Tedax Max, le mic de Lyon qui gamberge libre de place en place
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Auteur·ice : Adriano Tiniscopa
24/09/2022

Tedax Max, le mic de Lyon qui gamberge libre de place en place

Rappeur lyonnais de la place Voltaire, quartier de la Guillotière, Tedax Max, aka OG Max, est passé à Paris il y a peu, poser ses lyrics et déballer son guts, au centre culturel hip-hop « La Place » installé à Châtelet. Aidé de son beatmaker Tutslar « à la prod », Tedax Max a déjà décliné sa « forme olympique » en trois albums éponymes détonants, parus à toute berzingue en 2021. Entretien.


LVP : Salut Tedax Max ! Tu peux te présenter rapidement ?

Tedax Max : Moi c’est Tedax Max, je suis un jeune artiste originaire de Lyon qui rappe depuis plus de dix ans, d’entre 30 et 39 piges (qui vient d’avoir 30 ans). J’ai commencé à me faire connaître avec mes clips en 2020. L’année suivante on a lancé une série de projets qui a connu un certain succès d’estime, on va dire ! Il y a trois volets, trois univers différents, Forme Olympique (janvier 2021), Forme Olympique : Middle Season (juin 2021) et Forme Olympique : Final Season (décembre 2021). C’est un projet qui nous a servi de carte d’identité et qui nous a propulsés ici, à La Place !

LVP : Qu’est-ce que ça représente la « forme olympique » pour toi ?

TM : La « forme olympique » c’est être en pleine forme, c’est arriver dans ses meilleures conditions physiques. Il y aussi un rapport avec l’Olympique Lyonnais. J’ai joué là-dessus. Puis, l’Odyssée, l’Iliade, la mythologie, les dieux grecs, etc., c’est quelque chose que j’aime beaucoup et que j’ai toujours adoré. Les trois covers sont remplies de ces références. Derrière le projet Forme olympique, il y a tout ça.

LVP : C’est quoi les grands thèmes ou les choses de la vie qui t’inspirent ?

TM : Dans mes sons, je raconte la vie d’un petit débrouillard. Il y a de tout dans un quartier. Les gens font par divers moyens, licites comme illicites. Et on vit tous ensemble. Il y a celui qui fait des études mais qui travaille au supermarché, il y a aussi le mec qui n’a jamais étudié et qui roule en classe C, il y a les mamans qui travaillent, les voisins, les concierges… Je raconte les choses du point de vue d’un mec de quartier mais en réalité ce sont avant tout des thèmes de la vie. Peu importe le milieu d’où l’on vient, que tu grandisses dans le 16e ou en cité, face à la morale de la vie, on retombe tous sur les mêmes points. Et ça, peu importe à quel degré on vit ou côtoie les choses. La trahison, l’amitié, l’amour, l’abandon. On peut tous le ressentir. Pour moi c’est du « rap de vie ».

LVP : Quand est-ce que tu as commencé le rap ?

TM : J’ai commencé à 18 ans mais j’ai tellement aimé le rap qu’à mes yeux j’ai commencé à en faire dès que j’en ai écouté. Je rappais sur les sons que j’avais dans les oreilles. La première fois qu’on a fait un rap sorti de nulle part, c’était à Vénissieux (Rhône). On avait enregistré ça sur un téléphone. On n’a jamais lâché depuis.

LVP : Ça se passe comment le rap à Lyon, vous vous côtoyez entre rappeurs, vous avez des projets ensemble ?

