Transmissions From Total Refreshment Centre : l’apogée de la scène jazz contemporaine
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Auteur·ice : Charline Gillis
08/03/2023

Transmissions From Total Refreshment Centre : l’apogée de la scène jazz contemporaine

Comme son nom l’indique, Total Refreshment Centre est là pour nous rafraichir. Des artistes de haut niveau se réunissent pour nous offrir la crème de la crème via des collaborations éclectiques et créent ensemble des morceaux seulement imaginés dans nos rêves, mêlant du jazz, du funk, de la soul, du hip-hop. Les nombreux nostalgique du jazz de Miles Davis voient leur peine allégée et les oreilles curieuses découvrent un nouveau monde grâce aux membres talentueux du TRC.

Mais le TRC c’est quoi ? Vous l’avez compris, ce n’est ni un artiste ni un groupe. En effet, ce collectif a une histoire particulière. Destiné à fusionner des artistes de tous les continents et générations, le centre fut créé à Londres en 2012 par Lex Blondin, producteur, sous forme de studio d’enregistrement et de salle de concert. Une communauté de musiciens passionnés se crée petit à petit et en quelques années seulement, le TRC devient l’épicentre du jazz contemporain, soutenu par des groupes de jazz tels que The Comet Is Coming et Moses Boyd. Malheureusement, suite à des plaintes de voisinage, le centre est contraint de fermer ses portes en 2019. Pourtant, la communauté persiste et arrive avec l’idée d’un projet physique, rassemblant toutes les sessions musicales en un album qui perdurerait dans le temps. Trois ans plus tard, en association avec le célèbre label de jazz Blue Note, l’album Transmissions From Total Refreshment Centre nait. Art Blakey, Herbie Hancock, Thelonious Monk ou encore John Coltrane, ce label a enregistré presque tous les grands maitres du jazz du 20e siècle, et aujourd’hui c’est au tour du TRC.

 

Le bal s’ouvre prestigieusement avec Visions, un morceau interprété par Soccer 96 en featuring avec le rappeur Kieron Boothe, dans lequel une instru rétro est contrastée par le rap moderne et brut de Boothe. Avec un son comme celui-ci, vous êtes obligé·es d’augmenter le volume pour en absorber chaque seconde et plonger dans cette mélodie jazz/hip-hop dans l’espoir que ça ne s’arrête jamais. Dans le second titre, Byron Wallen, trompettiste emblématique de la scène jazz britannique, amène des sonorités afro-beat que les cordes d’Oli Langford arrivent à mettre en avant comme il faut, amenant un peu de douceur et d’académisme au morceau. Crescent City continue sur cette lancée avec 8 minutes 31 rythmées par le saxophone nonchalant de Tamar Osborn, artiste londonienne émérite. Ensuite, l’album prend un autre tournant avec Eloquence. C’est peut-être un des morceaux les plus surprenants de l’album. Mêlant diverses influences, l’instru se balade entre la Nouvelle-Orléans et l’Amérique Latine. Matters Unknown modernise des rythmes et laisse la place à la voix de Myriam Solomon qui vient dramatiser le moment.

Dans Isa, on découvre un artiste émergent, Noah Slee. Il pose sa voix sur une improvisation en direct. Oui oui, vous avez bien compris. Une improvisation dans un album. Procédé typique du jazz fusion, un style qui est sans aucun doute au cœur du projet. Composé d’une tonne de boucles samplées et de beaucoup d’associations jazz-hip hop, le jazz fusion ignore les limites entre les styles musicaux. Il peut parfois sembler dissonant, mais est en réalité de la création absolue et de l’exploration constante.

Black et Plight sont les deux derniers bijoux de l’album. Dans Black, Neue Grafik construit une instru sur base de rythmiques électroniques pour la plume engagée de Brother Portrait. C’est pour le moment le seul morceau accompagné d’un clip. Plight clôture le projet avec un morceau modernisant un classique du jazz et nous laisse sur notre faim de façon sûrement volontaire.

 

Quel album. Encore une preuve que le jazz ne s’épuise pas, qu’il existe dans le but de nous abasourdir. L’histoire du jazz est vaste et unique. Développé dans les communautés afro-américaines à la fin du 19e siècle, il a ensuite dépassé les frontières géographiques ainsi que les limites musicales en se développant à son image, gigantesquement. Différents styles se sont crées mais le jazz reste une grande famille où les petits-enfants puisent leurs imagination dans les recettes de leurs grands-parents. Les boucles d’accords sont reprises, puis samplées et encore re-samplées. C’est la formule magique du jazz. Presque un siècle plus tard, le TRC nous offre un album digne de son héritage regroupant des artistes du monde entier en nous emmenant dans des recoins lointains, presque oubliés de notre mémoire musicale. Passant par des moments calmes ainsi que des moments volatiles, les 7 longs titres de l’album s’enchainent de façon naturelle en faisant référence à des périodes historiques musicalement. Bref, c’est une vraie réussite. Une pépite de la musique instrumentale à savourer.

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