The Marías nous fait vivre dans un rêve le temps d’un album des plus cinématographiques
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Auteur·ice : Caroline Bertolini
01/07/2021

The Marías nous fait vivre dans un rêve le temps d’un album des plus cinématographiques

Les Marías sont de retour pour nous donner un peu de leur dramaturgie. Le groupe avait déjà sorti un bon palmarès de chansons qu’on pourrait qualifier de psychedelic soul, dream pop, indie pop. Il nous fallait maintenant un opus complet qui traduise leur son, défini au fil des années. C’est chose faite puisque The Marías nous ont offert CINEMA le 25 juin dernier. Un projet qui rend hommage aux inspirations cinématographiques de María et Josh, qui les ont porté·es visuellement et musicalement depuis leurs débuts. Préparez-vous donc à vivre une expérience complète avec ce chef d’œuvre. 

Le groupe californien a toujours su porter attention à l’esthétique de leur musique, que ce soit au niveau de l’image ou au niveau du son. De cette couleur écarlate qui nous rappelle Almodóvar, iels se sont créé·es une identité poétique qu’on reconnaîtrait entre mille. Une autre personnalité qui les a marqué·es, c’est Wes Anderson et sa dramatique symétrie colorée. On les retrouvait aussi beaucoup sur du vintage et des textures de satin, quoi de plus sensuel pour célébrer une musique qui donne envie de séduire la terre entière. Il était maintenant venu le moment de sortir un opus complet et de rendre hommage au monde du cinéma en pensant ce projet de la façon dont on regarde un film, avec ses interludes et moments de climax. María (musicienne, chanteuse) disait d’ailleurs à GRAMMY.com que le but était de “transporter les auditeur·ices dans leur propre petit film dans leur tête”.  Alors cette chronique a été écrite avec la même intention.

Acte 1

Cet acte commence par la plus douce des intro, Just a Feeling. Des violons et une guitare romantique qui ramènent à une mélancolie certaine. Un rêve, presque, qui nous laisse en transe pendant quelques instants – bref, des frissons.

 

On se fait alors réveiller par un aboiement soudain qui nous ramène à la réalité, aussi dure soit-elle. Du créneau classique, on se retrouve dans une instru upbeat et presque électro pour un refrain qui nous restera en tête, celui de Calling You Back. On entre dans le feu de l’action pour parler passion et rupture, les thématiques des meilleures chansons certainement. Certains moments laissent un peu de douceur et d’amour revenant à l’essentiel de la voix fluette de María et d’autres y ajoutent la voix de Josh pour un combo surpuissant. Chaque douceur s’accompagne d’une césure nette vers un excès de sentiments, signifié par la production chargée. Un des singles les plus efficaces de ce disque, sans aucune hésitation.

I guess I messed up, babe, I deserve this, yeah
I’m calling you back, pick up, out of service

 

 

Hush continue sur le même dynamisme abrupt mais au lieu de ce sentiment mélancolique qui pousse à se diminuer, on se retrouve en position de force grâce à des basses puissantes et bien dosées. Un single fort qu’on avait pu découvrir avant l’album et qui nous avait directement révélé une nouvelle facette du groupe, plus assurée, plus directe, mais toujours avec cette touche de sensualité – même dans la colère et le ressentiment. Le clip était également une œuvre d’art comme chacun de leur visuel, incroyablement esthétique et contrasté. Sous une légère folie rouge et blanche, dans des scènes symétriques basées sur le mouvement, on peut y reconnaître l’influence des deux cinéastes inspirants que sont Pedro Almodóvar et Wes Anderson. On se sent en contrôle, en confiance, rien ne peut nous arrêter.

Don’t think you’ve made it under my skin
Could never get in
Forget about it
Don’t talk so much
Your tongue is burning up
I’ve had enough
Forget about it

 

Vient alors le moment de l’humilité arborée comme une douce couverture de soie par All I Really Want Is You. La tendresse est de mise, on retrouve une atmosphère moins anxiogène et bien plus apaisante. Une production parsemée de jazz qu’on entend à peine, mais suffisamment. Le son originel du groupe transparait dans ces quelques délicates minutes, dans un sentiment intense et charnel, qui sort définitivement du lot.

All I really want is you
What would you do?
Sleeping outside, the moon
Tripping with you

Il faut une seconde à Habla Con Ella pour nous avoir en plein dans le cœur, 30 secondes pour nous mettre dans un état qu’on ne comprend pas nous-même, c’est le plus bel interlude qu’il nous ait été donné d’entendre, et il est malheureusement beaucoup trop bref. On le veut encore et encore. Sur cette fin de premier acte, c’est l’amour qui l’emporte, comme toujours dans nos rêves les plus beaux. C’est alors que l’interlude finit et qu’arrive doucement dans nos oreilles Little by Little, qui a pour mission de nous faire bouger des épaules aussi lentement qu’il faut à un félin pour guetter sa proie. Légère, délicate et pourtant assurée, comme une étreinte qu’on retient en partie, pour en faire durer la tension. C’est aussi le premier morceau dans lequel on peut entendre de l’espagnol, un bilinguisme qui est la marque de fabrique du groupe.

You got the moonlight stuck in your teeth
You got me tongue-tied tryna get it

Plus pop rock, Heavy est peut-être la track qui nous emporte le moins dans son univers. Elle insuffle tout de même la délicatesse qui est indispensable à la musique du groupe. La dévotion est de mise, la répétition des riffs nous laisse en attente d’un moment de libération qui n’arrive malheureusement jamais mais qui nous laisse flottant. Elle a tout de même la qualité d’une ligne de basse remarquable qui fait toujours plaisir à nos oreilles.

