Séduction sans filtre, Nerlov nous aime tous (ou presque)
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Auteur·ice : Clémence Maillochon
19/04/2020

Séduction sans filtre, Nerlov nous aime tous (ou presque)

Vendredi 10 avril, Je vous aime tous éclaire une vingtaine de minutes notre temps infini. L’agitation mise en boîte, l’hostilité laissée au-dehors, nous fermons les yeux et rencontrons Nerlov. On l’appelle ainsi à Angers ville. Là-bas, on le connaît. Il y mène plusieurs vies. Sheraf, VedeTT, San Carol, garage, psych-rock et méga pop. Mais aujourd’hui, Florent Vincelot écrit à la première personne l’acte de naissance dont la spleen wave se fait mère.

Je vous aime tous, dit-il. Nerlov dresse l’auto-portrait. Nerlov change d’astre sans ciller. Azur, bleu nuit puis azur puis bleu nuit, son ciel tourne au gré de ses perturbations. ‘By order of the Peaky fucking Blinders‘, addict et peu stable, voix délicate néanmoins mordante, il débite telle une comptine ses passions qui n’en sont plus le refrain suivant. Mollement, nos épaules flottent. Une nappe pose son voile céleste sur le chaos intérieur du bonhomme. Le nôtre aussi. Tendre, positif, dansant, malgré la vie. Singulier et authentique, parce que la vie. Légers, légers, nous suivons les traces laissées depuis Novembre dernier par notre dealer de flemmatonine. Évidemment en intraveineuse fige la matière grise encore endolorie par ces détresses familières et lancinantes. Une bonne came à l’odeur et la couleur des East-Coast Trap House d’Atlanta, additionnée à quelques molécules pop.

Dégénéré, Si on brûlait tout. Du constat à l’action. Dénoncer puis suggérer de tout radier, faire table rase. Si les basses tonitruantes, les mots brefs, graves, si un vent macabre souffle la première, la seconde affecte plutôt l’état d’urgence aux percussions afro-électro cognant aussi vivement que le sang contre les parois de nos crânes. STAV, tant résigné que Rezinsky, disons peu, balance son verbe d’un ton complice et monotone. Mecs déçus, déchus, repus de ce microcosme sans saveur qui ne recouvrerait son éclat qu’une fois allumée la cheminée.

Entre deux prophéties, nous empruntons le plus horizontal des versants. Une pente douce lo-fi, dévalée au côté de Parrad, coupable du vertige qui nous étreint à chaque descente. Le paysage alentour s’anime, hors d’atteinte. Engouffré dans l’estomac du divan, l’écho interne impose son besoin dangereux et impératif de faire prendre poudreuse aux sinus. Le sourire collé au portrait, la larme à l’œil et le majeur en l’air, l’homme épouse amoureusement cette posture un brun désinvolte. Remède à toutes les âmes esseulées, Piste Noire sert une atmosphère ouatée et langoureuse digne des contre-soirées.

Haut perchés, la chute est rude. Nous errons soudainement sur les sentiers goudronnés d’un ghetto. Quatre heures et le noir, deux tours face à face. À leur pied, l’appel de Nerlov s’envole, mêlé aux vapeurs des bouches d’aération. Aucune réponse. Aucune douleur. Mais une balafre planquée. Il ne reste qu’elle pour jouer. Finalement, Banksy sonne comme ces maux, les siens : « L’envie de détruire est aussi une envie créatrice ». Pourquoi ne pas en tirer avantage ?

Les rideaux virevoltent. Petit matin ou début d’après-midi, on ne sait plus bien. Nos paupières, caressées par la brise, cèdent au désir de revoir cette lumière oubliée. Un battement discret rythme notre éveil. Nous croyons même percevoir le bruit de l’eau. Limpide, tout est limpide. Promis, nous resterons désormais à l’écart de ce foutoir. Après tout, Je Ne Suis Pas Juge.

Assis au fond de la classe, le garçon plante son regard sur un monde perdu. Tout aussi esquinté, la pupille fixe et dilatée, Nerlov, pas méchant, chantonne. Sept pamphlets magnétiques aux allures de plaintes infantiles. Sept témoins d’un désordre ambiant, portés par des productions hautement justes et puissantes. Nous les repassons encore et encore. Puis, nous patientons, car nous savons que la suite sera belle.