Presque trois mois sont passés depuis la sortie du premier single de TERRIER, Tourniquet. Trois mois qui lui ont déjà suffi à faire ses preuves et à défendre son projet sur scène, que ce soit en solo ou notamment en première partie de quelques grands artistes tels que Camp Claude, Hervé ou encore Balthazar. Et en attendant que ce premier chapitre ne se dévoile davantage dans les mois à venir, nous avons profité des Bars En Trans pour aller à la rencontre de l’artiste en décembre dernier et lui poser quelques questions. L’occasion pour nous de le découvrir plus en profondeur et l’occasion pour lui de se présenter et se confier avant de prendre son envol vers un futur prometteur.
La Vague Parallèle : Hello ! Comment vas-tu aujourd’hui ?
TERRIER : Je me réveille, mais ça va très bien ! On n’a pas fait trop de folies encore, on fera les folies ce soir. (rires)
LVP : Tu as donc choisi TERRIER comme nom de scène, est-ce qu’il y a derrière ce choix une idée de refuge voire de protection à travers la musique ?
TERRIER : À la base j’ai écrit un morceau qui s’appelait Le Terrier et c’est arrivé quand j’étais dans ma phase de recherche où je ne savais pas où j’allais artistiquement, où je tentais pleins de choses, etc. et j’avais écrit cette chanson qui définit un jardin secret assez sombre. Je voulais me servir de ce morceau pour dévoiler mon jardin secret et je ne voulais pas ce soit tout beau et je l’ai donc appelé Le Terrier. Et à ce moment précis, je cherchais un nom, c’est venu comme ça et je me suis dit que ça me correspondait, donc j’ai foncé. J’aime beaucoup ce mot, c’est également la maison des Weasley dans Harry Potter ! (rires) Il y a également quelque chose de très animal dans ce nom qui fait écho au fox-terrier, il y a ce côté un peu sauvage, un peu simple. Je ne suis pas du genre à faire des manières et ma ligne directrice, c’est d’être toujours naturel, honnête et je pense qu’un chien c’est un peu comme ça, il ne réfléchit pas à la façon dont il doit se comporter et donc moi ça me correspondait vraiment bien.
LVP : Comment t’est venue l’envie de lancer ce projet solo ?
TERRIER : Avec mon ancien groupe, on débutait les compos pour un album qu’on avait en projet et on commençait à avoir des divergences au niveau artistique où chacun allait naturellement un peu de son côté et il n’y a pas eu d’embrouilles ou quoi que ce soit, ça s’est vraiment fait comme ça. Et à un moment, j’ai décidé de faire mon truc car je le sentais, j’avais envie de le faire, je savais où j’allais même si ça ne plaisait pas forcément aux membres du groupe. C’était une décision un peu dure à prendre mais j’ai arrêté le groupe pour faire ça.
LVP : Avec tes mots, peux-tu nous définir l’univers derrière TERRIER ?
TERRIER : Il n’y a pas vraiment d’univers précis, quand je compose je ne me mets pas de règle. Il y a des choses qui me plaisent, d’autres non, comme tout le monde. Je ne me dis jamais qu’il faut que ce soit pop, qu’il y ait un refrain etc, je me laisse aller et c’est un peu le côté liberté et prise de parole qui prend le dessus. Je suis quelqu’un qui va un peu garder ses sentiments dans la vraie vie, je ne m’exprime pas facilement mais en chanson c’est plus simple et je profite de ça pour faire du TERRIER. Et pour répondre à ta question, l’univers de TERRIER aujourd’hui c’est déjà de la chanson, une chanson assez dark, car les premiers trucs qui me viennent en tête quand j’écris, ce sont des choses assez sombres même si je pense que ça va évoluer avec le temps. C’est très inspiré du punk anglais des années 80-90 en terme de musique, un punk mélangé avec des trucs ricains hip-hop où ils faisaient des loops avec des bandes. Il y a un côté très DIY, mais aussi français où t’as un chanteur qui prend la parole et qui a la position d’orateur et ça me plaisait beaucoup ce mot – orateur. En terme de style de musique, c’est très hybride, car je n’ai pas du tout envie de m’enfermer dans un truc. C’est un mélange entre la pop, le hip-hop, le punk et la chanson française.
