Signe Balance (le son), ascendant vierge, votre horoscope annonce Une Nouvelle Chance
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Auteur·ice : Philomène Raxhon
02/05/2023

Signe Balance (le son), ascendant vierge, votre horoscope annonce Une Nouvelle Chance

Photo | Paul Marique

On ne va pas vous mentir, ça fait bien longtemps qu’on ne vient plus aux soirées. Pas que l’idée de se faire cracher dessus et monter comme une bourriche dans une fosse suante de club, où se mêlent maladies vénériennes et psychédéliques qui portent les prénoms des enfants de Grimes, ne nous réjouisse plus. Mais disons qu’on ne se rajeunit pas. Cet été, un groupe pourtant nous aura convaincu·es d’enfiler notre plus beau mesh top et d’abandonner notre chaise pliante de camping pour ce cauchemar épidermique qu’est la boiler room de Dour. Ce groupe, c’est ascendant vierge, duo composé de Mathilde Fernandez et Paul Seul et nouvel espoir de la techno francophone comme on n’en avait plus vu depuis Jean-Michel Jarre *vertèbre qui craque*.

Histoire de se débarrasser des banalités, on va le dire tout de suite : Mathilde Fernandez est la digne représentante d’une nouvelle génération désenchantée. Même timbre, même lyrisme, si la musique ne virait pas soudainement à un son trance hardcore, on jurerait écouter un album de Mylène Farmer. Il faut dire qu’ascendant vierge est un enfant du covid, torturé, né en 2019, à l’aube de la pandémie et de la fin de la fête, son essence même. Mais la comparaison ne s’arrête pas à la jeunesse des illusions perdues. Une Nouvelle Chance, premier album du groupe parisien, est habité par la même espièglerie que les textes de l’interprète de Sans Contrefaçon. Fernandez et Seul manient les mots comme si le vocabulaire n’avait pas de limites, manière de s’assurer que la fête ne s’arrête plus jamais.

Single dévoilé en amont de la sortie de cet album, À l’infini témoigne de cette tendance d’ascendant vierge à courber les mots dans d’impossibles formes, déformer les phrases en des incantations imprononçables. Sur ce titre, Fernandez crie, implore, de sa voix de cantatrice, la fin du mystère, la délivrance de tout ce qui nous échappe. Avec Influenceur, tube absolu du premier EP du groupe, Vierge, sorti en 2020, le duo mettait déjà en garde contre les mythos de ce monde à coups d’un BPM qui donne l’impression de se prendre la tête de lit à répétitions. “Et tu tе crois libre-penseur. Même tes habits manquent d’épaisseur“. La quête d’authenticité et l’accablement qui l’accompagne, comme sur IRL, premier titre de l’album. On retrouve, là encore, l’aura de Mathilde Fernandez, “pessimiste” auto-proclamée dans les pages de Libération en juin dernier, alors que le groupe s’apprêtait à entamer une prestigieuse tournée des festivals.

Embrasser, empoigner toute l’immensité
À l’infini
Vite
Révélez
Révélez-moi les !
Révélez-moi les !

Au rayon abandonnez-tout-espoir-seul-l’oubli-cosmique-nous-sera-salutaire, Paul Seul n’est pas en reste. Membre du collectif Casual Gabberz, représentants français du style gabber, Seul aime la techno plus qu’hardcore. Ce qu’on essaie de dire avec tout ça, c’est que bien plus qu’un groupe d’eurodance trop cool où la chanteuse-divinité se pavane sur scène affublée d’un fichu ultra chic et de lunettes cat-eye sur un son créé rien que pour elle par un chevalier d’un courant techno obscur, ascendant vierge est un vestige nouveau de ce qui fait le charme de la culture club. Aspirant à la liberté, les deux artistes ont créé leur propre label, 12 Stars, à l’occasion de la sortie d’Une Nouvelle Chance. Le morceau éponyme commence par un beat qui détruit tout, martèle son existence. Il en est presque insupportable, à cela près que si vous l’écoutez, c’est que vous cherchez probablement à être dévoré·e. Il en va de même pour Défi, autre titre aux percussions synthétiques qui battent la chamade. Puis la voix baroque de Mathilde Fernandez apaise ce qui ne serait autrement qu’un énième fragment de soirée poisseuse où on peut sentir son cœur gicler de sa poitrine.

 

Cœur qui gicle rime avec romantique et, sous leurs airs de gansters, c’est précisément ce que sont Fernandez et Seul. En témoignent les paroles du pourtant à première vue un peu rustre DJ Danny qui décrivent la sérénité, le havre de l’amour. “On a montain, me and you“. Le beat de Paul Seul s’y fait même pétillant pour revêtir le morceau d’une chaleur douce comme un rayon de soleil en pleine face (on veut bien faire dans le mielleux mais y a des limites). Même pop lyrique sur Aimer sur le long terme qui choisit la violence et le noise dans ses dernières vibrations. Lubies a des percussions astrales, des vocalises d’opérette, un refrain qui révolte, exalte. “J’ai trop de chanson à hurler“, annonce l’artiste, et nous, on brûle de crier avec elle. Cet amour, le duo le regrette déjà sur Ce monde où tu n’existes pas. Mathilde Fernandez y murmure : “en valais-tu la peine ?“. Savante démonstration de la capacité d’ascendant vierge à faire pleurer dans le club.

Mon destin

Porte ton parfum

Des thèmes sous-jacents qui parcourent Une Nouvelle Chance, la vitesse est certainement celui que l’on retiendra le plus. Pas que l’on crache sur le désenchantement de l’inéluctable apocalypse ou sur les mots fleurs bleu néon, mais disons que la fast life, ça nous parle tout compte fait. Parce que cet album transpire l’avidité, la hâte, l’urgence, les accélérations de beat sans fin, la faim. Dedans va à 1000 à l’heure, balaie tout sur son passage. Pure techno incandescente, le titre est une claque de fin dans les règles de l’art. Je suis un avion donne l’impression de passer à toute vitesse à travers un tunnel façon 2001, l’Odyssée de l’espace, mâchoire déformée et tout. Sur Slowlita, c’est la transe, le gimmick électro ne donne pas une seconde de répit. ascendant vierge nous tient, iels le savent. Reste Au top, cinquième morceau de l’album et peut-être le plus explicite quant à l’impatience de ses auteur·ices. D’abord faussement sage, le titre vire vite au joyau happy hardcore. Un son total que l’on ne pourrait mieux décrire qu’avec nos éloquentes notes initiales pour cet article, rédigées à la première écoute : “Oh putain Au top elle est dingue – c’est le thème grandiloquent vers la fin là wow wow”. Moult écoutes de l’album plus tard, même constat général. Wow wow.

 

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