Mystérieuse, excitante, intrigante, la nuit inspire autant qu’elle attire. Pourtant, aujourd’hui encore, lorsque le soleil se couche, l’espace public se transforme, les discriminations apparaissent et le vaste terrain de jeu que représente la ville n’est plus praticable pour toutes et tous de la même manière, en fonction de leur genre ou de leur orientation sexuelle.
C’est pour cette raison que l’association À Nous La Nuit ! organise, chaque année, une grande soirée qui mêle animations bienveillantes et line-up de qualité, pour faire progresser la cause de manière festive. L’année dernière, pour sa grande première, À Nous La Nuit ! s’était positionnée à l’avant-garde de la scène musicale française en invitant l’explosive Karoline Rose, la douce Blondino, la pétillante Julia Jean-Baptiste et l’étonnant FLAWD. Pour sa deuxième édition, le 21 octobre dernier, l’association a ainsi investi la Java, transformant l’ancien dancing de Belleville en havre bienveillant le temps d’une soirée. Côté programmation, elle a encore eu le nez creux. On vous raconte.
La soirée débute à peine lorsque Sarah Maison et son bassiste, Hedi Bensalem, se mettent en place. Au fond de la salle, la scène est changée en une sorte d’âtre rougeoyant par un revêtement aluminium qui reflète les néons rouges disposés tout autour. C’est dans cette atmosphère réconfortante que Sarah Maison a déployé sa pop aux accents orientaux pendant près d’une heure, offrant aux oreilles d’un public souriant des titres que l’on espère retrouver sur son EP, prévu pour 2018 : on est heureux d’entendre le planant Décroche-moi et le beau Western Arabisant, véritable quintessence de l’esthétique de l’artiste avec son synthé raï, ses percussions et son intonation presque théâtrale.
Pour la suite, personne ne s’y est trompé : le bassiste de Juniore avait beau arborer un accoutrement menaçant, masque noir et toge blanche passée sur un costume de squelette, il n’a pas gâché l’explosion de bonne humeur délivrée par le groupe emmené par Anna Jean. Quelques mois après la sortie de son premier EP Ouh là là et après avoir semé sa bonne humeur dans les festivals cet été, le trio (+ un squelette sur scène, donc) a conquis le public grâce à sa pop largement influencée par la musique des années 60, qu’on situerait, d’instinct, entre Brigitte et La Femme. De l’excité Panique au voluptueux A la plage en passant par les entraînants Difficile et Marabout, les riffs très rock’n’roll et le timbre de velours d’Anna ont été transcendés par une prestation joyeuse et bourrée d’énergie.
En bon habitué (il avait joué lors de la première édition de l’événement avec son projet FLAWD), c’est Florent Matéo, alias Virile, qui ferme la boutique. On doit admettre être intrigué : il faut dire que l’artiste se plaît à expérimenter et à brouiller les frontières des différents genres, tant dans son identité que dans sa musique. Épaulé par Marielle Chatain, Virile étonne par la puissance de sa voix androgyne, qui s’envole au gré du détonnant mélange produit par les deux compères, tantôt tiraillé par une agréable douceur pop, tantôt déchiré par de gros beats empruntés à la techno : on a hâte d’en voir davantage !
Parce que la nuit n’est pas faite que pour dormir, la soirée a été close par trois sets de DEBONAIR, RAG et Problèmes d’amour, qui ont escortés les noctambules les plus agités jusqu’aux premières lueurs du jour.
Pour tous les oiseaux de nuit, À Nous La Nuit ! accomplit une tâche essentielle : elle allume une lumière plutôt que de maudire les ténèbres, contribuant à faire de la nuit un moment ludique et agréable pour toutes et tous. Si en plus, l’association le fait avec de la bonne musique, on ne peut que saluer la démarche.
À l’année prochaine, À Nous La Nuit !
Pratiquant assidu du headbang nonchalant en milieu festif. Je dégaine mon stylo entre deux mouvements de tête.