Moon in Pisces et Luna in Pesci qui existait dans les deux langues. J’ai eu beaucoup de chance parce que c’est pas évident d’adapter de l’italien et de l’anglais niveau métrique.

C’est le moment où j’ai traversé un pont dans ma tête. J’ai fini par préférer la version italienne à la version anglaise. Sauf que ça faisait bizarre de sortir un EP en italien avec un style de musique un peu différent en tant que Oh! Pilot. J’avais toujours eu peur d’utiliser mon nom à moi, mais là ça devenait tellement personnel que ça ne pouvait qu’être Roberto Cicogna. Je suis content que le label ait fini par comprendre la valeur artistique.

LVP : Maintenant que tu es retourné à l’italien, est-ce que tu considères que seule une langue maternelle permet parfois de s’exprimer avec assez de nuance et de profondeur en fonction des sujets ?

Roberto : Oui. J’aime penser que j’ai un très bon niveau d’anglais. Je l’ai étudié, j’ai vécu en Écosse, j’ai pas mal d’ami·es anglais·es. Je me suis toujours dit que j’assurais dans cette langue. Mais quand je suis passé à l’italien, même si c’est pas évident de changer de langue, je me suis effectivement rendu compte que j’y trouve une liberté dans les nuances que je n’ai pas en anglais. Il y a beaucoup de jeux de mots drôles dans mon album que je n’aurais pas su faire en anglais. La voix change aussi, c’est plus riche et chanter dans ma langue m’a aidé à gagner en légitimité. Je n’ai plus rien à cacher, d’où le fait de chanter sous mon nom à moi.

LVP : Ces dernières années, on voit une vague de musique italienne – ou du moins en italien – faire son petit chemin en France. On pense à Ada Oda, Post Nebbia ou encore Leatherette en rock, Dov’è Liana avec qui tu partages l’affiche ici en électro, à Andrea Laszlo de Simone, Edoardo Florio Di Grazia ou encore Andrea Poggio en chanson pop. Est-ce que tu t’associes à ce mouvement ?

Roberto : Oui, j’ai adoré Uomo Donna, le premier album d’Andrea Laszlo de Simone et j’aime tout ce qu’il a fait depuis. C’est génial. Je me souviens qu’en écoutant ce disque, je m’étais dit que ça sonnait très italien, mais à la fois très international, totalement légitime en dehors de l’Italie. Je ne peux pas dire que ça m’a inspiré, mais plutôt ouvert les yeux sur le fait qu’on puisse atteindre l’étranger avec sa propre langue. C’est un momentum intéressant pour la musique italienne, il y a une niche et des adeptes à l’étranger.

Iosonouncane a joué à Paris il y a quelque temps, il y avait du monde et pas que des Italien·nes, alors que c’est souvent le contraire.

LVP : D’ailleurs il y a même eu un festival de musique à Paris, le Fiore Verde.

Roberto : Oui, et le label Bomba Dischi organise aussi des soirées au Trabendo et au Cabaret Sauvage, avec des artistes comme Calcutta.

| Photo : Anoussa Chea pour La Vague Parallèle à Pete the Monkey

LVP : Ton premier album à toi, Saluti da Parì, est sorti en janvier dernier. Avec un peu de recul, comment as-tu vécu cette sortie ?

Roberto : Je l’ai bien vécue, mais au moment de la sortie, j’ai failli ne pas en profiter car ça traînait depuis longtemps. Il y a des chansons comme Lucia que j’ai écrites en 2019. On a fini les enregistrements de l’album fin 2022 et on a eu le master en 2023. Ça s’est beaucoup étalé dans le temps.

LVP : Et ces chansons, elles ont toujours autant de sens pour toi ?

Roberto : Alors oui, ça a failli éteindre la flamme. Mais avec la sortie de l’album, je me suis un peu plus produit sur scène à Paris, les chansons ont commencé à passer à la radio. J’ai senti que ça ne pouvait pas être une sortie sous les feux d’artifice car personne n’attendait réellement ce disque, mais ça m’a permis d’enclencher plusieurs choses pour la suite. C’est comme aujourd’hui à Pete the Monkey, on a ouvert le bal, il n’y a pas beaucoup de monde, mais les gens te rejoignent au fur et à mesure. Ça ne peut que monter. Je vois la sortie de mon album de la même manière.

LVP : Au fil de l’album, on passe de morceaux plutôt pop et entraînants comme AutostradaLuna in Pesci et Lucia à des titres plus calmes et contemplatifs avec Questa non è per te et Il portiere. Peut-on dire que ce disque représente une introduction aux différentes facettes de ton projet par les émotions et les genres qu’il convoque ?

Roberto : Oui, complètement. Dans le sens où mes premiers crushes musicaux, ça reste Nirvana, Pearl Jam, Alice in Chains… J’adore quand on joue l’album live parce qu’on peut assumer encore plus le côté un peu rock. J’adore aussi les Beatles, qui sont une autre inspiration. Le fait d’avoir des morceaux avec du piano et d’autres choses plus dansantes, ça résume bien tout ce que j’écoute.

J’ai une connaissance spotifyenne de l’époque d’Elton John ou encore Fleetwood Mac des années 80-90 où il y a beaucoup de claviers, mais quand même une basse un peu vénère, une batterie très entraînante… Ça m’inspire beaucoup en général, et quand j’ai composé l’album, je trouvais qu’on manquait de ça dans ce que j’entendais à la radio. C’est pour ça que j’ai voulu qu’on retrouve tout ça dans le disque.

LVP : Dans ton entourage musical, on trouve de beaux noms comme celui de Lonny, qui a fait les chœurs sur l’album, là tu portes un tee-shirt des Clopes et il me sembles que tu es aussi proche d’eux. 

