Voyou : “Le plaisir que je prends sur scène est bien plus fort que ma timidité”
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Auteur·ice : Claire Pinault
25/09/2020

Voyou : “Le plaisir que je prends sur scène est bien plus fort que ma timidité”

Son nouvel EP sorti le 18 septembre est venu apporter de la couleur à notre quotidien. Curieux d’en savoir un peu plus sur son processus créatif et ses inspirations, nous avons rencontré Voyou afin d’essayer de mettre un peu d’ordre parmi ses confettis en désordre, et des mots sur des notes.

La Vague Parallèle : Salut Voyou, ravi·es de te retrouver avec ton nouvel EP ! Sur ce dernier, on retrouve des titres qu’on a pu découvrir depuis fin 2019 avec Le Confort, Les Humains et Carnaval, mais également deux reprises : une de Jorja Smith et une de Henri Salvador. Pourquoi avoir choisi ces deux artistes en particulier ?

Voyou : Salut ! Alors, il s’agit de deux reprises que j’avais déjà faites pour les médias, et étant donné que pas mal de gens m’ont demandé la possibilité de les écouter sur les plateformes de streaming, je me suis dit « tant qu’à faire, autant les enregistrer, et comme ça je vais les mettre sur cet EP ». En fait, l’EP, c’est un peu l’assemblage de plein de morceaux qui sont sortis depuis l’album, que les gens ont pu entendre ou non. C’était un petit peu des morceaux en désordre, et je me suis dit que c’était pas mal pour les gens de pouvoir avoir ces reprises.

LVP : C’est pour cela que ton EP s’appelle ainsi ?

V : Oui voilà, c’est un peu ça. Je me demandais quel était le lien entre tous ces morceaux, et en réalité, le seul lien c’était justement le fait qu’ils n’avaient aucun rapport et qu’il s’agit de chansons que j’ai faites depuis la sortie de l’album. Il y a même une chanson, La Cour d’école, qui est un très vieux morceau, un des tout premiers que j’ai écrits et que je n’ai jamais voulu sortir avant parce que je n’étais pas content des versions studio, mais que je jouais en live et qui marchait plutôt bien. De la même façon, c’était un morceau qu’on me demandait donc je l’ai mis sur l’EP. C’est un peu un EP bonus, finalement.

LVP : Ton EP s’appelle Des confettis en désordre, et comme tu l’as dit, les sept titres qui le composent n’ont pas de réel lien entre eux. On sent des influences en tout genre et on sait que tu t’inspires d’artistes comme Polnareff, Sheller, ou même du rap, avec Jaylib ou John Wayne… Quelles inspirations as-tu eues pour cet EP ?

V : En fait c’est assez vaste, car si tu prends le tout premier morceau, La Cour d’école, qui doit avoir quatre ans, eh bien je n’écoutais forcément pas la même chose il y a quatre ans que ce que j’écoutais quand j’ai composé Le Confort ou Les Humains, beaucoup plus récemment. Donc il y a vraiment plein de choses. Ça dépend des périodes parce que je consomme vraiment beaucoup de musique et puis j’aime bien tous les trucs un peu bizarres qui vont me nourrir dans ce que je fais, mais ce n’est pas toujours forcément des nouveautés, ça ne se rattache ni à un film, ni à une époque, ni à un genre particulier. C’est un peu tous les titres que j’ai écoutés ces quatre dernières années, qui se retrouvent par petites bribes dans les morceaux.

LVP : On a effectivement le plaisir de retrouver La Cour d’école sur l’EP, qu’on avait déjà eu la chance d’entendre en concert, un titre plutôt énergique et entraînant. Dans cette énumération des différents garnements qui composent la cour de récré, on se demande parmi lesquels tu te serais reconnu.

V : Oh là là (rire), eh bien c’est pareil, ça dépend aussi des périodes finalement. Disons que je n’ai jamais trop été ni le bagarreur, ni le crâneur, ni dans la partie des méchants (rire). En fait ce n’est pas manichéen comme morceau, mais presque. Il y a les gens qui prennent le dessus et ceux qui en souffrent, et il y a les gens qui ont des bases de facilités dans la vie, et ceux qui n’en ont pas. Je me situe plus dans la partie de ceux qui ne partent pas forcément du bon pied au départ. Même si je n’ai jamais eu de problèmes si graves que ça à l’école non plus. En tout cas, j’étais plus du côté des timides et de ceux qui essayent de ne pas se faire trop remarquer, pour ne pas trop se faire taper sur la gueule.

