Stereoclip : “Je ne me suis pas redécouvert en faisant des livestreams”
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Auteur·ice : Guillaume Scheunders
20/10/2020

Stereoclip : “Je ne me suis pas redécouvert en faisant des livestreams”

Après deux albums très réussis, il est en pleine période de teasing d’un prochain album qui devrait voir le jour l’année prochaine et dont un troisième extrait, Sunset Drive, a été dévoilé début septembre. Stereoclip nous a reçu dans son studio, pour parler de sa musique, de sa carrière, de l’année mouvementée qui vient de s’écouler et des solutions qu’il a pu y apporter. 

La Vague Parallèle : Salut Stereoclip ! Même si elle n’est pas encore terminée, comment as-tu vécu l’année 2020 ?

Stereoclip : Bizarrement, je pense, comme tout le monde. Il y a eu plein de rebondissements. Pourtant j’avais l’impression que ça avait bien commencé. J’étais chaud, puis tout a été chamboulé. Au final j’ai juste accepté que c’était comme ça. Ça nous a joué des tours, mais soit on décide de se morfondre, soit on prend la situation comme elle est et on essaye d’en tirer le maximum de positif, même si ce n’est pas évident. J’ai essayé de mener ma barque.

LVP : Tu as d’ailleurs fait partie des artistes qui ont proposé des livestreams, c’était une bonne manière de retrouver un public ?

S : Oui, même si je n’en ai pas fait énormément. Je trouvais ça marrant une fois ou deux, mais continuellement, ça faisait chier. Ce n’est pas la même chose. Je trouve que c’est cool de faire un livestream d’une soirée, ça a plus de sens. La perception du live est différente. Quand tu joues, tu n’as pas cette réaction immédiate, tu dois imaginer les gens chez eux et c’est un peu chelou. Donc je ne me suis pas redécouvert dans ma carrière en faisant des livestreams (rires).

LVP : Tu penses qu’il faudra tout de même s’y habituer ?

S : Franchement, je ne sais pas. Je pense que c’est très dangereux de faire des plans et de se créer des attentes pour quelque chose dont on n’est pas certain, ou dont on n’a pas les clés de compréhension. Donc je n’en sais foutrement rien.

LVP : Pour un producteur comme toi, l’arrêt du secteur culturel était le pire des scénarios. Tu penses quoi des mesures qui ont été prises au fur et à mesure de la crise ?

S : C’est un grand chapitre. Je suis qui pour savoir si c’était une bonne idée de tout arrêter ou de continuer ? Le seul ressenti, la seule vision que je peux en avoir, c’est de me demander à quel point l’être humain est-il prêt à aller en s’enlevant des libertés pour ce qui est en train de se passer. Si maintenant on nous dit que pendant un an, cent personnes ne peuvent pas bouger de chez elles pour sauver une personne. Ensuite on leur dit que ça va durer deux ans, puis trois ans et ainsi de suite. À un certain moment, les cent personnes vont dire qu’elles n’en ont rien à foutre de la personne. C’est très spécial. Je pense qu’on a montré qu’on essayait d’être solidaire… Est-ce qu’on peut dire que le gouvernement prend des décisions pour ne pas qu’on lui reproche quoi que ce soit, ou est-ce qu’il essaye de réfléchir dans le sens de la population ? On pourrait avoir un débat pendant des heures là-dessus. Je n’ai pas la prétention d’avoir quelques clés de compréhension sur ce qui est en train de se passer. J’essaye, moi, à ma petite échelle, de faire en sorte que ça aille et d’essayer d’être un peu solidaire autour de moi.

LVP : Tu as quand même pu profiter un peu cet été, on t’a vu au Plein Air by Fuse, notamment. C’était un bol d’air ?

S : Ce n’est clairement pas la même chose. Si on me disait maintenant que je n’allais devoir faire que des concerts comme ça, franchement je change de métier. Je ferais autre chose dans ma vie, il y a d’autres trucs qui m’amusent. Je continuerais à faire de la musique, peut-être de temps en temps des concerts, mais ce ne serait pas mon activité principale. Avec ce genre d’événements, il n’y a pas vraiment de vibe, tu n’as pas l’impression de vivre les choses pleinement. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il y aura un avant et un après. En tout cas, rejouer devant des gens c’était chouette, c’est clair. Mais c’est comme si on t’amenait ton plat préféré mais qu’on te disait que tu ne peux en prendre qu’une bouchée.

LVP : Avec Fabian Fiorini, Nicolas Buysse et Greg Houben, vous avez mis en place un spectacle de théâtre et musique cet été à Namur, puis Place Flagey. C’était comment ?

S : On s’est vraiment marrés à faire ça. Je le voyais un peu comme ma petite pierre à l’édifice pour sauver la culture. Et pour donner un truc à faire aux gens dans un cadre cohérent. C’est le principe de se dire qu’on ne peut pas faire de réel concert, sauf assis, donc faisons quelque chose que l’on puisse faire à 100%. Le résultat était cool, sans prétention. C’était l’été, c’était dehors, on a revu des gens.

LVP : Il y a certains concerts qui reprennent, tout de même. Ça t’intéresserait d’aller voir des concerts assis, avec les mesures actuelles ?