LVP : Avec ton premier single, Tourniquet, les retours ont été plutôt positifs, tu as également fait une petite poignée de dates, la première partie de Balthazar il y a peu et de belles choses se dessinent pour l’avenir. Quel est ton ressenti face à cet engouement progressif que le public porte envers ton projet ?
TERRIER : C’est une super surprise, je ne m’attendais pas du tout à ça pour être honnête. Quand j’ai décidé de sortir Tourniquet au lieu d’une autre, c’est parce que je trouvais qu’elle définissait le projet dans sa globalité, elle avait toutes les couleurs que j’aime avec ce côté mélancolique mais aussi nostalgique dans les textes et la voix. On a été inclus dans beaucoup de playlists, on a eu des entrées en radio et c’est vraiment motivant pour la suite. Quand on a fait la première partie de Balthazar et que j’ai eu la proposition au téléphone, c’était jouissif, car c’est un groupe que j’écoute dans mon salon et du jour au lendemain on m’a dit ça, c’était trop bien ! Ça m’encourage beaucoup en tout cas, car dès que j’ai un moment je vais en studio, j’ai envie de continuer ça.
LVP : Pour ton clip ou même tes clichés sur les réseaux sociaux, tu as opté pour des visuels monochromes, est-ce qu’il y a une raison à cela ?
TERRIER : Tout à fait. Il faut savoir que je fais de la musique à l’image à la base et j’ai donc un rapport à l’image assez important. Aujourd’hui, j’utilise un clavier qui est le mellotron et pour moi quand je ferme les yeux et que je pense mellotron, c’est le noir et blanc qui vient et c’est pour cette raison que j’ai mis du noir et blanc partout. Avec la musique, je ferme les yeux, j’écoute le truc et je m’imagine des choses et ça a toujours été en noir et blanc pour l’instant. Après je ne veux rien spoiler mais ça évoluera, c’est certain.
LVP : La mélancolie semble prendre une place majeure dans tes compositions. Constitue-t-elle une part importante de ton inspiration ?
TERRIER : Absolument, c’est le sentiment qui m’aide le plus à écrire. Mes textes se basent sur des événements passés, des choses que je ne peux pas dire en soirée à des potes par exemple et en chanson c’est plus facile pour s’exprimer. En musique tu peux mettre des mots rigolos, jouer de l’attitude, il y a un truc où quelque part tu te détaches un peu de la chose même si en vrai ce n’est pas forcément le cas. La mélancolie me nourrit quand j’écris, c’est ce que j’aime écouter. Je suis un grand fan de Radiohead et pour moi ça fonctionne un peu comme ça chez eux. Ça évoluera ça aussi, car les nouveaux titres ont moins ce côté mélancolique, mais pour l’instant c’est comme ça.
LVP : J’ai écouté quelques unes de tes démos et je trouve qu’il y a une familiarité omniprésente dans tes textes bien qu’ils soient personnels. Est-ce une façon pour toi de saisir l’attention de ton auditeur à travers le sens universel de tes textes ?
TERRIER : Honnêtement, je ne réfléchis pas à capter l’auditeur ou non lorsque je fais mes textes. Après c’est un peu contradictoire ce que je vais dire, car indirectement oui, c’est pour l’auditeur même si je ne cherche pas à lui faire plaisir. Pour les textes, je me suis posé quelques mois pour écrire énormément de trucs, des trucs plus poétiques mais où je ne m’y retrouvais pas et ça me faisait chier de chanter ça et aussi des trucs plus directs, plus sales où je n’assumais pas forcément. Et en fin de compte, j’ai juste décidé d’écrire comme je parle dans la vraie vie. Chacun a son vocabulaire quand il parle et moi j’ai choisi de faire comme je parle dans la vie et si ça plaît c’est cool, si ça ne plaît pas, tant pis. Quand je chante en concert, il y a des phrases qui me font marrer dans les textes et il faut savoir qu’il n’y a pas de frontières entre mes textes et ce qu’il s’est passé dans ma vie, c’est très direct.
LVP : La musique est-elle pour toi l’exutoire idéal face à un quotidien qui peut s’avérer un peu trop fade par moments ?
