Souviens-toi l’été dernier, c’était le Micro Festival
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Auteur·ice : Nicolas Nollomont
21/09/2016

Souviens-toi l’été dernier, c’était le Micro Festival

 

Tous les samedis, c’est pareil. On croule sous des montagnes d’invitations à des évènements divers, allant de la fête d’anniversaire de machin chose à la dernière soirée rooftop à la mode, en passant par le retour en tournée d’un de nos 200 groupes préférés, et en même temps, il persiste toujours au fond de nous une irascible tentation de juste aller se faire un petite séance de binge-watching sous la couette, pour ne plus en sortir jusqu’au lundi d’après. Mais ce weekend-là, pas d’hésitation : le Micro Festival était de retour.

 

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Avec une déco toujours aussi classe que d’habitude.

 

Toujours aussi modèle-réduit, toujours aussi indé, la recette ne bougeait pas d’un poil, cette année encore : une progra alternative et une ambiance à la coule, le tout dans un petit parc de quartier. En même temps, que voulez-vous, on ne change pas une équipe qui gagne, comme dirait ma grand mère. D’ailleurs nous, quand on arrive, on a qu’un seul regret : ne pas avoir pu passer plus tôt. On vous conseille d’ailleurs à l’occasion d’aller jeter un oeil à Duane Serah, Jambinai et Goat de passage la veille, pour ne citer qu’eux.

 

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Wir sind alle Berliner.

Die Nerven

Et c’est sur les Allemands de Die Nerven qu’on débarque, encore frais comme des gardons – même si on ne restera pas coiffé très longtemps. Post-punks dans l’âme, nerveux à souhait (sans blague), pour ne pas dire parfois franchement énervés, les mecs réveillent vite en nous nos pulsions rebelles adolescentes endormies. Emmené par un chanteur au charisme certain qui semble constamment à deux doigts d’exploser, le groupe démontre qu’il maîtrise d’autant plus franchement bien la scène.

Agités, et un parfois peu noise sur les bords, les trois stutgartois savent néanmoins aussi se montrer plus planants par instants. On retiendra d’ailleurs particulièrement l’entêtant Barfuß durch die Scherben. Mais si les riffs captivent, la hargne reste palpable. Les paroles, quant à elles, écrites dans la langue d’Angela, semblent cracher une frustration contenue de ceux qui s’enmerdent dans une vie souvent trop grise et trop morose. Bon, par contre ils ne passeront pas à côté de la comparaison avec les Sonic Youth, mais cela ne sera certainement pas en leur défaveur. Es lebe Deutschland !

 

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Rats On Rafts, c’est comme les langues Haribo. C’est acide, mais on ne peut s’empêcher d’en reprendre.

Rats On Rafts

Qui a dit que le garage ne pouvait pas avoir des morceaux de 8 minutes ? C’est pourtant simple, mélangez-le avec quelques substances qui font rire, repassez-vous vos classiques psychés, retranscrivez le tout en musique en foutant le bordel avec vos pédales d’effets, et le tour est joué. Voilà la leçon que nous apprise Rats On Rafts sous le chapi cette aprem-là. Et si le groupe, originaire de Rotterdam, ne révolutionne pas pour autant le genre, la formule est en tout cas suffisamment efficace que pour nous faire headbanger frénétiquement pendant 45 min. Une rythmique solide, des envolées très acid-rock, un son garage au goût parfois franchement corsé et bien acidulé ; les mangeurs de gouda ne seront peut être pas la grande découverte de cet été, mais auront fait le boulot comme il faut, proprement.

 

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Le punk, ça donne soif. C’est l’avantage.

 

Useless Eaters

Après une douce après midi bercée par de subtiles variations plutôt psychédélisantes, c’est avec du punk straight in your face, survolté et sans compromis que l’on attaque ce début de soirée. On en aura presque sursauté d’ailleurs. En théorie, sur disque, le groupe faisait dans le garage made in Tennessee, mixé avec des sonorités très Thee Oh Sees – pas étonnant quand on signe chez CastleFace (label de John Dwyer, chanteur dudit groupe susmentionné), vous m’direz. Mais là, en live, l’ambiance est clairement plus punk-hardcore façon Black Flag qu’autre chose.