Roberto : J’ai eu le plaisir de chanter avec Les Clopes au Bataclan sur une chanson. J’ai pu adapter Téléphone Cellulaire en italien. Kim, le chanteur, aka Guillaume Patrick ou Patrick Guillaume, je me souviens plus (rires), m’avait demandé d’adapter la chanson car il a des origines italiennes. J’ai essayé de garder le côté parodique de la chanson, mais je n’étais pas satisfait. Donc j’ai fait une autre version en laissant tomber le second degré et il a adoré.

LVP : C’est important pour toi de s’entourer d’artistes et de personnes de confiance pour mener à bien tous tes projets ?

Roberto : Oui parce que je ne peux rien faire tout seul. Je veux dire aujourd’hui, on peut écrire, enregistrer, faire plein de choses seul, mais sans les musicien·nes on est rien.

LVP : Justement pendant ton concert, tu les as présenté comme tes amis et tu as précisé que c’était toujours ton moment préféré du show. 

Roberto : Oui, parce que ce sont de super musiciens qui ont plein de projets. Ils sont très disponibles, on a fait des scènes ensemble dans les pires conditions et ils étaient là. J’ai beaucoup de gratitude envers eux parce qu’ils adorent le projet et qu’on est amis. Heureusement, dernièrement les plans sont mieux et c’est un plaisir. Dans ma tête, c’est un projet solo, mais on amène en live un son beaucoup plus band.

J’ai la chance de connaître pas mal d’artistes après quelques années à Paris, et ça me permet aussi d’avoir un crew et du feedback. Je manquerais cruellement de motivation sans ça.

LVP : D’ailleurs, tu peux nous parler un peu plus des soirées Luna in Pesci que tu organises avec Cléa Vincent ? Il me semble que la quatrième a eu lieu en juin dernier à la Marbrerie.

Roberto : Avec Cléa, on voulait organiser des concerts et c’est elle qui a eu l’idée d’appeler ces soirées ainsi. J’avais pas l’égo d’imposer ce titre (rires). Mais je pense qu’elle a bien vu, c’est un chouette titre. L’idée, c’est de faire des soirées qui nous ressemblent, d’inviter des artistes franco-italiens qu’on adore. On a fait quatre éditions : trois dates au POPUP! et la quatrième à la Marbrerie. J’ai pu inviter deux artistes italiens qui s’appellent Emma Nolde et Alberto Bianco qui ont adoré. On avait aussi Pol, qui est un groupe hollandais. C’était presque un mini festival. On va aussi faire d’autres évènements pendant les JO, où des artistes italiens et français vont jouer sur scène.

Et on prépare les prochains Luna in Pesci pour la rentrée. On veut continuer à en faire parce que ça nous permet de rencontrer énormément de gens. On a eu aussi Matías Enaut, Myrto, Roma Luca… Et on a toujours Los Fanfarons en résidents évidemment (rires).

LVP : C’est donc la première fois que tu viens à Pete the Monkey, le paysage normand se rapporte un peu au côté champêtre de la pochette de l’album. Tu collabores depuis le début avec une photographe milanaise Agnese Carbone, dont le très beau travail s’amuse avec des jeux de perception comme sur Solo in un caffè et L’isola de Matteo. C’est important pour toi de garder une certaine cohérence dans les visuels d’un même projet ?

Roberto : Oui, parce qu’avec Agnese, c’est la première fois que j’ai eu le courage de contacter quelqu’un dont j’admirais le travail. Elle a suivi le projet depuis le début avec Oh! Pilot, elle a vu toute ma démarche artistique. Elle est très jeune et super talentueuse. Elle avait un super niveau à l’époque et elle a grandi depuis. Quelque part, on a un peu fait notre chemin ensemble.

C’est important parce qu’on se connaît. C’est plus facile une fois qu’on sait ce qu’on veut, je n’ai rien à redire sur son travail. On parle beaucoup d’image aujourd’hui, c’est même too much, mais les visuels arrivent avant la musique. Ça a toujours existé et ça fait partie de l’histoire. Je suis très fier de la pochette que je trouve très belle.

LVP : Pour finir, est-ce que tu peux nous confier un coup de cœur dans la programmation du festival ?

Roberto : Alors oui, mais je ne sais pas si c’était hier et que je l’ai raté parce que je n’ai pas regardé, je suis une quiche (rires). C’est Altin Gün.

LVP : C’était même avant-hier !

Roberto : Voilà. Après j’aime bien aussi Dov’è Liana, mais c’est pareil. Et ça peut sonner un peu corporate mais il y a Los Fanfarons en dj set ce soir qui ont été ajouté·es à la programmation en dernière minute.

LVP : Ah bon ?? Iels jouent où ?

Roberto : Je ne sais plus quelle scène, mais ce sera un dj set un peu live avec leurs morceaux, d’autres artistes et ils jouent dessus. Ce sont de super musiciens. En plus ils ont produit mon prochain morceau. J’aurais voulu qu’il sorte cet été mais ce sera plutôt pour bientôt. Le temps que je travaille mon prochain album, j’ai décidé de faire quelques sorties vagabondes, indépendantes. Ce morceau sera beaucoup plus électro, donc ainsi ça me permet de ne pas me mettre trop de barrières niveau style.

J’ai amené un guitare-voix en studio et ils ont attaqué directement avec des claviers électro house. C’était chouette et du coup on y est allé·es ! Alors que si on était déjà au cœur du développement d’un album, on n’aurait peut-être pas osé.

LVP : On est très curieux·ses d’entendre ça !

| Photo : Anoussa Chea pour La Vague Parallèle à Pete the Monkey

 

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