Sur Géranium, Équipe de Foot piétine les parterres de compromis
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Auteur·ice : Philomène Raxhon
16/05/2022

Sur Géranium, Équipe de Foot piétine les parterres de compromis

Photo | Lily Bineau

Depuis ses débuts en 2016, le duo venu de Bordeaux arpente la scène musicale rock française avec un son grunge et lo-fi. Il revient aujourd’hui avec un 3e album entre pétales délicats et crampons gazons intitulé Géranium. Mélancolique comme dissident, ce dernier opus témoigne de la philosophie de ses auteurs, attachés à rester imprévisibles et libres. Disclaimer : ne vous attendez pas à une chronique au champ lexical footballistique ; c’est contre notre religion.

An Empty Space Is Not Just Filled With Air fait éclore Géranium sur quelques notes de piano et une batterie feutrée. En Belgique, on évoquera un son très Balthazar, compliment ultime quand on sait comme on a saigné Rats et Thin Walls. Cosy Nothing, Moving Coffin et son intro au pipeau naïf continuent d’annoncer un album faussement sage. Le morceau prend un virage, le pipeau naïf orchestre sa révolte sous l’impulsion de la batterie de Michaël, moitié percussions-chant d’Équipe de Foot.

 

Terminés les faux-semblants. A Silly Seal, Asleep, Rolling Down A Hill et son refrain fâché dévoilent les épines de Géraniumok Google, est-ce que ça a des épines un géranium ? On est mélomanes, pas botanistes. La botanique, on la pratique uniquement dans le temple bruxellois du même nom où Équipe de Foot jouait cette semaine A Silly Seal, Asleep, Rolling Down A Hill. Le groupe y revendiquait, au passage, un son Nirvana-esque au possible. Quelqu’un ici aime vraiment beaucoup Kurt Cobain. La batterie transpose le morceau en loop sans fin. “Yesterday i was thinking It’s been 2 years without loving. I want them back. Do you mind ?”, scandent les deux compères armés de leur accent frenchy, indissociable des groupes français aux ambitions anglophones. C’est ok, même l’EP en anglais de BB Brunes ne rendait pas toujours hommage à la langue de Shakespeare.

Quatre-Vingt-Quatorze et Slvote ralentissent le rythme. Le second et son xylophone rappellent la douceur de Walker de Cascadeur. Love, Beers and a Queen Size Bed, enregistré dans un 30m² parisien, parle d’un havre de paix, loin du flot incessant d’opinions des deux années écoulées. “I need love, beers and a queen size bed”. Rien à ajouter. Géranium, titre éponyme, insuffle un parfum plus saturé et alternatif à un rock par moments trop recherché. Donnez-nous une guitare en pls et un drop léger, on est content·es. Think, Blink, Breathe, Blink, Speak, Blink, Breathe entre dans la danse du grunge libéré, ajoute à la spontanéité de Géranium. Le titre dégage une énergie très intro de Scott Pilgrim (Michael Cera en moins). En live, ces deux morceaux prennent en amplitude et connaissent une résurrection rock sous l’impulsion de leurs auteurs seuls sur la petite scène de la Rotonde.

Pour enregistrer, les deux musiciens ne comptent aussi que sur leurs 2 mains et leurs 4 murs, confinement oblige. Ils ne donneront la permission qu’à Johannes Buff, ingénieur du son pour Sonic Youth ou Zombie Zombie, de retravailler le mixe final de Géranium. Cette main-mise sur leur production, les garçons d’Équipe de Foot l’assurent depuis Chantal et Marilou, sortis en 2017 et 2019. Avant cela, et avant même leur premier EP éponyme, ils tournaient déjà avec Odezenne, à l’automne 2016.

 

Dernier morceau de l’album, Drunk At Best, et son arrangement tout en délicatesse, conclut l’album en beauté. Son drop subtil et efficace catapulte une chanson de voyage en hymne de retour sur terre. Lovers are liars. Dans sa finesse appliquée, l’album pèche par moments d’un manque de lâcher-prise. Pourtant, il témoigne aussi de la présence du duo Équipe de Foot, de l’implication unique de ses membres qui refusent les compromis et délivrent un opus profondément empreint de leurs expériences et de leur vision musicale, comme un géranium individualiste dans un grand pot de fleurs.