spill tab dévoile un manifeste alt-pop éclectique et bien peuplé
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
08/12/2021

spill tab dévoile un manifeste alt-pop éclectique et bien peuplé

Pour sa seconde galette, l’artiste franco-coréo-américaine spill tab se la joue généreuse et dévoile BONNIE, six premiers jets éclectiques et colorés. Une collection qui s’approprie certaines structures pop familières pour les mâtiner d’influences tantôt niche, tantôt TikTok. Résultat : une première carte de visite ancrée dans l’air du temps, et qui s’offre les apparitions de JAWNY, Gus Dapperton et Tommy Genesis. 

Dans un monde où les sorties pleuvent littéralement de toutes parts, se faire remarquer n’est pas aisé. L’industrie musicale ne cesse de voir fleurir ci et là des jeunes pousses dont le potentiel se voit le plus souvent ombragé par un manque de lumière, d’attention ou tout simplement d’une bonne promotion. Dans ce contexte impitoyable, un·e jeune artiste qui dégaine son premier disque se doit de composer une carte de visite accrocheuse, qui donne envie de s’y attacher. Avec Oatmilk l’an passé, la chanteuse avait quelque peu laissé retomber le soufflé après le petit succès de son morceau cotton candyAvec BONNIE, deuxième sortie plus mature et costaude, Claire Chicha (de son vrai nom) prouve qu’elle a compris l’exercice en proposant un disque qui s’apparente plus à une mixtape qu’à un EP : la cohérence n’y est pas forcément, mais l’éclectisme radical des morceaux donnera à boire et à manger à tout mélomane qui s’y aventurera.

Le terme fourre-tout “alt-pop” trouve en BONNIE une définition plutôt cohérente. Les morceaux varient d’une influence à une autre, sans jamais perdre le squelette pop qui rend chaque morceau si efficace et facilement digeste. Le “alt” se manifeste plutôt dans des moods injectés ou des gimmicks glissés ci et là, à l’image de ces guitares saturées sur PISTOLWHIP et Velcro, ou encore l’ambiance subtilement drum’n’bass de ses collaborations avec Tommy Genesis et JAWNY.

 

À l’écoute du projet, on se rassure de voir que la chanteuse ne s’est pas reposée sur ses acquis : à savoir les compositions sauce TikTok facilement accrocheuses et sans véritable consistance. Même si en quatreseul titre en français de l’opus, joue dans cette cour-là (sans être fondamentalement mauvais), il n’en demeure pas moins que le morceau est vite devancé par les autres. Une ambiance plus rock et organique s’invite sur l’opus, avec des guitares franches et des percussions justement disposées. Anybody Else nous transporte ainsi le long de coups de grattes berçantes et de refrains entêtants pour chanter la possessivité affective (“And I crave you, I will keep you to myself/I know I could keep you guessing/But I know you want it/I, don’t want to share you with anybody else”). 

C’est finalement PISTOLWHIP qui promet le plus de jolies choses pour la suite. Le morceau est un tour de force de musique lo-fi : imparfaite, brute, sincère. On y décèle les accrocs volontairement laissés sur la track finale pour donner cette impression de recording à la va-vite, et ce serait vous mentir que de vous dire qu’on ne jubile pas à chaque écoute. Si les toplines réutilisent une recette qui se retrouve sur d’autres morceaux de la galette, le refrain reste inédit : un vacarme de guitare ultra-saturée et distordue à l’extrême. Un drôle de brouhaha qui trouve sens après quelques écoutes et qui offre un lot d’effervescence maîtrisé qu’il nous tarde voir de reproduit en live.

On pourrait s’interroger sur ce choix audacieux d’inviter de telles pointures sur un projet introductif, alors que le but est justement de se construire une identité à soi. D’autant plus quand on décide de convier des noms comme Tommy GenesisGus Dapperton ou la nouvelle sensation de slacker rock JAWNY. Sauf que, en réalité, cette démarche est une preuve de l’intelligence artistique de spill tab : lorsqu’elle décide d’intégrer un mood rap à son univers, elle a le recul nécessaire pour comprendre que ce n’est pas son domaine et décide plutôt de faire appel à Genesis – qui retourne littéralement tout sur son couplet. Pareil pour Grade A, il fallait un calibre comme JAWNY pour insuffler cet esprit indie pop-rock débridé irrésistible. Velcro se voulait pop et mémorable, et c’est donc un pari sécurisé que de convier Gus Dapperton, roi du hook et de la topline catchy. Les collaborations de BONNIE ne desservent donc en aucun cas Claire Chicha, qui réunit simplement les bons ingrédients pour proposer un disque mémorable, qui semble assurer les beaux jours de la musique pop.


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