S : Ça dépend. Franchement, il y a des concerts que je kifferais voir assis, sans aucun problème. Limite plus assis que debout. Donc oui, c’est cool.

LVP : Et le clubbing, tu penses que ça va revenir ?

S : Je ne sais pas. Là j’ai vu qu’à Barcelone il allait y avoir le premier club qui effectuerait des tests directement aux gens qui rentrent dans le club. Mais vu comment on est partis en Belgique, à mon avis ce n’est pas près d’arriver.

LVP : En 2017, après ton premier album, tu as rejoint N’TO, Joachim Pastor et Worakls chez Hungry Music. Comment est-ce qu’ils t’ont repéré ?

S : J’avais croisé Antho (N’TO) lors d’une soirée, on s’était bien entendu. Et puis on s’est recroisé une deuxième fois, et ainsi de suite. C’est juste comme ça. Ils avaient entendu des trucs de mon premier album, puis on a commencé à échanger et notre lien s’est construit petit à petit.

LVP : Ça t’a permis de gagner en visibilité ?

S : En tous les cas, ça m’a permis de jouer. Après, ça m’a fait gagner plein de choses. Avant mon premier album, ça se passait très bien. Avec Délicieuse Musique, on avait des concerts, il y avait pas mal de choses qui se passaient. Après, Hungry m’a permis d’avoir une visibilité sur des scènes plus grandes.

LVP : Maintenant, d’être chez un « géant », Armada, ça t’offre quoi ?

S : En fait, c’est un géant, mais je suis en contact avec une petite équipe, avec qui la communication se passe super bien. Ça ouvre à un autre pan de l’horizon. Ils ont certainement un peu plus de budget, une façon de faire qui est rodée, qui est là depuis longtemps. On discute fort avec eux, on essaye de trouver des solutions sur des sujets à propos desquels on bloque. Par exemple, c’est plus facile si j’ai besoin de voix sur des morceaux, ils ont un assez grand catalogue de chanteurs ou de chanteuses. Ils ont leur propre playlist Spotify aussi, ce qui est cool. Je pense aussi que ça dépend des gens sur qui tu tombes, plus que de l’infrastructure dans laquelle tu te trouves.

LVP : Cette année, tu as sorti deux remix et trois morceaux, ce sont des extraits d’un futur album ?

S : Oui, je construis quelque chose en ce moment. Je ne sais pas encore trop à quoi ça va ressembler, mais ça va sortir. Je vais avoir aussi d’autres remix qui vont arriver, donc ce sera bien rempli jusque décembre.

LVP : Le confinement a été propice pour produire ?

S : Je n’étais pas dans mon studio, j’étais chez moi. Mais j’ai avancé comme je pouvais. Je ne me suis pas focus à 100%. Dans un premier temps, je n’ai rien fait pendant deux semaines, puis je me suis dit que j’allais peut-être faire quelque chose (rires). Le truc, c’est qu’on ne pouvait pas bouger, donc je ne pouvais pas venir dans mon studio, c’était un peu chaud. Je bossais avec un autre gars avec qui je partage le studio. Des fois, je lui envoyais des trucs pour voir comment ça sonnait, il chipotait dessus et me les renvoyait. Puis après je suis revenu.

LVP : Après un album sur Bruxelles et un sur les voyages, tu as déjà un thème pour le prochain ?

S : Je n’en sais rien. Ce sera en lien avec les titres du précédent. Mais en vrai, je fais l’album et puis je me demande ce qu’il se passe dans ma vie à ce moment-là pour lui trouver un nom. Pas « telle musique signifie quelque chose ». Quand tu fais un truc, tu peux raconter l’histoire que tu veux autour.

LVP : Il y a tout de même une sorte de mélancolie propre à tes morceaux, tu es dans quel état d’esprit lorsque tu composes ?

S : Je vais un peu à tâtons et puis je garde ce qui me touche le plus. Je n’ai pas une idée ou une image en tête que j’essaye de reproduire. Je tente d’aligner les notes qui font le plus ressentir quelque chose.

LVP : Tu comptes rester dans la musique axée club, ou bien un jour effectuer un virage de style ?

S : Rester dans la musique club. Le prochain album sera beaucoup plus club que ce que j’ai pu faire avant. Peut-être qu’un jour je ferai complètement autre chose, je ne sais pas. Mais pour l’instant j’ai envie de faire ça. Ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour faire de la musique de club mais bon, on verra.

LVP : Tu as des artistes qui t’inspirent ?

S : Ce sont plus des morceaux. Mais je n’ai pas vraiment de style défini, j’écoute de tout. Ça peut être un petit élément dans une track que j’aime bien qui va m’inspirer. Ou un univers. Il y a plein de trucs qui m’inspirent.

LVP : Et si tu devais retenir un seul morceau qui t’a marqué ?

S : Je pense que c’est A New Error de Moderat.

LVP : À la probable veille d’un reconfinement, comment tu comptes le vivre ?

S : Est-ce qu’ils vont vraiment oser faire ça ? S’ils font ça c’est foutu, c’est vraiment foutu… Dans le pire des cas, si ça arrive, je reste ici dans mon studio. Il y a une chambre en haut et vu qu’on y est entre potes, je n’irai pas tout seul chez moi.