Sacré : le couronnement du petit prince Georgio
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Auteur·ice : Paul-Louis Godier
15/05/2021

Sacré : le couronnement du petit prince Georgio

| Photo : Antonin N’Kruma

Il n’a pas l’habitude de s’éclipser aussi longtemps qu’il vient de le faire. Après avoir sorti XX5 il y a presque trois ans, Georgio est de retour. Plus lumineux mais toujours aussi vrai, le rappeur du 18ème est miraculé et la musique l’a sauvé. C’est en tout cas ce qu’il ne cesse de répéter depuis le début de sa carrière. Si toutes les questions qu’il se pose ne sont pas encore élucidées, une chose est sûre : Georgio confirme avec Sacré le rappeur et lyriciste qu’il est et que jamais il ne trahira son univers.

Guidé par le piano sur Miraculé, morceau introductif, Georgio ouvre son album par un réalisme cru ; faisant défiler des séquences de vie rappelant que la réussite et le bonheur sont “dans deux pièces différentes” : insaisissables. Ce premier titre se conclut sur un tableau évoquant la trahison. Amorçant l’importance de cette thématique dans l’album qui se prolonge avec Vers le haut. Comme dans un brainstorming intérieur, Georgio cite des fragments de vie qui ont conditionné son existence : la déception de certaines amitiés, comportements et choix.

 

Son amour pour la littérature et les grands poètes n’a pas changé, lui qui parsème son album de références aussi belles que techniques. Comme dans Je te dirai tout où il explique qu’il se sent inadapté au monde qui l’entoure même s’il possède les codes. Référence probable à Baudelaire, poète maudit, qui se compare à un albatros capturé par la cruauté humaine. Cette inadaptation au monde se poursuit dans Petit PrinceGeorgio se questionne sur ce qu’il l’est, sur ce qu’il veut être et sur qui va le suivre.  

J’ai pas mille cinq cent part’naires, j’fais ma musique avec le cœur

Faute de français, de grammaire, rej’té du système scolaire

Et j’m’endors avec Jay-Z et Jacques Prévert

Petit prince au beau milieu d’l’univers

La peur de l’échec et de la perte d’un proche sont deux aspects de la vie qui la rendent si précieuse et fragile. Avec Je te dirai tout, Georgio se remémore, d’un côté, les beaux moments qu’il a vécus dans une relation et de l’autre, le vide qu’il a ressenti lorsque cette personne n’était plus là. Le monde décrit par le rappeur dans cet album est pollué par certains comportements humains. Kamikaze invoque cette noirceur en soulignant deux paradoxes. D’un côté, l’envie de pouvoir vivre dans un monde meilleur alors que l’Homme ne cessera de se “fermer des portes à porter fièrement ses cultures et ses croyances”. De l’autre, le rapprochement de la mort causé par la peur de vivre. 

 

Proche du désert, un père et son fils se donnaient la main, ici on laisse crever les vieux

Tout va trop vite, le climat est hostile, l’air libre est toxique

Qui nous guide vers un monde meilleur ? Il n’y a qu’un kamikaze dans le cockpit

 

Les choix artistiques de Georgio sont cohérents notamment en termes de collaboration. Que ce soit avec S.Pri Noir, Kalash Criminel, Sanka et Zikxo, on ressent une véritable recherche que ce soit dans le propos ou dans les sonorités. Le dernier couplet de Georgio sur Parallèle pointe plusieurs constats alarmants : la crise sanitaire nous a privés de beaucoup de plaisir et de joie ; la société dans laquelle nous vivons, ronge la jeunesse. Cette jeunesse qui ne vit plus que par écrans interposés et qui s’asphyxie sur les réseaux sociaux et les écrans. Devenue inévitable aujourd’hui, cette dépendance détruit.

 

L’autre morceau fort du projet est sans aucun doute le featuring avec Kalash Criminel. Émotions masquées caractérise parfaitement le mélange entre chant et rap que Georgio met en avant tout au long du projet. La thématique est forte et la combinaison entre textes forts et pure kickage nous pousse à penser que les deux rappeurs se sont bien trouvés. 

La vie ou la mort, le vrai ou le faux, la réalité ou l’imaginaire, quelle est la frontière ? Rempli d’images contrastantes, excessives et aussi paradoxales que vraies, Sacré est un bel aboutissement artistique de Georgio qui, encore une fois, a eu tant de choses à nous dire. 

 

Article co-écrit par Giulia Simonetti et Paul-Louis Godier


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