UssaR nous a raconté Étendues, “un voyage entre Paris et la mer”
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Auteur·ice : Joséphine Petit
04/11/2021

UssaR nous a raconté Étendues, “un voyage entre Paris et la mer”

Lorsque le nom d’UssaR a rejoint la programmation du MaMA Festival, les heures passées à apprivoiser Étendues, son deuxième EP riche en émotions paru l’été dernier, nous sont revenues en tête. Impossible alors de manquer l’occasion de l’y rencontrer pour le laisser nous en parler mieux que quiconque. Quelques heures avant son concert, UssaR s’est confié à nous aussi bien sur le voyage que signifie ce disque pour lui, que sur son goût pour l’expérimentation dans la composition. Décollage immédiat pour un monde où la douceur se pare d’intensité brute dans un naturel d’une chorégraphie à la beauté renversante.

La Vague Parallèle : Salut UssaR, comment tu vas aujourd’hui ?

UssaR : Ça va, la vie reprend, et les concerts avec. Mon EP est sorti avant la rentrée, je ne suis pas dans une guerre de promo en ce moment. Je me sens bien, je fais grandir Étendues régulièrement. On pense à l’album, mais plutôt à la tournée pour le moment. Le premier album sera pour plus tard, on a le temps. J’ai déjà quelques compos, mais on va attendre un petit peu.

LVP : Effectivement, on se retrouve quelques mois déjà après la sortie de cette nouvelle édition de ton EP. Avec le recul, comment s’est passée cette sortie pour toi ?

UssaR : Ça s’est vraiment bien passé. Je pense que d’une part ça a confirmé quelque chose pour les gens qui écoutaient déjà, et d’autre part ça a permis à d’autres de découvrir ma musique. Il y a des personnes qui était passées à côté du premier que j’avais sorti totalement en indépendant, sans relations presse et toute la machine qui va avec. Cette deuxième sortie a permis à beaucoup de gens de découvrir ou redécouvrir mes morceaux. J’en suis très content. Puis un EP avec dix morceaux c’est peut-être beaucoup, mais je trouve que j’ai réussi à raconter ce que je voulais. En rapport avec ce voyage, cette errance, je suis heureux d’avoir fini l’EP avec Le Havre. Je trouve que ce titre est un beau pendant à Loin. C’est comme le U et le R de UssaR, c’est posé de cette manière sur l’EP, et ça prend sens. Je termine Loin en disant “rouler solo à bord périph” et je commence Le Havre avec “Je crois que j’ai roulé à contresens”. Je suis satisfait de ce que j’ai pu faire en termes de narration.

© Alice Sevilla

 

LVP : Ce disque est donc une version enrichie de ce que tu avais déjà sorti. Comment est-ce que tu as choisi les morceaux qui sont venus s’ajouter à la sélection précédente ? La trame ici, c’est le voyage ?

UssaR : Oui, c’est une errance, un voyage entre Paris et la mer, entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’intime et le public. C’est ce qui se passe entre l’intimité d’une chambre et la rue, dehors, entre les gens et une certaine agoraphobie. Pour le choix des morceaux, j’ai pris ceux qui me semblaient devoir exister sur cet EP, ceux qui devaient sortir maintenant. Il y a des titres pour lesquels tu te dis : “lui, c’est maintenant ou jamais”. J’ai donc pris ceux qui devaient vivre et exister maintenant, tout en gardant de côté ceux qui étaient moins aboutis, ceux que je sentais encore à reprendre, ou bien où j’avais encore des choses à dire. Je trouve que les quatre morceaux qui sont venus s’ajouter rentrent complètement dans la narration.

LVP : Même en termes d’esthétique, l’ensemble est harmonieux, entre des sonorités plus acoustiques et d’autres un peu plus synthétiques qui sont amenées par des machines. Comment as-tu construit cet équilibre ?  