‘Cause I don’t want to be in love with another
Even in another life

Can someone tell me it’s alright to be covered
Underneath the covers

Acte 2

Plus court et surtout plus inconnu à nos oreilles, voici la deuxième partie de cet opus. Le drame ne serait pas entier si la fin n’était pas brève. Un Millón se présente à nous comme un hommage aux origines de l’artiste et musicienne qui mène ce groupe avec une main de satin depuis ses débuts. Venant de Porto Rico, María a énormément écouté du reggaeton et s’est un jour demandé avec Josh ce à quoi pourrait ressembler une chanson reggaeton des Marías. Pensé à la base comme un essai, ce single parle d’amour et du temps passé à deux dans sa ville natale sous une trap qui nous donne envie de danser en bonne compagnie. Ces paroles brulantes de sensualité en témoignent (on vous laisse traduire) :

Bailando junto a ti
Yo quemándome en tu cuello
Tú te mueves hacia mí
Fuego aquí que está bailándote, bebé
Me llevas
Bailándote, bebé
Me quemas

 

 

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Si ce deuxième acte manque un peu de visuels, l’image on la connaît, puisque c’est la partie qui nous est la plus familière au niveau de la couleur du son du groupe. Un nuage, un rêve édulcoré qui continue avec Spin Me Around. C’est la voix, toujours efficace de María, ce riff indie et la batterie discrète mais indispensable de Josh qui, ensemble, nous mettent dans un état de désir intense. On est de plus en plus dans la suggestion et la tension sexuelle ici, qui ne dévoile jamais tout, pour plus d’effet.

‘Cause I know what you’re thinkin’ about
Babe, I’ll let you spin me around

Daisy, cherry tattoo be looking tasty
I like the necklace that you made me

The Mice Inside This Room a quelque chose de particulier qu’il est difficile de décrire. Comme un sort qu’on jette à son audience, cette production est envoutante, elle fait durer l’évasion. C’est peut-être la chanson la plus différente sur l’album, avec l’apport d’un son nouveau, un peu de voix distordues et un son oriental qui rappelle la grandeur l’Egypte antique d’une certaine façon – ce qui la rend vraiment intéressante. Le tempo y est assez rapide et pourtant on reste dans l’état de relaxation que le groupe arrive à induire comme atmosphère sur tout le projet.

Pushing my love aside
Before I sleep tonight sing me a lullaby

 

To Say Hello est peut-être une des chansons les plus importantes de cette œuvre cinématographique. C’est l’histoire d’un être humain qui se languit de la personne qu’il a blessée. C’est s’effacer un peu pour reconnaitre ses erreurs et s’ouvrir à l’autre en commençant par un bonjour, bizarrement l’étape qui est la plus difficile lorsque l’on est devenu étranger·ère à l’autre. Cette chanson touche particulièrement à tous niveaux, autant dans l’intention que dans les paroles et dans la production qui est si minimaliste et pourtant pas tellement. On y retrouve tous les ingrédients qui nous font aimer The Marías du plus profond de nos cœurs meurtris, qui ne peuvent s’empêcher de chanter et célébrer la tendresse qui nous est offerte.

You want to talk, I’m hanging up
I miss you, I messed up
I called to say hello
Take the summertime to grow
I’ve seen this all beforе

 

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On est presque à la fin du film, et Fog as a Bullet vient nous chuchoter à l’oreille une jolie ballade pour s’endormir paisiblement. Encore une chanson qui célèbre la langue espagnole avec une douce trompette en fond, discrète et tendre, se fondant dans la mélodie chantée par María. Magnifiquement dramatique. On se languit également.

Llorando
Me la paso llorando
Me la paso añorando
Me la paso en ti

Talk To Her, c’est la traduction du premier interlude Hable Con Ella, la boucle est bouclée et le message est passé, ce message c’est “Parle-lui”, à elle. La fin du rêve est arrivé, on espère que vous l’avez apprécié autant que nous. On le termine de la plus belle des façons avec un spoken word des plus délicats qui nous rappelle un voyage en train mélancolique. On regarde par la fenêtre et on ressent toutes les émotions qu’on doit ressentir, sans rien mettre sur le côté. L’amertume de la fin est remplacée par un sourire en coin qu’on a du mal à cacher devant les autres voyageur·euses. C’est une pure poésie, et les drama kings and queens que nous sommes ne pourraient en être plus heureux·euses.

It’s raining, finally, and the van is slowly drifting into the other lane slowly. Eddie is driving. Everyone else is asleep, sometimes coming up for air, their heads poking up like groundhogs before sinking back into their holes. But it’s not all dark and grim, there are moments of hope, they come to me when it’s quiet. They come to me when everyone is synched in their levels of happy which doesn’t happen often, so when it does, it’s nice. I wonder, if we’ll look back and think that these miles of cornfields, these English breakfasts, these forced smiles, these moments that were gone, the momentary calms, thousands of little bugs pressed against our windshield, were all worth it.

Vous aurez compris que cet album nous transcende à chaque écoute. Autant visuellement que musicalement, c’est une œuvre complète et c’est dans l’air que se propage le pouvoir du groupe désormais. Une sphère toute en finesse façonnée par les artistes qui arborent une réelle vision. Tout y est plus romantique, plus sensuel, sans réserve et sans barrière. Il faut écouter cet album comme un tout, en s’abandonnant à lui – et c’en est d’autant plus libérateur.


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