Inarrêtable, le producteur français reprend à nouveau son album Room With a View, après l’EP de reprises Views of a Room. Cette fois-ci, il n’a pas fait appel à des producteur·rices pour le remixer, mais à ses ami·es chanteur·euses pour ajouter une partie vocale. Et comme à chaque fois, ça fait mouche.
Recycler un album, ça semble normal lorsque le producteur en question s’est fortement engagé dans la cause environnementale. L’album Room With a View en lui-même incarne cette lutte via les titres de ses morceaux ou son passage vocal reprenant Alain Damasio et Aurélien Barrau. Rone n’a pas hésité à décliner son œuvre sous toutes ses formes : d’un spectacle de danse à la base qu’il publiera en avril 2020, à un album de remix, puis à ce magnifique Rone & Friends.
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Il y a quelque chose de surréaliste chez Rone, ces derniers temps (et même depuis longtemps), il excelle dans tout ce qu’il produit. Son album de 2020 a été acclamé par la critique, son spectacle a connu le même sort et devrait d’ailleurs retrouver un public dans le futur. Et on ne peut évidemment pas passer à côté de ce César de la meilleure bande originale pour le film La Nuit Venue. Ce nouveau projet ne passe pas à côté de la patte de génie d’Erwan Castex (évidemment pas de lien avec Jean).
Il démarre sur les chapeaux de roues avec les Bordelais d’Odezenne qui, on doit le dire, nous laissent pantois face à la force de Sot-l’y-laisse. C’était un morceau qu’on attendait avec impatience tant on savait à quel point le mélange de leurs deux genres pouvait marcher, on n’a pas été déçu·es. Les frissons parcourent déjà notre corps après deux minutes, jusqu’où vas-tu nous emmener Rone?
L’album nous fait traverser une multitude de styles, différents univers. On aurait presque du mal à croire que toutes les pistes ne viennent que d’un seul album de base tant l’éclectisme du résultat nous éblouit. On passe par la sorte de pop déguisée typique de Georgia, le nihilisme d’un morceau très actuel avec l’animatrice de l’émission Echoes d’Arte, Jehnny Beth, les errances amoureuses de Dominique A, la singularité de Flavien Berger… On retrouve aussi Malibu, qui figurait déjà sur l’album de remix sous son alias DJ Lostboi, la talentueuse Yael Naim, Alain Damasio, qui lui figurait sur l’album d’origine aux côtés d’Aurélien Barrau, mais aussi Mood, Camélia Jordana, Casper Clausen, Roya Arab et celle qu’on a notamment découvert dans le dernier album de Gaël Faye, Mélissa Laveaux. Mais ce qui frappe dans cet album, c’est le dénominateur commun qu’ont tousstes les ami·es de Rone y figurant : la poésie. Les douze pistes forment un enchevêtrement de mots bien placés, de subtiles figures de style, de cadavres exquis, de mots qui, l’un après l’autre, font sens. Combinés à la musique du producteur français, tous les morceaux sonnent comme une évidence.
Rone & Friends nous plonge durant trois quarts d’heure dans une atmosphère en dents de scie. On expérimente l’amour dans Un, la tristesse dans Et le jour commence, la puissance dans Sot-l’y-laisse, la mélancolie dans La Nuit Venue, la nostalgie même dans Polichinelle… L’œuvre est un melting pot d’émotions.
Et puis, si on va au-delà, cet album ne serait-il pas l’allégorie d’un monde en bonne santé (puisse-t-il en exister un quelque part) ? Un monde où l’amitié forme des choses vraies, des choses qui ont du sens, des belles choses pour le dire plus simplement (et au risque de paraître niais). Rone a pris le temps d’un album pour nous présenter les personnes qui portent le mieux sa musique sur leurs épaules pour l’emmener vers leurs univers. On passe de noms qu’on connaît très bien comme Camélia Jordana, Odezenne, Georgia ou encore Flavien Berger, à des figures beaucoup moins connues : Laura Etchegoyhen, Malibu, Roya Arab… Au-delà d’un album, c’est une vitrine d’artistes talentueux·ses que Rone nous suggère d’apprendre à connaître.
La formule du producteur, nous offrir tant à partir d’un seul album, fonctionne à merveille. Il faut un sacré don pour arriver à toucher juste à chaque fois, peu en sont capables à vrai dire. À croire que tout ce que touche Rone devient or.
J’aime passer de la musique en soirée mais mon goût musical décline généralement au fil des bières.