UssaR : Je ne le réfléchis pas vraiment. Quand j’ai commencé à faire des chansons, j’ai voulu des formats assez classiques dans la construction et la structure de mes chansons. Le format est très porté sur de la chanson, sauf pour certaines, où il y a une volonté claire d’aller vers de l’abstract, comme dans Il pleut dehors. Je me place aussi toujours en tant que premier auditeur. Je me demande ce qui va m’intéresser quand j’écoute un morceau. C’est comme ça que vient souvent l’envie de rajouter de la texture, comme si le morceau était un mille-feuille. Quand j’écoute de la musique, c’est comme dans les jeux vidéo où l’on parle de rejouabilité, j’aime que l’on puisse réécouter la track quatre fois et se dire qu’on n’avait pas remarqué ce petit son, ces petits glitchs, qu’on puisse avoir envie de la réécouter en se disant que qu’on n’avait pas tout entendu la première fois. J’aime faire de mes chansons des mille-feuilles, y mettre des couches, et des paysages. En parallèle de cette structure très chanson, mon amour pour l’abstract, les textures, et les détails est revenu lorsque j’ai commencé à produire moi-même. J’y tiens énormément, je veux conserver tout ça. Ça fait partie de l’ADN d’UssaR.

LVP : Ça se voit d’ailleurs jusque dans ta biographie. Le storytelling lié au projet est à la fois très intime et intense. On en apprend beaucoup sur le personnage d’UssaR, et en même temps, ce sont des choses qui résonnent en chacun d’entre nous. Quelle est l’histoire de ce personnage ?

UssaR : Je pense que c’est quelqu’un qui se découvre à lui-même, comme on peut parfois se révéler à soi-même. J’ai eu plusieurs vies : j’ai fait du droit, j’ai accompagné d’autres artistes. Parfois, on se voit faire quelque chose et on se demande pourquoi ce n’est pas sorti avant. C’est ce qu’il m’est arrivé avec mon projet. Maintenant c’est sorti, et c’est beau, il faut en prendre énormément soin, et y aller à 800%. Dans le storytelling d’UssaR, il y a cette idée de se battre contre soi-même, pour justement sortir les choses, les présenter, et les accepter à soi et pour soi, pour ensuite les présenter aux autres. Ça représente aussi ce combat. J’espère que c’est une chose sur laquelle on peut tous se reconnaître, parce que ce combat existe à n’importe quelle échelle de n’importe quel domaine, pas forcément dans l’artistique. Je pense que ça peut parler à des gens. Mais je ne veux pas du tout endosser un rôle de prêcheur, je livre simplement une expérience.

LVP : Justement, que ce soit dans La Violence, Bidon Vie, ou encore Loin, on a l’impression que ces morceaux puisent leur inspiration de bribes de vies et de vécus. Est-ce que c’est vraiment ton vécu à toi, ou bien quelque chose que tu poétises ?

UssaR : Quand je commence à écrire j’ai souvent quelque chose de très cinématographique en tête, comme si l’on réfléchissait à un plan, une ambiance, une lumière… J’aime bien me mettre dans une situation de réalisateur ou de caméraman, plutôt que dans une position de prêcheur. La Violence parle effectivement de la violence, mais je ne fais que l’y constater, comme dans Bidon Vie. J’ai peut-être une opinion sur ces gens-là, mais je ne fais que les décrire. J’aime bien être cet observateur, comme lorsqu’on voit des gens dans le métro et qu’on s’imagine leur vie. Il y a des choses qui viennent de l’intime, comme 6 milliards et Dehors, mais le but c’est plus de “désencapsuler”, comme dit souvent ma sœur. Quand c’est trop intime, trop à soi, on ne peut plus le donner en fait. Quand on est par exemple trop à fond sur une scène de théâtre, en tant que comédien, on est encloisonné dans nos sentiments, on ne les donne pas aux gens. Alors ce qu’on est en train de vivre est peut-être intense, mais l’émotion ne passe pas. Le but, c’est de décloisonner pour pouvoir donner une forme au sentiment, puis le présenter aux gens pour qu’ils s’y reconnaissent.

 

LVP : Ce regard cinématographique est intéressant, car justement, quand on compare 6 milliards et Bidon Vie, on bascule de quelque chose de très doux vers quelque chose de plus brut. Le clip de 6 milliards est lui aussi à mi-chemin entre les paillettes et le béton. Ce contraste et cette radicalité, c’est quelque chose que tu cultives ?

