Esthétiques affreusement rétro et terriblement futuristes, ouragan de hard dance, démesure à tous les niveaux et claque de chaque instant. Mené par la chanteuse symphonique à l’univers gothique Mathilde Fernandez et le producteur de bangers gabber aussi énervés que rebondissants Paul Seul, Ascendant Vierge ouvre la voie d’un nouvel univers musical à la croisée des genres. Leur musique se plaît à déjouer avec malice les adjectifs qu’on voudrait lui prêter un peu trop rapidement. Influenceur, leur premier tube, est joué depuis un an de façon aussi secrète que ravageuse dans les after des principales soirées hard techno parisiennes et s’exporte dans toute l’Europe à l’est de Berlin. A grand coup de beats démoniaques, le duo réussit le grand écart musical entre warehouses désaffectées et vernissages d’art moderne en vogue, révélateur d’une frontière bien plus mince qu’on ne le croit parfois.
Les stocks de vinyles de Vierge, le premier EP d’Ascendant Vierge, sont épuisés avant sa sortie : ils ont été à 100% précommandés par une communauté aussi restreinte que passionnée. Et pour cause, le groupe fait figure d’ovni dans le paysage musical tant son style est particulier. Seul Bagarre, par leurs explorations sonores enragées, peut parfois donner l’impression de les saluer de l’autre côté de la piste de danse. Leur musique n’est pas diffusée sur les ondes FM et les écoutes de leurs titres ne dépassent pas le million sur les plateformes de streaming. Pourtant, la sphère médiatique et les réseaux sociaux s’emballent. Il faut dire que le duo brille de tous les éléments pour séduire un public toujours à la recherche de nouvelles sensations fortes. A ce jeu, les vocalises scandalisées de la chanteuse et les productions déstructurées de son acolyte font merveille. Les paroles louvoient habilement entre interrogations existentielles et préoccupations frivoles mais universelles. Paul Seul dévalise la boîte à outils infinie du monde électronique et mixe avec une réussite étonnante les mélodies eurodance, les rafales de kicks froids et puissants, les drops EDM made in Tomorrowland et les synthés sombres qui envahissent le top 100 Beatport.
Les sept titres sans concession diffusent un parfum d’exubérance jouissive et envahissante. Véritable terrain de jeu où tout est permis, Vierge recèle néanmoins quelques faiblesses qui alertent sur un possible futur manque d’inspiration. Le rythme drum’n’bass morne et les couplets banals de La Vie D’avance peinent à convaincre et les nappes de synthé mielleuses d’Horoscope ne laissent qu’un goût amer et frustrant. Le duo triomphe lorsque Mathilde Fernandez lâche les rênes, s’emporte et chante à 100 à l’heure. Impossible Mais Vrai, sa voix plonge dans l’abime, s’en extrait avec grâce et fuse avec furie vers les astres. La musique s’élance alors en une folle course poursuite et semble vouloir la rattraper sans jamais y parvenir.
Avec une approche artistique si affirmée, Ascendant Vierge jongle en permanence avec les codes d’une industrie musicale poussée dans ses retranchements. Quitte à risquer de tomber à son tour dans les filets d’un univers qu’ils dénoncent. Des pièges sans merci et difficiles à distinguer mais qu’esquivent jusqu’à présent les musiciens. Jusqu’ici tout va bien. Et cela continuera aussi longtemps qu’ils tiendront à distance les charmes catastrophiques du marché et resteront dans une outrance personnelle et enflammée. Alors pourquoi s’en faire ? Les yeux fermés, on appuie sur “répéter” puis “lecture” et on danse. Alors, le couvre-feu n’existe pas, les bars sont encore ouverts et seules quelques heures nous séparent de la prochaine soirée sans fin ni limite.
Essaye de faire de ma surdité rythmique un atout.