The Rat Road : le retour de SBTRKT résonne comme une belle et longue lettre d’amour à l’ère digitale
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
10/05/2023

The Rat Road : le retour de SBTRKT résonne comme une belle et longue lettre d’amour à l’ère digitale

Après avoir marqué les années 2010 de sa musique électronique habitée et de ses collaborations minutieusement sélectionnées (Jessie Ware, Sampha, Ezra Koening, Drake), le producteur SBTRKT revient après sept ans d’absence, fait tomber le masque et livre un quatrième album généreux et lumineux, intitulé The Rat Road, plus en contrôle de sa vision que jamais auparavant.

Le mystérieux producteur londonien SBTRKT, à prononcer “Substract”, a forcément déjà croisé la route de vos tympans — et peut-être même de vos petits cœurs. Très actif au début des années 2010, de façon complètement anonyme, il est l’auteur de deux albums confortablement assis au panthéon des œuvres électroniques qui continuent de marquer les nouvelles scènes, à savoir SBTRKT en 2013 et Wonder Where We Land en 2014.

Sept ans après la sortie discrète de son dernier projet solo SAVE YOURSELF, Aaron Jerome décide de nous dévoiler tant son visage que son affect, à travers un comeback long de 22 titres, conviant une tablée de vocalistes comprenant de nouvelles têtes pleines de promesses (Teezo Touchdown, LEILAH, Saya Gray) mais aussi les héro·ïnes du registre (Toro y Moi, Little Dragon, Anna of The North, George Riley ou encore Sampha, qui signe un joli retour qui fait du bien).

Tranchant avec la brièveté conceptuelle de ses précédentes sorties, Aaron Jerome ne s’interdit pas grand chose sur The Rat Road. Son éclectisme donne l’impression que le Britannique a méticuleusement observé les mouvances électroniques de ces dernières années (dance music, synth electronica ou encore drum and bass) pour en revisiter plusieurs à sa sauce, infusant un enivrant esprit jazz à l’ensemble. Une étude musicale qui aura donné lieu à plus de 400 morceaux, desquels sont issus la vingtaine de pépites qui constellent ce quatrième album.

Sur le disque, on retrouve autant de flottements célestes aux accents organiques (NO INTENTIONque d’élans produits aux kicks et snares plus lancinantes (YOU BROKE MY HEART BUT IMMA FIX IT). Parfois le mélange se crée au sein même du morceau, comme sur cet insaisissable L.F.O. qui invite Sampha et George Riley sur une track changeante, paisible puis frénétique, qui débouche finalement sur une outro de free jazz jubilatoire. Un équilibre savamment ficelé, et rendu digestible par des interludes tantôt instrumentaux, tantôt narrés par les voix de la légende grime britannique D Double E ou de Kai-Isaiah Jamal, poète et mannequin militant·e, première personne noire et transgenre à figurer dans une campagne menswear de Calvin Klein en 2021.

Plus loin, c’est la Japonaise-Canadienne Saya Gray qui signe un interlude planant et hanté, elle qui délivrait en 2022 un premier album absolument bluffant, intitulé 19 MASTERS, qui n’a jamais vraiment quitté nos oreilles depuis sa sortie. Elle s’invite aux côtés de Teezo Touchdown, nouvelle sensation excentrique américaine aux croisements entre Andre 3000 et Tyler, The Creator, avec un twist qui n’appartient qu’à lui. The Rat Road fait aussi la part belle à LEILAH, mystérieuse vocaliste au stade embryonnaire de sa carrière, mais qui avait déjà fait mouche sur deux morceaux du dernier album de Mura Masa.

Un casting léché et largement présent sur le disque, au risque de voler la vedette au protagoniste principal, dont le caractère personnel de l’opus se voit légèrement tâché par la multiplicité des voix. Ou alors est-ce par pudeur ? Une chose à la fois, SBTRKT nous a déjà dévoilé son identité, on lui laisse le temps pour le reste.

Tou·te·s ces invité·es prouvent au moins une chose : Aaron Jerome sait partager sa musique, et sa curiosité bat en rythme avec les tendances actuelles. En misant autant sur toutes ces nouvelles têtes que sur des noms plus attendus, à l’instar de Little Dragon ou Sampha (qui n’offre que des pépites sur l’album), SBTRKT tourne son nouvel album vers l’avenir et le renouveau, tout en déclamant son amour passionné pour les musiques électroniques qu’il a religieusement étudiées au fil des années, le regard tourné vers celles qu’il lui reste encore à explorer.

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