L’enfant terrible de la grime anglaise revient nous jouer des mauvais tours. Et on en redemande. Issu de cette nouvelle vague d’artistes rap au style brutal et barbare (on pense notamment aux fébriles Denzel Curry et JPEGMAFIA), slowthai ne cesse d’attiser la fascination d’une industrie musicale qui ne l’avait pas vu venir. C’est par les extravagances de son premier album Nothing Great About Britain que cet ovni survolté dévoilait en 2019 sa musique énervée et ses lignes engagées. Dans la foulée d’une semaine riche en singles, le jeune artiste continue d’ouvrir la voie à son prochain disque avec BB (BODYBAG). Un bonheur de production sublimé par l’intervention de Dominic Maker (membre du duo Mount Kimbie) et du maître James Blake. Le trio inopiné dont tout le monde avait besoin.
Après nous avoir gagné sur le pétulant Deal Wiv It partagé avec Mura Masa ou encore sur l’excellent Momentary Bliss des légendaires Gorillaz, il faut dire qu’il nous tardait de retrouver l’accent charnu et l’énergie fiévreuse du diablotin sur des titres solos. Et nos prières ont visiblement été entendues cette semaine avec trois indices quant à la sauce à laquelle il s’apprête à nous dévorer sur son prochain opus. Parfois métaphoriques, souvent vulgaires et toujours survitaminées, les œuvres de slowthai ne connaissent pas la retenue.
Sur ENEMY, premier extrait partagé, le rappeur joue de l’homophonie entre le titre du morceau et le célèbre magazine musical NME qui le récompensait aux NME Awards de février dernier du prix de Hero Of The Year. Et pourtant, la même soirée, le statut héroïque de slowthai s’était vu tâché par des excès maladroits et une impertinence agressive. Un mea culpa avait suivi sur les réseaux mais le jeune visionnaire profitait de cette nouvelle sortie pour dénoncer en musique le statut d’ennemi qu’on lui attribue trop facilement. Pour MAGIC, c’est le producteur Kenny Beats qui s’invitait cette fois pour enrober ce rap exacerbé de rythmes bouncys et généreux.
If this was a movie, I’ll be the villain
You’ll be the bitch I’m killin’
Coin in the well, keep wishin’, shit could’ve been so different
Now on your grave, I’m pissin’, rest in peace, you dickhead
Sur ce nouvel élan fiévreux, on retrouve le Britannique sur une instru plus raffinée et électro signée Maker pour poser ses vers incisifs et son franc-parler déroutant. C’est aussi la maestria de James Blake qui s’invite subtilement ici sur des mélodies de piano frissonnantes. Flow vivace, punchlines grinçantes et allusions pertinentes, on retrouve dans ce BODYBAG une flopée de bonnes raisons de croire que derrière le sourire lumineux de Tyron Kaymone Frampton se cache un mauvais garçon. Et si vous n’êtes toujours pas convaincu·es, jetez un œil sur le visuel délicieusement glauque et inquiétant signé THE REST qui met en scène slowthai se faisant dégommer la cervelle, plongeant sa main dans une cuvette de toilette ou arrachant des dents. Grosse ambiance.
Caméléon musical aux allures de mafieux sicilien.