Une conversation avec Oh Mu
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Auteur·ice : Charles Gallet
28/02/2019

Une conversation avec Oh Mu

En 2018 on avait fait connaissance avec Oh Mu. De son discours à ses concerts, tout nous avait charmé chez elle. C’est donc tout logiquement qu’on a décidé d’aller à sa rencontre pour parler musique, féminisme et Instagram. Petit compte rendu de notre rencontre avec un.e artiste qui n’a pas fini de nous surprendre et de nous passionner.

LVP : Hello ! Je te suis depuis quelques temps et  je me demandais quelle est la différence fondamentale entre Estelle et Oh Mu ?

Oh Mu : Je pense que la limite entre les deux finalement est assez fine. C’est-à-dire que Oh Mu c’est quand même 90% de moi ! Ce qui change c’est que peut être que Oh Mu est beaucoup plus confiante, beaucoup plus sûre d’elle pour s’exprimer, pour parler de sujet dont elle oserait pas forcément parler en tant que Estelle, du coup c’est une création de personnage qui permet de m’exprimer à 100%.

LVP : Justement ce que je trouve intéressant c’est que finalement tu écris beaucoup à la première personne. Est-ce que ça te plait ou est-ce que c’est conscient pour toi de créer une zone de flou entre l’inspiration qui vient de ta propre vie et de la fiction ? Comment tu gères le dosage entre les deux ?

Oh Mu : Je pense qu’en fait l’écriture est hyper inconsciente, quand j’écris des paroles c’est vraiment sur le moment et du coup c’est forcément lié à ce que j’ai vécu mais pour que ça sonne bien et pour que ça ait un impact, je vais le tourner plus en fiction justement et peut être exagérer des points ou des doses.

LVP : Il y a un côté très frontal dans les paroles mais j’ai l’impression finalement que t’es plus à l’aise en tant que productrice que en tant que parolière. Je sais pas si tu as plus de facilité à faire les productions que les paroles ?

Oh Mu : Oui complètement. Disons en termes de temps, je passe plus de temps à produire de la musique qu’à écrire des paroles et ensuite les paroles viennent vraiment par dessus je dirais. Souvent c’est la prod qui va me donner une idée mais c’est rarement le contraire, sauf dans certains cas. Je vais donner un contre exemple; Pour C’est la vie qui est un des premiers morceaux que j’ai chanté, les paroles sont venues avant mais c’est rare. Disons qu’en général c’est un début de prod qui me donne des paroles. Je ne me vois pas comme une parolière du tout, c’est vraiment plus instinctif, plus comme comme un défouloir.

LVP : Tes paroles te permettent finalement d’exorciser certaines choses en fait non ? Avec un côté catharsis finalement. Comment tu réagis quand les gens s’approprient des choses qui sont aussi personnelles ?

Oh Mu : Je trouve ça trop cool. Finalement ce que je ressent, les autres le ressentent aussi, je me sens moins seule comme ça (rires). Je me dis que c’est cool que les gens se sentent visés, et c’est cool quand quelque chose que t’as fait est réapproprié par quelqu’un d’autre. Peut être qu’il va écouter la chanson par rapport à une situation qu’il vit ou qu’elle vit, enfin tu vois c’est cool ! Moi j’aime bien.

LVP : C’est marrant parce que moi je t’ai vu plusieurs fois en concert et je vois toujours les mêmes personnes au premier rang. On peut dire que t’as déjà une base de fans fidèles, ça te fait pas trop peur ?

Oh Mu : Non ça me fait pas peur, je trouve ça cool au contraire. Il y a des gens qui se sentent hyper touchés et qui vont suivre de très très près ce que je fait. Je m’en rend compte même dans l’habillement et tout ça. Par exemple il y a un groupe qui vient tout le temps, que j’avais retrouvé sur Instagram et que j’avais invité à ma release party du coup !  Ils sont tous venus, enfin une bonne partie en tout cas, et une personne de ce groupe qui suit particulièrement à fond mon travail m’a même demandé de dessiner un de ses tatouages qu’elle a actuellement, genre elle est arrivée et elle avait un cœur  et un ruban qui était noué à l’intérieur du cœur ! Et c’est un truc que je fais tout le temps pour mes concerts ou même sur Instagram etc ! Du coup je me dis que même dans l’habillement j’influence et j’ai trouvé ça à la fois assez perturbant et cool tu vois !

LVP : Finalement les premiers fans que les artistes ont en général ce sont les gens qui sont très … on va pas dire possessif mais presque !

Oh Mu : Ouais, il faut savoir mettre de la distance je pense. Disons que ça fait écho à certaines choses que j’ai vécu en matière harcèlement  dans mon adolescence. Ca m’apprend à me dire que c’est ok, il y a des gens qui vont être fans de ce que je fais mais moi je suis là pour mettre de la distance tout en restant bienveillante.

LVP : Je vais revenir sur ton 2ème EP.