UssaR : Un peu oui. Je crois qu’on a tous ça en nous, tous ces états, que ce soit dans une même année, une même relation, ou une même journée. Parfois, on se lève avec nos doutes, on prend le métro avec l’envie de tuer tout le monde, puis on retrouve nos amis et on est in love. On passe du rire aux larmes, et la musique est une excellente catharsis pour exprimer les palettes et les couleurs des sentiments et des ressentis.

LVP : Si l’on revient aux sonorités en tant que telles, dans Il pleut dehors ou encore Plafonds de verre, ta voix devient presque un instrument à part entière. Jouer avec ta voix et ses sonorités au-delà d’un texte, c’est quelque chose qui t’anime ?

UssaR : Complètement ! Si l’on parle technique, il y a deux traitements différents de la voix sur l’EP. Il y a cette voix beaucoup plus filtrée, avec des chœurs plus travaillés, comme dans Il pleut dehors, Plafonds de verre, ou même Antilles Normandie. Et puis il y a cette autre voix où l’on retrouve une volonté de présence, de chaleur, et de récit. Il faut que la voix parle à l’auditeur. C’est vrai que sur un morceau comme Il pleut dehors, la voix répète un gimmick, et c’est ce qui est autour qui bouge. Comme avec un thème dans la musique de films, qui est souvent décliné, joué par différents instruments, alors que c’est l’harmonie qui bouge derrière et qui fait qu’on l’entend de différentes manières, avec différentes couleurs, et différentes émotions. J’aime beaucoup cette idée, je suis fan de musique de films.

© Alice Sevilla

 

LVP : Pour faire un petit focus sur un morceau, est-ce que tu peux nous raconter comment s’est passée la collaboration avec Léonie Pernet sur La Violence ?

UssaR : Elle est en réalité très simple, car on a partagé un studio de musique pendant quatre ans. On se faisait écouter des choses en se succédant dans le studio. Un jour elle est arrivée dans une période où je produisais beaucoup, et je travaillais sur La Violence. Je lui ai fait écouter le titre, elle m’a dit qu’elle adorait et je lui ai proposé de le chanter à deux. Sur ce morceau, le côté masculin-féminin me plaisait énormément. Je ne voulais pas genrer la violence. Je voulais éloigner l’idée de ne parler que de la violence masculine, même si je l’aborde. Je me parle aussi à moi-même, parce que c’est en nous. Mais je voulais que ce soit masculin-féminin, et je trouve que nos deux timbres marchent bien ensemble.

LVP : Qu’est-ce que ça représente pour toi de jouer au MaMA Festival, de figurer parmi les artistes que l’on considère les plus prometteurs du moment ?

UssaR :  C’est cool, ça valide un travail sur le plan professionnel. Il existe des étapes à passer. Peu d’artistes explosent en un éclair, du jour au lendemain, et je ne sais même pas si c’est vraiment souhaitable. Le but est de grandir, faire découvrir le projet au plus grand nombre. Le MaMA est un rendez-vous plutôt particulier parce qu’on joue essentiellement devant des professionnels, mais c’est un exercice intéressant. Si l’on arrive à les convaincre et à les remettre dans une situation de public, en cassant un petit peu leur réflexe professionnel, on a gagné. Le but, c’est plutôt de les ébranler un peu, et leur faire découvrir le projet.

LVP : Et en tant que spectateur, il y a des concerts que tu as envie d’aller voir sur le festival ?

UssaR : Oui, je serais bien allé voir deux ou trois artistes, mais j’enchaîne avec d’autres dates cette semaine, c’est compliqué. J’aurais aimé découvrir Sopico, ça m’intrigue. Je voulais aussi voir Structures, mais j’aimerais les voir sur un live plus long. On est ensemble dans la sélection du Fair, donc je les ai déjà vus, mais seulement pendant quinze minutes. C’était du speed-dating de punk (rires) ! Après, je n’ai pas toute la programmation en tête, mais j’aime aussi voir des concerts dans des formats plus longs, où les gens sont moins pressés.

LVP : Pour finir, est-ce que tu peux partager avec nous un récent coup de cœur artistique ?

UssaR : Oui ! J’ai récemment découvert un mec qui s’appelle Thomas Guerlet, j’aime beaucoup ce qu’il fait. L’un de ses morceaux, How Strange!, est absolument magnifique et j’aurais bien aimé l’écrire (rires).

Interview réalisée avec Paul Mougeot

© Alice Sevilla

 

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