Sudan Archives au Botanique : un show à la hauteur de l’album ?
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Auteur·ice : Augustin Schlit
01/12/2022

Sudan Archives au Botanique : un show à la hauteur de l’album ?

| Photo : Giulia Simonetti

Qu’on se le dise, avec Natural Brown Prom Queen (NBPQ pour les intimes), Sudan Archives a sorti un des albums les plus fascinants de l’année 2022. Généreux, versatile, magnifiquement produit et abordant des thèmes aussi universels que personnels, cet opus de 18 titres ne manquera pas de placer sa génitrice sur la carte, pourtant surpeuplée, des incontournables. Autant dire que nous attendions son passage en terres bruxelloises avec impatience…

C’est donc avec un enthousiasme manifeste que nous avons une nouvelle fois poussé les portes de l’Orangerie du Botanique pour une soirée que l’on espérait mémorable. La main gauche encombrée par la traditionnelle bière qui accompagne tout bon concert, nous applaudissons du mieux possible la prestation séduisante de The Growth Eternal. Le projet solo de Byron Crenshaw, jusqu’alors inconnu de nos services, se révèle effectivement être une belle surprise pour nos oreilles friandes de nouvelles sonorités. Seul face au public, il nous emporte avec douceur dans une atmosphère chaloupée et duveteuse, où le vocoder fait loi. De plus, on doit lui reconnaître une vraie candeur et une spontanéité communicative, finissant de nous mettre dans les meilleures dispositions pour la suite des festivités.

| Photo : Giulia Simonetti

Nous avons à peine le temps de faire un tour au bar pour se rafraîchir et débriefer cette entrée en matière qu’on entend les premières notes d’intro de Home Maker, résonner dans la salle. Il n’en faut pas plus pour nous y précipiter afin de ne rien manquer d’une entrée en scène que l’on imagine déjà détonante. Manque de bol, ce premier morceau est aussi synonyme de complications techniques, empêchant Brittney Parks de prendre pleinement possession de la scène et, par extension, de son public. Après une interprétation qu’on qualifierait de distraite, arrive donc un temps de flottement un chouïa compliqué au cours duquel l’artiste s’affaire à redémarrer son ordinateur afin de faire enfin résonner son violon, cet élément si indispensable à la singularité de sa musique.

Problème réglé, le concert peut repartir sur de bonnes bases. Ni une ni deux, elle enchaîne sur deux autres titres phares de l’album que sont Freakalizer et OMG BRITT, plutôt bienvenus pour renverser la vapeur après cette introduction en demi teinte. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas la première fois que des glitches s’invitent à la fête, et on serait bien mal avisés d’en tenir l’artiste pour responsable… D’autant que Sudan Archives semble prête à tout pour gagner son public. Elle ne tient pas en place, parcourt la scène en courant, dansant, rampant et passe du violon au synthé en passant par plusieurs types de micros, sans doute censés retranscrire toute la finesse de la production impeccable qui fait de NBPQ un excellent album.

| Photo : Giulia Simonetti

Pourtant, au fur et à mesure que les morceaux s’enchaînent, on ne peut s’empêcher de constater qu’on entre difficilement dans l’univers pourtant riche et coloré de la Californienne. Si sur disque, l’aspect éclectique de l’album crée une fresque fascinante, traduisant une palette riche d’émotions portée par des influences musicales vastes, le constat live est un peu plus nuancé. En effet, ce déluge d’accessoires ne semble que partiellement maîtrisé par la performeuse, et a tendance à créer une atmosphère plutôt brouillonne. Dommage pour un show qui semble vouloir jouer la carte de la générosité. En effet, l’ordre choisi pour la setlist pose quelque peu question et est accentué par une absence globale de communication substantielle entre artiste et public. De plus, sur certains titres, comme l’imparable banger NBPQ (Topless), sur lesquels le concert devrait pouvoir de s’appuyer pour créer de vrais moments intenses et mémorables, on peine à ressentir toute la puissance et l’urgence qui émanent du titre qui nous avait pourtant tant fasciné·es à la première écoute.

Nous pourrions nous étendre d’avantage sur l’analyse des raisons pour lesquelles un concert qui avait, sur papier, tout pour nous envoyer toucher les étoiles s’est soldé par un show en demi teinte. Doit-on blâmer la technique et le son, qui semblaient devoir recalibrer la sortie du micro madonna à chaque début de morceau ? Ou bien Sudan Archives elle-même dont les visuels décalés et hauts en couleur l’ont peut-être présentée comme plus naturellement extravertie qu’elle ne nous l’a montré ce soir-là ? Peu importe au final. D’autant plus qu’il serait malhonnête de cracher dans la soupe. Car si l’on a pas eu le show grandiose que l’on espérait, Sudan Archives nous a tout de même proposé de très beaux moments de musique, principalement sur les morceaux plus posés et intimistes. On gardera notamment un souvenir ému du titre Come meh way et de son riff de violon entêtant.

En réalité, malgré toutes les remarques qui ont pu être émises au cours de cet article, c’est un souvenir positif que nous gardons de cette soirée. Certes nous en attendions plus, mais les quelques maladresses observées n’ont que partiellement ternies le sentiment de se trouver en présence d’une grande artiste à deux doigts de trouver une formule live plus adaptée à la qualité de son œuvre. On ne manquera donc pas de maintenir notre attention sur la direction artistique de cette artiste pas comme les autres, et serons présents sans faute lors de son prochain passage en terres belges.