run SOFA – Face It : la purge musicale façon Charlouze
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Auteur·ice : Augustin Schlit
28/10/2021

run SOFA – Face It : la purge musicale façon Charlouze

Les Anglais·es ont parfois le don d’être énervant·e·s, tant iels semblent toujours en avance sur leur temps en matière de musique. Et pour cause, après avoir été le terreau duquel a émergé une tripotée impressionnante de projets ayant remis le jazz au cœur des négociations, voilà qu’iels remettent ça en donnant naissance cette fois à certaines des meilleures formations rock de la décennie. Avec de tels arguments, on serait bien tentés de leur accorder le monopole de cette nouvelle vague post-punk qui nous a offerts, en 2021 seulement, trois des disques de rock dur les plus fascinants de ces dernières années. Et pourtant, quand on se donne la peine de regarder de notre côté de la Manche, on se rend compte qu’on n’a pas forcément à rougir de nos artistes locaux. La preuve avec ce nouvel opus signé run SOFA.

Bon, il faut tout de même avouer que les deux cousins ne nous aident pas à éviter la comparaison. Loin de se cacher de ces influences d’Outre-Manche, ils affirment haut et fort s’inspirer de groupes comme Shame ou Black Midi. No shit, Même l’accent y est. En même temps, pas besoin de chercher bien loin pour trouver des liens de parenté entre l’Angleterre et notre cher Hainaut. Ces terres rongées et recrachées avec dédain par une révolution industrielle qui semble désormais fort lointaine alors que nos générations en payent encore les frais.

 

Sur Face It, on est heureux de constater que les deux cousins qui composent run SOFA ont décidé d’incarner totalement cet héritage industriel. Là où Say. révélait un duo en pleine phase d’exploration, oscillant entre ses inspirations rap et post-punk, les mélodies simples et les tirades lyriques, laissant parfois l’auditeurice sur le carreau, Face It fait preuve d’une cohérence à l’épreuve des balles. En effet, c’est ici une approche bien plus assumée et directe qu’aborde le groupe, permettant ainsi à son public de s’imprégner pleinement de l’univers du duo, désormais complètement à l’aise dans ses baskets.

D’ailleurs, quand on y réfléchit bien, il est impossible d’accoucher d’un disque pareil sans une sacrée dose de confiance en soi. Sur Face It, tout apparaît comme le résultat d’un travail minutieux d’épuration, et finalement de ne garder que l’essence même du message de chaque titre, pour un rendu final encore plus percutant. Pas question ici pour qui que ce soit de tirer la couverture à soi, chaque instrument est au service d’un tout. Cette basse inlassable et presque nonchalante, ces riffs de guitares minimalistes et hypnotiques et enfin cette voix qui vient donner toute sa brutalité au disque. Le moment semble d’ailleurs tout indiqué pour souligner le gros boulot abattu par Antoine (chant) pour donner à sa voix l’aplomb qui pouvait parfois manquer sur Say.

 

Ce qui nous amène à la deuxième caractéristique qui fait tout le sel de la musique de run SOFA, la décomplexion avec un grand D. Déjà bien ancrée dans l’ADN du groupe depuis ses débuts, cette dernière prend ici une tout autre dimension, donnant ainsi naissance à quelques moments d’anthologie. On pense notamment à ce fameux Stupid Turd, point culminant d’une tracklist qui place la répétition au cœur de son argumentaire. Et là où, comme pour le reste, cette figure de style pourrait atteindre la limite du supportable, elle est ici suffisamment bien amenée pour garder toute sa saveur.

 

En poussant la logique du Less is More jusque dans ses retranchements, run SOFA fait preuve d’un jusqu’au-boutisme qui force le respect. Surtout, on reconnaîtra au groupe une capacité non négligeable à jouer sur le fil sans jamais nous amener à saturation, rendant leur musique sombre et fun à la fois, à l’instar de l’image de clowns tristes qu’ils arborent dans le clip de I Point The Finger. Alors certes, le style des deux cousins ne plaira pas à tout le monde et il faudra faire preuve d’une certaine patience pour se synchroniser avec leur délire industriello-minimaliste faussement simpliste. Mais que les choses soient claires, le jeu en vaut la chandelle.

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