TM : Ça se démocratise et il commence à y avoir des choses. C’est une ville où ça a mis du temps à venir. On a pris du retard sur le rap parce qu’il y avait une certaine mentalité. Avant, c’était la honte de rapper. Tu t’affichais. Pour les plus anciens, les plus grands, ce n’était pas bien vu. On rigolait d’un mec qui rappait : « tu rappes, tu racontes quoi ? ». Ceux qui le faisaient se retrouvaient entre eux mais sans forcément le partager. Les potes avec qui j’étais tous les jours s’en battaient les reins ! Ils disaient « il est chaud », mais pas sérieusement, car ça ne les intéressait pas. Ce n’était pas vraiment vu comme un truc sérieux. Je rejoignais en studio mon beatmaker Tutslar et Los pour faire du son ensemble. Les mecs avec qui je traînais ne le savaient pas. Maintenant, les jeunes ont une autre vision et voient qu’il y a des noms qui sont hauts. C’est moins la honte de rapper. Tout le monde sait aussi qu’il faut y aller par les réseaux sociaux. Ça a démocratisé des artistes qui ont su faire du bruit avec leur nom.

LVP : En quelque sorte, Lyon assume le rap ?

TM : Ça assume grave le rap oui ! Il y a beaucoup de pages rap dans cette ville mais aussi énormément de rappeurs. Mais que ce soit à Lyon, à Marseille, à Paris, aujourd’hui, il y a une espèce de mentalité commune chez tous les jeunes. Un gars du coin peut voir maintenant par exemple comment un Canadien « gamberge ». Avant, c’était chacun dans son monde, on ne savait pas comment les autres gambergeaient, parlaient, rappaient… Lyon s’est ouvert. Plein d’artistes ont réussi, je pense à Sasso, L’Allemand, Ashe 22 de mon quartier de la Guillotière, La F

LVP : Tu as un label ?

TM : Oui. On a monté notre structure « Humble et affamé » et on a aussi notre studio dans le centre de Lyon.

LVP : Toujours affamé ?

TM : Toujours affamé, toujours, toujours.

LVP : Tu parles beaucoup de tes potes à l’ombre, du « parquet qui est rude », par exemple dans Double Binks 2. Qu’est-ce que tu peux me dire de cette « guerre » contre la drogue dans les « cités » ?

TM : C’est une lutte sans fin. Et je pense aussi que cette « guerre » est une hypocrisie. Car il n’y a pas seulement dans les quartiers, en bas des tours, que ça se vend. Ça se propage partout et ça s’échange à toutes les échelles. La drogue touche tout le monde. Il y aura toujours quelqu’un pour la vendre. Mec de quartier ou pas. En tout cas, ce que génère la drogue, c’est vicieux. Tu entends parler de mecs qui collaborent, qui s’entendent avec la police. Et puis, de toute façon, tant qu’il y aura de la demande… C’est comme l’alcool, je vois difficilement comment on peut l’interdire.

LVP : Tes potes sont sortis depuis ?

TM : La plupart sont sortis. Smoky est toujours dedans. Dédicace à lui. Il y en a qui sortent, qui rentrent. Toujours les mêmes. Il y en a qui comprennent dès la première fois, d’autres au bout de la dixième fois. Ça dépend de la compréhension des choses. Ça fait partie de la life.

LVP : Ça représente quoi le rap pour toi ?

TM : Je suis un auditeur qui fait du rap. Je kiffe prendre ma claque sur les sons des autres. Je suis tout le temps dessus. Donc, se retrouver dans ces loges rap aujourd’hui, avec ces gens qui ont envie d’écouter ce qu’on fait et qui le respectent, c’est fort, big respect ! Mais il reste du chemin à parcourir. On fera du mieux qu’on peut. En tout cas, en être là actuellement, je ne pouvais pas demander mieux.

LVP : Tu écoutes quoi en ce moment ?

TM : Eesah Yazuke ça a été une grosse claque. J’écoute aussi Makala, Lesram et Esteban.

LVP : C’est quoi ce qui te motive en ce moment ?

TM : Ce qui me motive c’est de voir où je suis et le chemin qu’on a fait. Je ne me suis jamais trompé. Et je suis trentenaire maintenant, on ne peut pas regretter. On est là, on ne s’est pas trompés et on continue d’avancer.