Soko, Frenchie post-punk
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Auteur·ice : Fanny Ruwet
09/03/2015

Soko, Frenchie post-punk

J’ai toujours eu du mal avec les Frenchies qui tentent de chanter en anglais. Une chanson peut être géniale, si l’accent est mauvais, je suis incapable de l’écouter plus de 30 secondes. Et puis il y a Soko. Cet alien qui débarquait en 2007 avec Not Sokute, un EP où l’accent français est à couper à la hache mais qui avait « ce truc » qui fait que j’ai quand même écouté ce 5 titres un bon million de fois. Les morceaux sont assez simples, atrocement mignons (quoi qu’elle en dise) et sont d’une naïveté vraiment touchante. Entre Dandy Cowboys et Shitty Day (How can I date someone with a face like that ? I know you’re gonna dump me again and i am gonna cry. ’Cause you want a perfect girl and I’m not what you expect. You want a perfect girl and I look shitty today), il était difficile de ne pas avoir envie de lui dire « Allez come on, viens faire un câlin ».

Le succès de son morceau-phare I’ll Kill Her (qui fut numéro 1 dans pas mal de pays à sa sortie et à propos duquel elle dit aujourd’hui «Qu’elle aurait préféré que personne ne l’entende jamais ») l’ayant fait un peu flipper, elle refuse de sortir un album dans la foulée et part pour les States.

C’est seulement 5 ans plus tard que Soko publiait finalement son premier LP I Thought I Was an Alien. Ses arpèges et sa voix timide se mêlaient sur 15 morceaux aux sonorités parfois enfantines mais pourtant toujours sombres. First Love Never Dies, People Always Look Better in The Sun, We Might Be Dead Tomorrow (utilisée dans la campagne First Kiss), Destruction of the Disgusting Ugly Hate, No More Home No More Love.. De (très beaux) morceaux où elles couchent ses démons sur le papier. Loin de suivre les schémas de carrière habituels, Soko refusait généralement de se prêter au jeu de la promo : les interviews se faisaient rares et elle semblait particulièrement mal à l’aise (voire au bord des larmes) lorsqu’elle en acceptait finalement.

Le portrait est dressé, je peux maintenant cracher mon amour infini pour son actualité plus récente : son deuxième disque My Dreams Dictate My Reality.

En 2012 déjà, elle déclarait aux InRocks que son deuxième album porterait ce nom car elle « avait l’impression d’avoir deux vies : celle qu’elle vivait en journée et celle qu’elle subissait durant ses rêves et à propos de laquelle elle noircissait des carnets entiers ».

You know I am scared to drown
In the ocean of tears, in the ocean of fears.
I thought I was a witch who was responsible for the death of all the people that I love the most
Trying to forgive myself for the wrong I’ve done

Comme on le voit dans ces paroles d’Oceans of Tears, la noirceur est toujours bien présente sur cet opus mais d’une façon assez différente cette fois puisque ce deuxième album se trouve musicalement à mille lieux de son prédécesseur et semble enfin révéler ce que Soko est vraiment : une des artistes françaises les plus punk de sa génération. Pas de power chords grattés sur une guitare désaccordée et à moitié déglinguée, non non : beaucoup de morceaux en eux-même restent même assez pop, mais les arrangements sont tels qu’on n’est pas surpris de découvrir que Ross Robinson (The Cure,..) est à la production et que la plupart des instruments ont été enregistrés en live (seuls le chant et les basses ont été rajoutés par la suite). La partie vocale, également, donne un côté un peu punk, un peu “à l’arrache” au disque. Sa voix, notablement plus grave et nonchalante, se laisse littéralement trainer sur certaines pistes comme Who Wears The Pants, My Precious et Temporary Mood Swings,… Soko screams and shouts way to loud par moment, a l’air de laisser aller toute l’énergie qu’elle aurait gardée en elle ces dernières années et surtout, semble ne plus avoir la moindre retenue (difficile de se dire le contraire ça en voyant le clip super weird de Temporary Mood Swings).

J’avoue avoir été assez perplexe en écoutant le premier extrait, Who Wears The Pants, publié il y a un mois sur Youtube (parce que bon, passer des chansons calmes à quelque chose d’aussi impertinent, ça surprend), mais une fois replacé dans le tout que forme My Dreams Dictate My Reality, le morceau prend son sens et se mêle parfaitement à des chansons plus douces comme la très belle I Come in Peace qui ouvre le disque, la carrément pop Lovetrap (avec Ariel Pink) ou encore les atmosphériques Visions et Keaton’s Song (dont le début, assez ironiquement, me rappelle certains titres de l’album Birthdays de Keaton Henson. EDIT : en fait, ça parle bien de lui. Dans cette interview, elle explique qu’il “will always fill her heart with poetry” ). Peter Pan Syndrom est également assez incroyable : oppressante, onirique et fascinante à la fois. Les synthés de cette piste où Soko refuse « to get old, to be serious and to conform » donnent l’impression d’une course dans un rêve, d’une sorte de labyrinthe qui n’aurait simplement aucune issue (en soi j’écris cette chronique à 4h du matin, ça doit jouer).

J’ai donc au moins une tonne d’amour à écrire pour Soko. Pour son superbe premier album, pour son fuck off général vis-à-vis ce que les gens peuvent attendre d’elle, pour sa reprise de The Great Pretender issu de la BO d’un court-métrage américain et pour ce deuxième disque surprenant qui fait définitivement d’elle une de mes Frenchies préférées.

Elle jouera le 23 mars au Botanique, on s’y voit ? Vous pourrez m’y offrir son vinyle si vous voulez.
Copains français, elle passera également par Lyon, Paris et Lille, les dates sont ICI. Et pour écouter l’album, ça se passe ICI.

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