Oh Mu : En fait c’est mon 3ème. J’avais fait déjà sortir deux autres EP avant mais là c’est le premier où il y a des partenaires, un manager, un attaché de presse, une bookeuse etc…

LVP : Moi je l’ai beaucoup aimé et ce que je trouve hyper intéressant c’est le passage … je vais dire quelque chose de très sombre vers quelque chose de super lumineux au fil de l’EP. Tu parles d’une chanson hyper violente et tu finis sur un track en instrumental qui est hyper doux, apaisant. Je me demandais si t’avais construit l’EP comme une histoire, si c’était vraiment réfléchi justement ?

Oh Mu : Oui en effet c’est complètement pensé comme ça ! Ca part vraiment de quelque chose de vif, colérique et énervé .. Ensuite quelque chose de beaucoup plus calme qui va passer Jeunes oubliés qui parle de mon adolescence, de mon passé puis ensuite la conséquence de ça qui est Sage où la je met les choses sur la table ou c’est hyper direct et il y a une forme de libération à dire toutes ces choses en fait pour moi. Garçon sirène ou je dis que oui je suis énervée mais je peut être aussi amoureuse des gens et ressentir des sentiments positifs. Et puis Stella c’est une sorte d’apaisement !

LVP : Et justement est-ce que tu t’es sentie aussi apaisée après l’avoir sorti ?

Oh Mu : Oui complètement ! (rires)

Et d’ailleurs en ce moment je me remet petit à petit à la composition pour la suite. J’ai déjà certaines choses mais disons que je n’ait pas encore le gros du truc et je suis assez curieuse de voir quelle sera la suite de ça. Est-ce que ça va être plus apaisé ou bien encore plus énervé !

LVP : Justement tu parlais tout à l’heure du fait que tu avais des partenaires etc mais comment ta musique, tes pochettes, tes clips … En fait tu fais tout toute seule. Est-ce que tu t’imagines ouvrir ton univers à d’autres personnes, par le biais de collaborations par exemple ?

Oh Mu : Oui totalement. Le prochain clip se fera en collaboration. En fait j’adore faire tout toute seule mais je pense qu’à un moment donné il faut aussi s’ouvrir aux autres pour pouvoir exprimer de manière plus efficace ce que je veux dire et là je pense que je suis arrivée à la limite de ce que je peux faire par moi même et donc j’ai envie de donner un peu de mon univers à d’autres gens pour en faire quelque chose..

LVP : Et est-ce que tu te verrais jouer avec d’autres personnes ?

Oh Mu : Oui ! Après c’est pas dans mes projets immédiats mais oui complètement.

LVP : La plupart des chansons qui sont sur l’EP moi je les aie découvert sur scène puisque tu les jouais déjà. Est-ce que la scène c’est un plaisir pour toi ? Est-ce que tu penses tes chansons pour la scène ?

Oh Mu : Est-ce que c’est un plaisir ? Oui complètement. En fait le but quand je fais de la musique c’est la scène en fait, c’est vraiment le but ultime pour moi. Après c’est pas quelque chose de facile pour moi, et je pense que c’est le cas pour beaucoup aussi. Gérer son stress, le fait qu’on va poser les yeux sur toi ce sont des trucs que tu dois apprendre, ce ne sont pas des choses qui sont innées pour moi en tout cas ! Et de plus en plus en faisant des concerts, je gagne en aisance et donc c’est cool.

LVP : T’es quelqu’un qui est très engagée, qui a un fort propos social par rapport au harcèlement, au sexisme … Est-ce que tu trouves pas que finalement, par rapport aux femmes, le milieu de la musique est quand même hyper hypocrite ? Il y a de plus en plus de femmes musiciennes  mais elles sont toujours mises dans l’ombre d’un homme en fait .

Oh Mu : Bah oui c’est complètement ça en fait ! Pour toutes les productrices, toutes les musiciennes, n’importe quel gars qui est autour d’elle va prendre le mérite de ce qu’elle fait et ça MIA ou Grimes en avait déjà parlé il y a des années.

Grimes il a suffi qu’elle fasse un feat ou quelle coproduise quelque chose avec un autre gars et c’est bon elle n’était plus que la chanteuse de sa production tu vois ! Quand j’étais dans ma chambre à faire des petits trucs j’avais déjà en tête ce sujet et je voyais passer des articles en fait et je me disais que c’était pas normal. Et c’est encore le cas, je pense que même moi, je suis obligée de me mettre en avant vis à vis de ça et prôner le fait que oui je fais tout et oui je me fait aider car on ne peut pas tout faire, genre la production de son album et en même temps faire les artworks et faire des concerts. Mais ça veut pas dire qu’on peut mettre mon mérite sur les épaules de quelqu’un d’autre ! Donc voilà je pense que c’est hyper important que je souligne le fait que je suis musicienne et productrice, je suis pas chanteuse. Enfin je suis chanteuse mais ce n’est pas ma vocation de base.

