Rosalía aux mains d’argent
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
18/07/2019

Rosalía aux mains d’argent

Belle et rebelle, c’est la nouvelle sensation musicale qui affole les médias et enflamme les scènes du monde entier. Cette perle de 25 ans seulement s’est profilée dans le paysage musical international il y a peu mais a déjà imposé sa patte particulière et son esthétisme pointu. Tout ce qu’elle touche est d’or et reflète une véritable vocation artistique mêlant l’authenticité et le classicisme du flamenco hispanique aux excentrismes de la musique urbaine. À l’occasion de la sortie de son mini EP F*cking Money Man, on dresse le portrait de la prouesse musicale la plus audacieuse de cette année.

Malamente, son gros coup. Au rythme des palmas frénétiques qui composent l’instru du tube désormais culte de la jeune Rosalía, le morceau figure sur El Mal Querer, second album qui fait suite à Los Ángeles, premier projet plus discret mais qui valut tout de même à la chanteuse d’attirer regards et oreilles. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on a vu et entendu des merveilles sur ce second opus de 11 titres aussi vivants les uns que les autres, vaguant entre textures hasardeuses et mélanges explosifs. Une couleur rouge pourpre semble habiter chacune des compositions de l’album et l’ardeur de l’espagnol donne à ce lyrisme poétique une chaleur enivrante. Poète des temps modernes, il ne faut pas forcément pratiquer la langue pour se laisser percuter par la ferveur de ses lignes. Tout est question d’attitude, de rythme et de tonalité : des éléments que la petite prodige manie avec une aisance folle pour donner vie à cet alter ego énigmatique au talent indéniable.

Une image de bimbo latina qu’elle entretient avec malice pour démontrer qu’au-delà de la superficialité de ce look extravagant se cache une volonté de transmission artistique, de partage créatif et d’effervescence musicale. Car c’est par cette musique si singulière qu’elle gagne nos cœurs. Lorsqu’on se surprend nous-même à s’évader sur les vocalises presque religieuses de Reniego, lorsqu’on se familiarise avec les hispanismes traditionnels des productions telles que Que No Salga La Luna ou lorsqu’on s’attache aux saveurs andalouses de l’ensemble de sa discographie, c’est ce que l’on appelle un pari gagné pour l’expérimentatrice. Elle qui jouait si gros en proposant une musique si profondément enracinée dans le traditionalisme espagnol à une industrie musicale aussi homogénéisée.

Pour ainsi contrebalancer son style et séduire une sphère plus mainstreamRosalìa s’est donc essayée à l’exercice périlleux du mélange osé entre l’insouciance d’une pop acidulée et colorée et la discipline tendue des sonorités locales qui l’ont bercée. Un défi relevé à quatre mains avec son fidèle acolyte El Guincho, producteur avant-gardiste omniprésent sur les œuvres de la chanteuse. Le résultat est une fraîche vague d’énergies diverses. De la douceur avec Bagdadqui s’approprie avec subtilité le légendaire Cry Me A River de Justin Timberlake. De la puissance avec De Aquí No Sales, de la légèreté avec Pienso En Tu Mirà ou encore une profusion dansante de soleil avec Aute CutureDes titres qui rendent le registre parfois étriqué de la jeune latine un peu plus accessible, lui permettant ainsi d’accéder à ce statut si convoité de pop star et de côtoyer les plus grands. C’est d’ailleurs aux côtés de pointures remarquables que la brune sulfureuse a aussi fait ses preuves ces derniers mois, en s’invitant notamment sur l’incroyable dernier album du grand James Blake pour contribuer à l’intensité de Barefoot In The Park. C’est aussi avec la sensation reggaeton J Balvin qu’elle auréolait la musique hispanique par son vibrant Con Altura, succès franc qui cumulera près de 560 millions de vues en quelques mois seulement.

Pour ces deux dernières sorties, la poète traite du sujet houleux qu’est l’argent dans nos sociétés actuelles et se met en scène dans une émission télévisée aux saveurs de facticité et de capitalisme anxiogène. Un visuel intelligent qui met en images le jovial Millionària à la fibre feel good et aux “Fucking money, man!” exaltants. Le second morceau s’appelle Dio$ No$ Libre Del Dinero et redescend en pression pour laisser place à la voix si frissonnante de Rosalía qui s’emballe sur des lignes pleines de sens et sur la délicatesse d’un piano bienveillant. La jeune Catalane subjugue par l’expansivité de son univers, le culot de ses compositions ou le mysticisme de son personnage et remet au goût du jour les sonorités espagnoles d’un flamenco qui n’a visiblement pas dit son dernier mot. Olé !

 

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