TERRIER : Je ne sais pas trop, c’est un outil qui m’aide beaucoup, c’est certain. Et d’ailleurs, c’est le cas pour une de mes musiques présente dans le set, car je l’ai écrite après m’être embrouillé avec une personne, je suis arrivé en studio et le morceau je l’ai fait en une heure. Et aujourd’hui, la track est telle qu’elle est, il y a un truc assez direct et je n’ai pas envie de la modifier.
LVP : J’en viens également à me demander : comment appréhendes-tu ton futur dans le monde de la musique ? Est-ce qu’il te rebute ?
TERRIER : C’était le cas avec mon expérience du groupe que j’avais avant mais maintenant plus du tout. Avec ce groupe on a découvert le monde de la musique, des choses qui font peur et aujourd’hui c’est différent, car on voit qui est intéressé et qui ne l’est pas. C’est un milieu où il y a de l’argent donc forcément il y a toujours des discussions un peu superficielles mais moi en tant que musicien, il faut que je reste dans ma musique. Je suis au courant de tout ça et j’ai envie de jouer avec, j’ai pas envie d’aller à l’encontre de ces expériences. Je trouve ça plutôt rigolo aussi, il y a quelque chose d’assez excitant là-dedans. Après je pense que si tu me dis que demain je joue pour Taratata, eh bien je me chie dessus mais c’est comme ça, il y a des étapes à passer et j’adorerais faire Taratata, car c’est ce que je regardais quand j’étais gosse. Mais non, ça ne me fait pas peur, enfin pas aujourd’hui. On en reparle plus tard ! (rires)
LVP : En parallèle de ton projet solo, tu composes également pour des séries, films, etc. Peut-on alors dire que les morceaux derrière TERRIER constituent quant à eux la bande originale de ta vie ?
TERRIER : Ouah, c’est un bien grand mot ça ! (rires) Je ne dirais pas ça même si c’est une super idée, ça pourrait être un bon concept d’ailleurs, mais je ne pense pas, car je ne fais pas des morceaux que pour moi. Tu vois, il y a un morceau, c’est un clin d’œil à ma bande de potes d’enfance et ce morceau est pour eux, pas pour moi, car je leur dois beaucoup. Après oui, ça correspond quand même à ma vie mais ce n’est pas forcément toujours le cas. Je n’ai pas réfléchi à ça comme ça en tout cas.
LVP : Musicalement, peux-tu nous raconter un peu quel est ton processus de création ?
TERRIER : Il est différent à chaque fois, c’est-à-dire que parfois j’ai des mélodies en tête, je les enregistre sur mon téléphone, je me pose avec une guitare, je commence à gratter des trucs, un gimmick de voix, des accords qui me plaisent, j’enregistre tout. Parfois j’ai envie de composer sur mon ordi donc je balance les trucs, je fais une prod et puis je pose un chant, je fais le texte. Parfois je me balade dans la rue et je fais un texte. C’est très variable, tous les morceaux du set ont été amenés différemment, j’ai vraiment zéro règle. J’imagine qu’il y a sûrement des choses qui marchent mieux mais moi je suis toujours dans l’expérience, le projet est tout récent, j’ai envie d’expérimenter un maximum et peut-être qu’un jour j’aurai une unique façon de faire. J’aime bien la différence où tu n’es jamais dans le confort, car le problème avec le confort c’est qu’il est confortable, tout simplement.
LVP : Il y a un certain éclectisme qui ressort dans tes influences, est-ce important pour toi d’adopter cette pluralité des genres musicaux et de ne pas te mettre dans des cases ?
TERRIER : Oui, vraiment et je trouve ça super. Aujourd’hui, quand je fais des interviews, personne n’est capable de définir le style et je me dis « ouah, trop bien ! ».
