Un entretien avec Yuksek à la Magnifique Society
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Auteur·ice : Paul Mougeot
12/07/2022

Un entretien avec Yuksek à la Magnifique Society

Comment aurait-on pu aller à Reims sans interroger l’une des figures les plus emblématiques de sa scène musicale ? C’est peu dire que Yuksek occupe une place centrale dans le paysage artistique de la cité champenoise. Déjà à l’oeuvre à l’époque d’Elektricity, on l’a retrouvé pour la deuxième année consécutive sur la scène du festival qui lui a succédé, La Magnifique Society. L’occasion de discuter avec lui de ses nombreux projets et de son actualité récente.

La Vague Parallèle : Hello ! On se retrouve à La Magnifique Society, qu’est-ce qu’il représente pour toi, ce festival ? 

Yuksek : Je trouve ça hyper cool ! Quand ça a été créé, je trouvais dommage d’arrêter Elektricity pour faire La Magnifique Society. C’est deux esthétiques différentes, ce n’était pas au même endroit… Je trouvais ça dommage que ce soit la suite et pas autre chose, mais c’est vrai qu’on n’est pas dans une ville gigantesque donc peut-être que c’était mieux de faire comme ça.

Après, c’est une discussion de moi à moi, ça faisait déjà un petit moment que je ne m’occupais plus d’Elektricity, donc on s’en fout en fait (rires) !

LVP : Tu étais très impliqué dans Elektricity, le prédécesseur de La Magnifique Society. Que retrouves-tu de l’esprit d’Elektricity dans ce nouveau festival ? Qu’est-ce qui a changé ?

Y : C’est complètement différent, mais ce n’est pas plus mal. Je trouve que la scène Club est une très bonne idée, c’est bien d’assumer une vraie proposition qui va dans ce sens plutôt que d’avoir des petites scènes planquées où ça joue de l’electro entre les concerts. Là, tu sais que, du début à la fin, tu es là pour danser, et je pense que c’est quelque chose qui va plaire aux gens. Ça va au-delà de la programmation, s’ils veulent faire la teuf, ils savent qu’ils peuvent aller là.

LVP : Sur la scène de la Magnifique, tu partages l’animation de la scène Royal Garden avec La Forge, un autre collectif rémois. Quel lien conserves-tu avec la scène musicale rémoise, qui semble toujours aussi importante pour toi ? Qu’est-ce qui la caractérise à tes yeux ?

Y : Je garde toujours un oeil sur la scène rémoise, effectivement. Je ne connais pas tout le monde mais j’aime beaucoup Nathan Zahef, c’est un super DJ et un mec ultra gentil. C’est un beau collectif et j’ai l’impression que ça commence à bien prendre pour eux.

J’ai vu qu’il y avait aussi des groupes comme Rouge Congo qui jouaient en début de journée et qui font des trucs chouettes. C’est cool d’arriver à rassembler tout ce monde-là sur un week-end !

 

LVP : Toute cette effervescence, ça te donne envie de te remettre à l’organisation d’un festival ?

Y : Non, je me dis que l’electro est redevenue un truc de niche et je trouve ça cool. Je n’ai jamais couru après l’approbation du grand public et je me dis que c’est une bonne chose d’être suivi par des gens qui s’intéressent vraiment au son et qui ne sont pas là par hasard. Du coup, à l’heure actuelle, faire un festival qui soit purement électronique dans une ville de la taille de Reims, je pense que c’est un peu compliqué. Et puis surtout, j’aurais du mal à trouver du temps pour ça. C’est un vrai métier, et ce n’est pas le mien.

Quand on crée quelque chose dans ce registre-là, il faut un vrai élan collectif, il faut un crew. C’est ce qui s’était passé avec Elektricity, c’était une bande de gens, Brodinsky s’était ramené avec ses potes qui avaient dix ans de moins que nous… Il y avait une vraie synergie. Faire un truc pyramidal parce que je suis Yuksek et que je veux faire un truc à Reims, ça n’aurait pas trop de sens. Ce serait un peu artificiel. J’adore ce nouvel élan des collectifs, des familles musicales, j’adore être invité par un crew à jouer par exemple. Je trouve ça beaucoup plus excitant.

LVP : Oui, c’est vrai que parfois l’ambiance de la soirée est plus importante que le nom des artistes qui y jouent, c’était le cas d’Elektricity. 

Y : C’est exactement ça. Il y a quelque chose que je me suis toujours dit, c’est que, quand tu joues dans club, il n’y a qu’un faible pourcentage de personnes qui savent vraiment qui joue. C’est des leaders d’opinion, deux-trois mecs cools qui ramènent leurs potes, et de fil en aiguille plus personne ne sait qui joue, tout le monde vient juste parce que c’est cool. C’est le principe des fêtes electro et c’est quelque chose qu’il ne faut pas oublier quand on fait des soirées. Ce n’est pas le même fonctionnement que pour un concert.