LVP : Tu te verrais produire pour d’autre personne ?

Oh Mu : Complètement ouais ! Et c’est déjà entrain d’arriver donc c’est cool. J’ai envie de produire pour des artistes que j’apprécie. J’aimerais trop produire pour des rappeurs, c’est un rêve que j’ai depuis longtemps.

LVP : Toi au niveau de la musique, tu parles souvent de Grimes. Est ce que tu as d’autres exemples de personnes que tu admires ?

Oh Mu : Avant je parlais souvent de MIA. Sinon une qui m’a pas mal marqué il y a quelques années c’est OK Lou qui m’a assez marqué il y a quelques années … Mais il y a pas mal de productrices, j’ai pas forcément tous les noms en tête mais des gens comme Fever Ray par exemple.

Ce sont des personnages que j’affectionne beaucoup, que ce soit au niveau des productions ou  des visuels qu’elles font elles même.

LVP : Tu parles de visuels, justement tu es illustratrice aussi. En quoi la musique nourrit ton illustration ou en quoi ton illustration nourrit ta musique ? Est-ce que ce sont deux univers clos ?

Oh Mu : Ça dépend en fait. Des fois je vais faire quelque chose en illustration qui va indirectement influencer ce que je fais en musique. Par exemple le titre Jeunes Oubliés a été inspiré du fait que j’étais en train de faire une sorte de tri de mes anciennes photos de quand j’étais ado. Ca m’a inspiré cette chanson et finalement j’en ai fait un clip ! Mais ça peut être aussi le contraire comme par exemple l’artwork de l’album. Ca va dans les deux sens quoi !

LVP : Mais t’es quand même brutale . T’es pas plus libérée dans ton illustration que dans la musique? Je vais pas dire que tu polisses ton propos mais t’es un peu obligée de le rendre un peu plus poétique.

Oh Mu : Oui complètement je me sens beaucoup plus à l’aise dans l’illustration. Mon cerveau travaille beaucoup plus en terme d’images que de mots. J’ai jamais été hyper à l’aise avec tout ce qui est parlé à l’oral, et c’est pour ça que je disais que je n’étais pas parolière en fait. Je suis pas hyper à l’aise dans mes discours, je suis pas quelqu’un qui va prendre la parole et parler pendant mille ans. Du coup ça met un challenge, je me dis que j’ai envie de faire de la musique, j’ai envie de faire passer mes idées donc il faut que je le fasse et je pense que de plus en plus je vais réussir à prendre cette liberté que j’ai déjà à la base dans l’illustration mais ça va être un processus qui va évoluer au fil du temps !

LVP : Il y a un truc dont j’aimerai bien parler, c’est ton rapport à Instagram ! (rires) Je sais que t’es quelqu’un qui intériorise beaucoup. Quand t’utilises Instagram ça te fais pas flipper de t’exposer comme ça ?

Oh Mu : Si ça me fait méga flipper et en réalité même si les gens pensent que j’adore Instagram je suis vraiment très cynique par rapport à l’utilisation des réseaux sociaux . Par exemple j’ai enlevé Twitter en aout et c’était l’un des meilleurs choix de ma vie, enfin la j’ai un twitter mais il me sert uniquement à publier les articles que je reçois de temps en temps pour ma musique. Mais je vois plus du tout l’intérêt de m’exposer sur ce réseau. Je pense que de plus en plus je ne verrais plus l’intérêt de m’exposer sur Insta non plus, j’ai juste envie de m’exposer dans ma musique et dans mon art . C’est un processus en fait, je pense plutôt qu’en dépit de ne pas pouvoir m’exposer ailleurs je m’expose dans mes story mais c’est pas l’idéal pour moi.

LVP : T’as pas des réactions violentes parfois ? Je vois parfois certaines choses dont tu parles je me dis que tu dois t’en prendre plein la tronche !

Oh Mu : Euh ouais des fois je m’en prend plein la tronche, après c’est le jeu ! Je pense qu’il faut trouver un moyen de dire les choses qu’on pense en se protégeant. Mais de toute façon dans ce monde c’est pas hyper facile de faire ça et de trouver la bonne manière de le faire. En tout cas je pense que sur certains sujets, mieux vaut se protéger que s’exprimer.

LVP : Deux dernières questions : Est-ce que tu as eu des coups de cœurs particuliers récemment ?

Oh Mu : En musique Dave Grohl de Lomepal.

Je suis allée voir l’exposition de Basquiat, je connaissais déjà son art et l’exposition à Louis Vuitton est hyper fournie, donc gros coup de cœur !

En livre, Amours Solitaires qui est à la base un compte Instagram et je suis en amour de ce compte ! (rires)

LVP : Et pour finir, quels sont tes projets pour 2019?

Oh Mu : Sortir des nouvelles chansons, faire plein de concerts, vivre de ce que je fais ça serait cool ! Voila, de manière générale c’est ça !

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