Rose Rouge : le retour jazzy de Jorja Smith
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
10/06/2020

Rose Rouge : le retour jazzy de Jorja Smith

Début de l’année 2018, on misait déjà une pièce sur la bonne élève de la soul anglaiseet le temps a visiblement bien fait les choses ! Forte d’un parcours sans faute, en ramenant sur le devant de la scène une musique de voix et surtout des sentiments, Jorja Smith est parvenue, avec son premier album Lost & Found, à redéfinir les traits de la musique soul britannique. À l’occasion de la sortie d’une compilation signée Blue Note Records, la chanteuse revisite un classique du monde jazz, en y insufflant son caractère voluptueux. Dans l’attente (interminable) de l’annonce d’un second album, on se régale avec cet alter ego 100% jazz de la nouvelle reine de la soul. Le meilleur des deux mondes !

Faisant suite à son ultra-efficace Be Honest (partagé avec le maître de l’afrobeat Burna Boy), cette nouvelle sortie prouve bien la versatilité de Smith, qui passe d’un tube R’n’B chaloupé et brûlant à une brillante exécution minimaliste réunissant toute la finesse du jazz. Un exercice auquel elle s’était d’ailleurs déjà essayée par le passé, notamment aux côtés de ses fidèles comparses de chez Ezra Collective, pour qui elle s’invitait sur Reason In DisguisePlus récemment, elle était invitée (aux côtés de Sopico ou encore St. Vincent) par le prestigieux producteur Glen Ballard pour poser sa voix sur la bande-originale de la série The Eddy, réalisée par Damien Chazelle (La La Land). On découvrait alors sur Kiss Me In The Morning l’alchimie parfaite entre son timbre chaud et la ferveur d’une composition jazz. Ce n’est donc pas réellement une surprise de la voir aujourd’hui à l’œuvre sur cette compilation d’exception.

“Honoured to be involved on this Blue Note album to rework St Germain’s anthem Rose Rouge. And with such an array of wonderful musicians on the album, including my brothers Ezra Collective.”

Un projet initié par Blue Note Records, mythique label new-yorkais qui nous offrait tout dernièrement l’excellent What Kinda Music de Tom Misch et Yussef Dayes, réunissant le meilleur du jazz contemporain dans un album grand cru. À l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du label, c’est à travers une compilation de reprises intitulée Blue Note Re:Imagined que la boîte célèbrera le retour en force de la musique jazz sur la scène musicale actuelle. Une façon aussi pour elle de faire honneur à cette scène britannique florissante qui, ces dernières années, a fortement aidé le style à se redévelopper, allant même jusqu’à influencer la scène américaine, berceau de la musique jazzSmith sera donc accompagnée, entre autres, de la sensation Poppy Ajudha, de la saxophoniste Nubya Garcia ou encore du virtuose Alfa Mist. De quoi languir d’impatience jusque septembre, date de sortie du projet.

C’est Rose Rouge, monument du jazz-French touch signé St Germain, qui s’offre le luxe d’être retravaillé par la musicienne. Sortie en 2000, cette pépite marquait aussi les premières bribes du savant mélange entre musique organique (jazz) et électronique (deep house), ouvrant la voie à un genre popularisé par des noms tels que Parov Stelar ou Caravan Palace. Pour cette reprise, Jorja Smith décidera de troquer les étourdissantes lignes en ritournelle de la version originale contre une composition vaporeuse voire rêveuse. Une atmosphère que l’on ressent dès le début du morceau, sur lequel les vocalises célestes de la cantatrice viennent ruisseler le long d’une pluie éthérée de notes de piano. Le reste du morceau s’appuie sur une exécution live, reflet délicieux de spontanéité et d’improvisation propres au genre jazz, dont les synthés brumeux et mystiques donnent la réplique à des effusions de saxophone à l’effet vintage. Les “I want you to get together” (initialement interprétés par la légendaire Marlena Shaw) se voient ici susurrés par Smith, pour ponctuer cette effervescence instrumentale alléchante. Une chose est sûre, la curiosité musicale de la Britannique n’annonce que du bon pour la qualité de son deuxième album, attendu de pied ferme par tout·e bon·ne mélomane qui se respecte !

© Photo : Sarah Lee pour The Guardian

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