Souldier, l’âme monde de Jain
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Auteur·ice : Charles Gallet
29/08/2018

Souldier, l’âme monde de Jain

Presque trois ans après la sortie de son premier album Zanaka qui a fini par devenir un véritable phénomène, Jain repointe le bout de son nez pour nous titiller les oreilles avec Souldier. Le fameux second album qui fait peur à tant d’artistes, entre l’envie de confirmer, la peur de la redite et l’attente grandissante des fans (qui sont très nombreux dans le cas de Jain), c’est une étape importante dans la vie d’un artiste. Alors Jain a-t-elle réussi à renouveler la formule magique qui l’avait emmenée vers les sommets ? Réponse ici bas.

On ne va pas se mentir, tout le monde a forcément écouté au moins une chanson du Zanaka de Jain, l’album ayant pris son temps pour finir par devenir un véritable phénomène musical. Mais loin des coups de maisons de disque, des produits pré-fabriqués, le succès de cet album a cela de rassurant qu’il tient au final presque de l’anomalie. A une époque où on préfère regarder son voisin d’un œil suspect, où la haine se développe comme un sale virus qui n’a pas de cure, voir un album aux influences africaines assumées, qui prône le vivre-ensemble et l’unité avait quelque chose d’assez salvateur. On se demandait comment la demoiselle allait faire pour pouvoir confirmer ce qui ressemblait à un coup de maître ? La réponse est simple et elle s’appelle Souldier.

On a un peu trop facilement casé Jain dans la catégorie world music. Erreur que l’excellente Dynabeat avait commencé à rectifier et que Souldier a définitivement effacée. Si il fallait fatalement définir la musique de la toulousaine, on pourrait finalement parler de pop global. Pop car elle s’évertue à développer une formule qui multiplie les refrains accrocheurs et universels. Global car elle s’inspire de tout : de tous les genres, mais aussi des pays, des autres formes d’arts et finalement de tout ce qui l’entoure. Le nouvel album prouve cette démarche totale chez Jain, il n’y a pas que la musique, il y a aussi le visuel, les vidéos et sa propre personne qui participent à la construction du projet. Ainsi, si la recette entre les albums peut paraître semblable, il n’y a aucune sensation de redite puisque la globe-trotteuse l’emmène vers des terrains différents. Fini la robe, place au bleu de travail. Fini les influences africaines, place au reggae et aux influences cinématographiques et arabisantes. La jeune femme garde sa formule magique, mais en change les ingrédients à l’infini afin de déconcerter, décontenancer et finalement ravir. Reste une voix, un flow et une présence. Pour le reste, place à la nouveauté. Et à l’assurance aussi, tant la jeune femme semble avoir compris les points forts et faibles de son précédent effort pour les “updater” d’un côté et les corriger de l’autre. On la sent ainsi prendre de l’aisance dans ce rôle de productrice qui semble si bien lui aller.

Cette sensation d’ambition se ressent dès le premier titre On My Way qui se veut plus électronique dans sa construction jusqu’à ce qu’arrivent les percussions presque tropicales et surtout les violons qui font basculer la chanson dans un univers totalement différent de celui dans lequel on pensait évoluer. Jain s’amuse à nous perdre pour mieux nous rattraper. Elle fera le chemin inverse avec Abu Dhabi où elle transformera des sonorités arabisantes en rythme presque ragga pour rendre hommage à la capitale des Emirats arabes unis. Cet art du contrepied sera aussi présent sur Inspecta où elle transforme le thème d’Inspecteur Gadget en gros beat pour la chanson la plus hip hop de l’album, mais aussi sur Flash (Pointe Noire), probablement le futur gros tube du disque, où une instru hyper cinématographique, qu’on aurait bien vu dans un James Bond, se mélange avec des rythmes métalliques et un soupçon de rumba pour créer une véritable bombe pop.

En bonne globe-trotteuse, la jeune femme n’arrête pas ses explorations musicales et se frotte à plusieurs reprises au reggae avec Alright, premier single qui avait un temps déconcerté le public mais qui se révèle au fur des écoutes comme une vraie réussite, mais aussi la mélancolique Feel It ou Souldier qui vient clôturer l’album en douceur.

Mais le gros morceau de l’album, la cerise sur le gâteau comme diraient les amateurs de pâtisseries, reste sans doute Star. De par son rythme imparable, sa façon de nous faire danser dès les premières secondes, on sent qu’elle a été conçue pour être le gros hit de l’album. Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Si la jeune femme traite dans ses textes d’amour, de déception et si ses thèmes lui sont sans doute personnels, Star a un côté assez ambivalent. Cette idée centrale d’un personnage ébloui par le star system ne peut être vu que comme une réflexion de Jain sur son statut suite au succès monstrueux de son premier album. L’ambivalence, qui donne tout son intérêt au titre, vient du fait que si elle utilise la première personne sur les couplets, c’est à la seconde personne qu’elle scande le refrain, comme si pour se juger, elle devait se placer dans un rôle de spectatrice.

Souldier n’est sans doute pas l’album que les fans de Jain attendaient mais est clairement l’album qu’elle souhaitait réaliser. Pas de Zanaka 2 donc, mais un second album réussi, déconcertant par moment, mais toujours ludique, aussi facile d’accès que profond si on souhaite s’y plonger de manière moins superficielle. Jain a la formule magique, et elle fonctionne toujours aussi bien.