LVP : C’est vrai que l’intérêt de s’attribuer un seul et même genre est plutôt inexistant…
TERRIER : Carrément. C’est de la pop sauvage ! (rires) Non et puis même dans le chant, quand je fais des concerts, il y a des gens de la musique qui viennent me voir avec un avis constructif, car forcément ils voient beaucoup d’artistes et c’est ce qui est cool, car ça fait avancer le projet. Et par exemple, il arrive qu’ils me disent « Ça serait bien que tu fasses que du slam, que de la voix éraillée… » et moi, j’aime bien faire un peu de tout, mélanger ces trucs-là. Ma ligne directrice sur le chant, c’est d’être direct, frontal et tu peux l’être de différentes manières, c’est pour ça qu’on n’arrive pas à définir ma musique et c’est ce qui me plaît, car c’est ce qui fait qu’on vient me voir en concert, on ne sait pas ce que c’est mais on verra, par curiosité.
LVP : Pour le moment, tu as opté pour une formule à deux sur scène. Envisages-tu de la partager avec d’autres musiciens plus tard ?
TERRIER : Oui et je suis assez fan de la formation qu’avait Charlotte Gainsbourg sur la dernière tournée, des machines, mélangées à des trucs organiques, c’est vraiment le style qui me plaît mais faut pas dire ça au tourneur ! (rires)
LVP : As-tu ressenti une quelconque appréhension la première fois que tu es monté sur scène pour défendre ton projet ?
TERRIER : Bien sûr oui et je me suis chié dessus pour être honnête, surtout pour les cinq premiers et encore aujourd’hui. Là on commence tous les deux à trouver des manières de sortir un peu du stress, de se chauffer, de se concentrer, notamment avec le petit Ricard d’avant scène, car la bière ça fait roter. (rires) C’est toujours un peu flippant et là c’est notre onzième ou douzième date, c’est encore un peu frais et par exemple là, ce sont les Bars En Trans, il y aura beaucoup de professionnels, le bar sera blindé, les conditions seront sportives donc du coup t’es forcément dans un truc stressant mais il faut jouer avec. C’est aussi stressant qu’excitant et quand tu ne ressens plus rien, que tu montes sur scène et que tu fais ton concert, je ne suis pas sûr que tu kiffes. Là, il y a une vraie sensation et une vraie descente après le concert, c’est chouette, car tu sais pourquoi tu fais ça, c’est ça qui est bon.
LVP : Quelles sont tes perspectives d’avenir pour TERRIER ? Envisages-tu ce projet sur le long terme ?
TERRIER : Oui, absolument. Je vais prendre l’exemple de Dominique A qui est là depuis très longtemps, il n’a jamais eu un succès éphémère avec un tube, il n’a jamais fait ça et pourtant il est toujours ici et il est respecté, car c’est un super musicien et auteur. J’aime beaucoup ce style de carrière et il y en a d’autres qui ont fait ça, mais c’est plus vieux aujourd’hui, il faut essayer d’échapper à ce truc éphémère car j’ai l’impression que les médias aiment beaucoup ça. J’ai envie de construire sur la durée en tout cas et si ça se trouve, c’est moi qui vais refuser, car je n’aime pas ça mais pour l’instant je kiffe, on verra bien.
LVP : Enfin, peux-tu partager avec nous quelques uns de tes derniers coups de cœur musicaux ?
TERRIER : Presque chaque mois, je me refais l’album de Billie Eilish et c’est assez bizarre, car il y a deux ans je ne m’imaginais pas du tout écouter ça.
LVP : C’est pas un peu un plaisir coupable d’écouter sa musique ?
TERRIER : Non du tout, car la prod est tellement bien, j’adore la personne, elle dégage un truc qui est cool même si au fond ça reste très mainstream, j’assume totalement. J’aime beaucoup Jazzboy aussi que j’ai d’ailleurs croisé sur le parking tout à l’heure et il y aussi mes potes de SÜEÜR qui ont sorti leur titre MTM il n’y a pas longtemps, je les ai vus en concert hier, c’était trop chouette. Le dernier album de Tyler, The Creator mais pas grand chose de plus, je t’avoue que j’écoute peu de musique. Je n’en écoute que quand on fait des dates et qu’on part sur la route, car quand je suis en studio, je fais beaucoup de musique à l’image, je suis très occupé et en général quand tu sors de dix heures de studio, tu te fais un petit FIFA mais tu n’écoutes pas un skeud. C’est un peu nul de dire ça mais c’est le cas, je suis désolé. (rires)