LVP : Peux-tu nous expliquer à quoi nous attendre avec ce Dance’o’drome ? Que retiens-tu de cette aventure lancée il y a deux ans sur Radio Nova ?

Y : Ça m’a apporté beaucoup de choses. En termes de découvertes musicales, déjà, parce que j’avoue que j’étais devenu un peu feignant. Avoir une heure de show à faire toutes les semaines depuis trois ans, ça m’a contraint à écouter plus de choses. En plus, je ne suis pas forcément toujours très friand de ce qui sort actuellement, donc je suis obligé d’aller chercher des choses plus anciennes, d’aller piocher dans des influences qui ne sont pas forcément les miennes mais qui m’intéressent… Par exemple, je me suis intéressé aux musiques brésiliennes et africaines, j’ai beaucoup creusé et ça m’a permis aussi de m’enrichir pour mon propre son.

Être sur Nova, c’était aussi pour moi une sorte de consécration. Ça a toujours été la radio la plus cool de France et faire partie de la famille d’une certaine manière, ça m’a fait très plaisir.

 

LVP : Le 1er juillet, ton label Partyfine a sorti sa première compilation depuis 2019, avec 17 nouveaux titres originaux. Tu peux nous en parler ? Comment as-tu choisi les titres qui figurent sur cette compilation ?

Y : Elle est très cool cette compil’, je suis hyper content ! Je suis heureux parce que, dessus, il y a des gens que j’aime beaucoup comme Patchworks, les You Man

J’avais complètement arrêté le travail sur le label au moment de la pandémie, on n’a rien sorti du tout pendant deux ans et demi parce que je n’en avais pas envie, je n’avais pas la tête à ça. Ça me semblait absurde de sortir de la musique de danse quand on ne pouvait pas danser. Ce que j’ai toujours fait sur Partyfine, c’est de la musique de club, de la musique à jouer, donc ce n’était pas le bon moment pour la sortir. Mais maintenant que c’est dehors, les morceaux vont enfin pouvoir vivre leur vie !

LVP : La période difficile qu’on vient de passer a été plutôt faste pour toi puisque tu as sorti un album en 2020, travaillé sur la musique de différentes productions audiovisuelles et collaboré avec d’autres artistes. Comment partages-tu ton temps entre ces différents projets ?

Y : Là, le truc qui me prend le plus de temps, c’est la musique à l’image. C’est vraiment chronophage et c’est vrai que, depuis deux ans, j’enchaîne beaucoup ces projets, je pourrais vraiment faire ça tout le temps. Après, ça m’arrive aussi de me retrouver en studio et de me dire que je fais des choses pour moi pendant une semaine parce que j’ai eu une idée. Ça donne un truc frais parce que, quand je fais un truc pour moi, c’est vraiment que ça fait deux jours que je trépigne et que j’ai envie de poncer cette idée qui me ronge. C’est aussi pour ça que je fais des commandes, avec un cahier des charges précis, ça me permet d’éviter le syndrome de la page blanche. Bon, après, je pourrais aussi faire du sport ou du tricot pour m’aérer l’esprit, mais c’est pas trop mon truc (rires).

Là, je viens de sortir quatre ou cinq edits sur Bandcamp à l’arrache et ça a bien tourné. Je crois qu’il ne faut pas trop se prendre la tête, en vrai. J’ai conscience que je peux me permettre de dire ça parce que j’ai un nom et que les gens vont aller écouter quoi qu’il arrive quand je sors quelque chose, mais je crois que je ne supportais plus le système classique de promotion et de sorties. Je crois que j’avais même dit que je voulais arrêter Yuksek en 2017. Le fait de refaire tout tout seul, avec mon label, sans pression, ça m’a redonné goût à tout ça.

LVP : Tu as également sorti un projet assez différent de tes productions habituelles sous le nom de Destiino l’année dernière. Qu’est-ce que ce projet est destiné à devenir à terme ? As-tu d’autres projets de ce type à venir ?

Y : Aucun (rires) ! En fait, ce projet, c’est presque un accident. À l’origine, ce n’était pas destiné à devenir un projet. Destiino, c’est ces moments de loose en studio où je passe des heures à triper sur un nouveau synthé et où j’enregistre une heure de n’importe quoi dans laquelle je découpe des morceaux. Il y avait plein de trucs que je n’avais pas utilisés pour Yuksek et je me suis dit que ça pourrait devenir un projet un peu marrant, quelque chose de vraiment hors format, sans contraintes. J’ai joué avec Chloé dans un festival en Grèce, je me suis dit que j’avais envie de lui faire écouter ces trucs-là et elle a eu envie d’en faire un album.

 

On l’a sorti il y a un an, mais ce sont des morceaux assez vieux, qui datent de 2017. Je n’en avais pas refait du tout depuis et, en explorant mon disque dur pour le nouvel album de Yuksek, je suis retombé sur ces espèces de chutes qui ne trouveront pas leur place sur ce nouveau disque mais dont je pourrais faire quelque chose. C’est ça en fait : des chutes (rires).


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