Ceci dit, le contraste a beau être saisissant, il n’empêche que les gars savent envoyer le pâté comme il faut. Porté par Seth Sutton, bourlingueur ayant squatté au moins les deux tiers de l’Amérique du Nord, le quatuor batterie-guitare-basse et (c’est la nouvelle mode) synthé fantomatique est en effet plus chaud qu’une viandelle sortie de friteuse. Explosant d’énergie, les titres sont balancés avec une fureur ravageuse, fusant au rythme du flux frénétique et corrosif du chanteur qui ruisselle littéralement de sueur sous la tension de ses textes. Et si mélodiquement c’est sûr que c’est pas Chopin (et que le mec est quand même un peu tendu comme une crampe), le groupe nous pètera bien la gueule à tous question authenticité punk. Définitivement de quoi nous renvoyer un peu plus dans notre jeunesse de teenager révolté. Quoi, t’as un problème?

 

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Un peu trop chill, mais photogénique.

Forever Pavot

Si, à l’écoute préalable de ce cher Forever Pavot, l’on se voyait aisément transporté dans un film de Godard, à philosopher avec Gainsbourg ou Morricone sur un canap’ de cuir brun sentant le tabac froid dans un appart parisien la clope au bec, le tout pendant qu’une Brigitte Bardot sortait du bain (tu vois le genre quoi), pour le coup, le voyage dans le temps n’est pas tout à fait celui qu’on attendait.

C’était pourtant a priori l’événement du jour : leur seule date belge de cet été étant celle du Micro, le groupe apparaissait comme les immanquables de ce samedi. Mais rien à faire, si musicalement  irréprochables, les auteurs de l’excellent Les Cigognes Nénuphars, nous paraissent quand même un peu mous du genou. Une présence scénique quasi absente (en même temps, sûr qu’au piano c’est pas simple de faire moonwalk, mais bon), un son pas au top, peut être étions-nous trop les pieds sur terre, mais quoi qu’il en soit, passé quelques minutes, le tout nous sonne un peu fade à l’oreille. Même si on signera toujours 100x pour eux avant n’importe quel morceau de Patrick Bruel, on espérera malgré tout surtout les revoir en meilleure forme au détour d’un festival prochain. Cheer it up guys, c’est la fête!

 

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Ton groupe, il est tellement dark qu’on te voit pas sur les photos.

The KVB

Tout doucement, le soir tombera sur le Micro : place désormais aux basses glaciales et aux synthés obscurs. Grand héritier dark-wave du moment, le duo anglais The KVB était en effet lui aussi de passage à Lièch pour notre plus grand bonheur, toujours aussi chaleureux qu’une banquise qui n’aurait pas connu le réchauffement climatique.

C’est qu’à peine sur scène, l’ambiance est donnée. Paroles introspectives à la Ian Curtis (c’est obligé), projections étranges et magnétiques, des looks plus goth que Robert Smith et des regards fixés dans les baskets : c’était clair, pas un détail ne criait pas au « so cliché ». Mais quand le son est aussi bon que celui-là, hé bien nous on se dit que ça fait du bien, parfois, d’assumer à fond la caricature.

Tout au long du set, les deux comparses hypnotisent. Comme perdus dans les limbes d’une mélancolie sans fond, Nick Wood et sa meuf Kat Day nous entraîne allègrement dans un endroit où le froid est piquant, presque douloureux. Touchant par instants avec des sonorités à la limite de l’indus, le couple saura néanmoins aussi se montrer plus lumineux désormais, notamment sur quelques morceaux plus récents dans leur discographie ; toujours cependant, la maîtrise sera parfaite. En tout cas, si c’est ça la déprime, nous on aime encore bien.

 

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Tim, bam, paf, et toute cette sorte de choses.

Nah

Véritable wild child de la soirée, Nah terminera la nôtre tout en sauvagerie avec un projet complètement barge et aussi corsé qu’un double ristretto bieeeen serré. En solo, armé de sa seule batterie et de quelques samples entre hip hop et breakbeat lo-fi, crachés par deux enceintes au gros son qui tache, le mec nous calmera pourtant tous direct en trois secondes et demi. Alternant passages sur les futs, matraqués comme si ils avaient tué la mère de leur propriétaire, et défoulements vocaux au micro, le spectacle est impressionnant. Rageurs et bordéliques, les beats de l’animal sont pourtant hautement addictifs. Comme l’un de ces shows qui possèdent réellement quelque chose de libérateur, voir presque thérapeutique, le bruit est ici d’une beauté pure. Le public, lui l’a bien compris : la fête en est d’ailleurs à son comble. Explosant tout sur son passage, Nah restera sans aucun doute un must see pour toute personne ayant les couilles d’aller voir un peu plus loin que la dernière remix deep house de l’été qui passe en boucle à la rooftop machin chose de samedi prochain où on viendra PAS de toute façon. Alors cesse avec tes invitations, tu fatigues à la fin.

 

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Nicolas Nollomont.

Photos : La Vague Parallèle