La vie qui file à mille à l’heure, l’effervescence des villes, les journées trop courtes pour un emploi du temps qui déborde… Vous reconnaissez les symptômes ? The Saxophones livre aujourd’hui un traitement sur mesure. On vous prescrit To Be a Cloud : matin, midi et soir pendant tout l’été. À renouveler dès que nécessaire.
Le duo tout droit venu de Los Angeles n’en est pas à son premier coup d’essai, loin de là. Si les murs de nos chambres connaissent déjà par cœur Eternity Bay (2020) et Songs of The Saxophones (2018), sans oublier leur magnifique premier EP If You’re in the Water (2016), il ne saurait tarder qu’ils apprennent les textes des dix trésors que sont les titres de To Be a Cloud. The Saxophones excellent lorsqu’il s’agit de ralentir, voire mettre en pause le temps. Ici, il est question de regarder le ciel et se laisser porter par des vagues cotonneuses. Parce que malgré tout ce que l’on a pu vous dire, avoir la tête dans les nuages, ça fait parfois du bien.
Aux racines du projet, on trouve Alexi Erenkov au chant, et sa femme Alison Alerdice aux percussions. Le duo conjugue la nature des grands espaces dans ce disque né dans la baie d’Iverness en Californie, les soirs, une fois les enfants couchés dans leur maison de famille. Tandis que le saxophone et les flûtes y dessinent tout autant les caresses que les rafales du vent, la réverbe des guitares ouvre l’horizon et dore les reflets d’un soleil d’été. Comme un mirage en plein désert, on pourrait qualifier To Be a Cloud de dreamy, ou encore blurry pour rester dans le thème. On se contentera de s’y plonger tête la première et de se laisser envelopper par le coton moelleux que tissent ces dix morceaux.
Enfant du jazz à l’origine, Alexi Erenkov a longtemps repoussé au second rang le saxophone, son instrument premier, allant jusqu’à ironiquement baptiser son projet. Si les premiers disques marquaient déjà la réconciliation, To Be a Cloud se fait encore plus aventureux par les images qu’il développe. Qu’il soit réconfortant dans In My Defense ou voyageur dans Margarita Mix, qu’il s’envole avec Hunter et Desert Flower, ou bien qu’il plane sur Savanna tel un oiseau dans le ciel, le saxophone prend ici tout son sens. Si bien qu’il valse avec les flûtes au fil du disque, menant la danse en s’enroulant autour sur Savanna ou laissant la place sur The Mist et Goddess in Repose.
Dans le propos, The Saxophones jouent la carte de l’analyse et abordent tout aussi bien le quotidien que des réflexions plus profondes. Lorsque Boy Crazy et Speak for You se font miroirs de questionnements de parentalité, le premier nous absorbe dans les pérégrinations des pensées d’un parent sur la personne que deviendra son enfant, tandis que le second s’écoute comme une berceuse avec de la douceur plein les poches pour les jours difficiles. Au-delà de ces échos plus personnels, Goddess in Repose, Margarita Mix et Hunter questionnent intelligemment les supposés rôles définis par des codes sociaux dépassés.
Le disque tire son nom d’un livre écrit par un moine boudhiste, Thich Nhat Hanh. « Il utilise les nuages comme métaphore pour illustrer l’impermanence de tout, en suggérant que les nuages ne sont pas différents des gens dans leur nature éphémère. La souffrance survient quand on essaye de préserver une personne, un moment ou une expérience, et qu’on n’arrive pas à reconnaître que tout dans le monde est à la fois éphémère et cyclique. Hanh soutient que le nuage ne meurt pas, mais change simplement de forme et que si on regarde bien, on peut voir le nuage dans la pluie. » C’est ainsi qu’Alexi nous offre la clé de lecture de ses textes, débordant de références à la vie et son caractère éphémère lorsqu’il évoque « I may not live forever » (Speak for You), ou encore « eternity at your fingertips » (Savanna). On s’émerveillera de la sagesse dont le duo fait preuve en négligeant l’immortalité lorsqu’ils affirment “I don’t want to be a cloud, it bored me then, it would bore me again” (In My Defense).
S’il y a un aspect qui fait de ce disque une perle rare de beauté, c’est bien sa simplicité. Contrastant avec ces considérations philosophiques tout en s’y associant parfaitement, To Be a Cloud prodigue toute la douceur que le message peut nécessiter. Lorsque l’on sourit aisément en découvrant que le nom de chaque titre lui a été donné par ses premiers mots, ils n’en semblent pas moins justes – preuve que les textes vont à l’essentiel, mais toujours en poésie. Du début à la fin, le rythme reste quant à lui celui d’une balade aux voix, basses, et réverbérations enrobantes.
Avec To Be a Cloud, The Saxophones signent un réel bijou à la beauté de pouvoir arrêter le temps. On ne pourra que vous conseiller d’aller prêter une oreille à ce disque. Le duo quittera d’ailleurs son Amérique pour un séjour européen à l’automne, l’occasion de se donner rendez-vous au POP UP! le 16 novembre prochain pour les découvrir sur scène.
En perpétuelle recherche d’épaules solides sur lesquelles me hisser pour apercevoir la scène, je passe mes concerts à faire les chœurs depuis la foule.