Room with a View, le manifeste de Rone
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Auteur·ice : Guillaume Scheunders
25/04/2020

Room with a View, le manifeste de Rone

Rone nous ouvre sa fenêtre sur le monde, pour nous proposer le cinquième opus de son aventure musicale : Room With A View. Un disque où l’on retrouve les compositions de son ballet électronique, qu’il a présenté au Théâtre du Châtelet début mars, en collaboration avec (La)Horde et le Ballet National de Marseille.

Après Mirapolis, Rone effectue un virage à 180°, pour revenir à ses premiers amours. Un retour aux sources à coups de minimale et de mélodies lumineuses, comme il a pu si bien le faire par le passé. Room With A View est en quelque sorte un manifeste dans lequel il met à nu son ressenti sur le monde d’aujourd’hui, avec un point de vue environnementaliste qui lui tient tellement à cœur. 

Erwan Castex est l’un de ces artistes qui arrivent à remplir leurs morceaux d’émotion, à tel point que l’on ressent chaque pointe de stress, de joie, de mélancolie ou d’espoir dans chacun de ses morceaux. Dans ce disque créé avant tout pour son ballet électronique, qu’il a pu présenter pendant près de deux semaines au Théâtre du Châtelet, Rone a décidé de creuser la thématique de l’environnement au maximum. Là où il y a de quoi être alarmiste, il se veut optimiste. On peut l’entendre dans l’une des véritables perles de l’album, Nouveau Monde, où il inclut un dialogue plein de sens entre le scientifique Aurélien Barrau et l’écrivain Alain Damasio.

L’album est une vraie piste de réflexion en lui-même, rien que par les titres des morceaux. Le Crapaud Doré, qui est en réalité la première espèce animale à s’être éteinte des suites du réchauffement climatique, la Solastalgia, un concept récent qui décrit l’impact psychologique causé par la détérioration de l’environnement, mais aussi Gingko Biloba, l’une des espèces d’arbres les plus anciennes, à laquelle on trouve énormément de vertus, notamment médicinales. Room With A View est dès lors un symbole, celui d’un retour à la nature, à la terre, à la pureté en général. Un discours qui résonne encore plus fort en ces temps de confinement, qui nous font prendre conscience qu’un ralentissement de notre façon de vivre est nécessaire. Composé en partie complètement isolé de tout, dans un domaine de George Sand du centre de la France, le disque transpire cette inspiration venant des arbres de la propriété. Sans oublier la patte classique de Frédéric Chopin, le célèbre amant de la propriétaire.

Le titre de l’album évoque la vision que nous avons du monde, en tous les cas celle que nous choisissons d’avoir. Il veut nous faire comprendre que nous possédons tous cette fenêtre sur l’extérieur, cette lucarne sur laquelle on place des filtres pour obtenir la vue qui nous plaît le plus. Avec ce cinquième album, Rone nous livre peut-être son œuvre la plus engagée, celle qui colle le plus à son image. 

Ballet électronique

Trois ans après son expérience à la Philharmonie de Paris, Rone était de retour sur une scène classique, grâce à une carte blanche accordée par le Théâtre du Châtelet. Un défi pour le producteur, depuis toujours attiré par la danse mais novice dans le milieu. Il a donc composé en étroite collaboration avec les danseurs du Ballet National de Marseille, que l’on entend d’ailleurs sur plusieurs morceaux, et le collectif (La)Horde. De cet échange est sorti Room With A View : des morceaux et des rythmes épurés, pour faciliter l’expression des danseurs. Le spectacle est le véritable choc de deux mondes, la grâce et l’élégance du ballet confrontés aux rythmes puissants de la musique électronique. Le résultat a visiblement bluffé les chanceux ayant pu assister aux représentations auxquelles on aurait tant aimé assister. La tournée initialement prévue est malheureusement reportée en attente de jours meilleurs. D’ici là, nous pouvons nous consoler avec le bijou que Rone vient de nous offrir.