LVP : Un peu paradoxal avec la carrière que tu as choisie, du coup ! Garçon timide au départ, on te retrouve désormais sur scène. Qu’est-ce qui t’a poussé vers ce choix ?

V : Je pense que la timidité n’est pas forcément liée à ce que tu vas représenter quand tu es sur scène ou quand tu fais de la musique. Je n’avais pas de raison de ne pas être timide quand j’étais au collège, parce que je n’étais pas dans un endroit dans lequel je sentais que je pouvais briller ou que je pouvais me faire remarquer. Disons que j’ai fait de la musique très jeune. J’ai commencé après le bac à essayer d’en faire mon métier, et je suis tout de même resté une dizaine d’années à être musicien pour d’autres personnes en étant bassiste, donc en étant derrière. C’est quand même tout le temps qu’il m’a fallu pour m’émanciper, pour prendre confiance en moi, et pour aussi trouver mes repères sur scène. Le revers des timides, c’est que quand ils entreprennent des choses, ils ont besoin d’être sûrs et certains qu’ils ne vont pas se ridiculiser, que ça ne va pas foirer ou que les gens ne vont pas se moquer d’eux. Ça m’a quand même pris dix ans avant de surmonter ça et de pouvoir assumer le fait d’être sur scène. Maintenant je ne me pose même plus la question, parce les gens sont plutôt gentils avec ce que je fais, et puis parce que moi ça m’amuse, et le plaisir que je prends est bien plus fort que ma timidité.

LVP : Le clip de Carnaval a été tourné pendant le confinement, mais tu avais des plans initiaux qui ont été modifiés. Ça fait quoi, de tout chambouler et de tourner en confinement ?

V : Alors ce n’est pas moi qui ai réalisé ce clip-là, c’est un duo qui s’appelle Zit et Léo, et du coup c’est à eux qu’il faudrait poser la question (rires). En fait, ce qu’il s’est passé, c’est qu’on avait un plan, ils avaient écrit quelque chose, c’était super d’ailleurs et on était prêt à le tourner. Finalement ça n’a plus été possible parce que c’était en extérieur, ça nécessitait des équipes de tournage, et du coup ils étaient un peu dépités, dégoûtés de ne rien pouvoir faire. En plus, vu que ce sont des amis et des gens que je connais depuis très longtemps, ça faisait un moment que l’on voulait travailler ensemble, et le jour où on parvient à se mettre d’accord sur un morceau sur lequel on peut collaborer, eh bien il y a le confinement qui arrive et on ne peut plus travailler. Du coup, je leur ai dit « bon les gars c’est pas grave, je sais que vous êtes des bricoleurs, débrouillez-vous depuis chez vous et essayez de faire un clip ». Et franchement, j’étais ultra content de ce qu’ils ont fait. En plus de ça, pour un clip qui est fait en étant enfermé, avec les moyens du bord, je trouve qu’ils se sont quand même vachement bien débrouillés.

LVP : D’autant plus qu’avec l’oiseau et le fait qu’une partie se déroule en extérieur, sur une petite terrasse, on n’a pas trop l’impression d’être enfermé.

V : C’est vrai ! C’est vrai que toutes les vidéos ou clips que l’on a vus pendant le confinement, c’étaient souvent des trucs en appartement, filmés avec des téléphones portables pas vraiment de super qualité, qui avaient un côté charmant. Mais en même temps, cette chanson, c’est un morceau qui parle d’un carnaval et d’un endroit où les gens se croisent, se bousculent. C’est un morceau qui va rester toute la vie sur internet, et je n’avais pas envie que les images qui en restent quand tu les regardes trente ans plus tard, ce soient les images d’un lieu enfermé, en espace clos, restreint. Donc ils ont réussi à jouer avec ça, c’est-à-dire qu’on était quand même dans un espace qui était minuscule, mais ils parviennent à faire prendre de la hauteur et un peu d’air à ce paysage-là, en le décorant, en le faisant bouger. Je suis assez content de ça.

LVP : Tu as eu une assez longue période de convalescence, avec ton problème de polype sur les cordes vocales. Le fait de ne pas pouvoir chanter pendant une certaine période a-t-il été prolifique quant à la création musicale ?

V : Alors, au niveau de la création musicale, non, pas du tout ! Disons que ce polype n’est pas arrivé par hasard. Il est arrivé après trois ans de tournée, même plus que ça, à faire entre deux et six dates par semaine et à voyager dans le monde entier, du coup, à me fatiguer beaucoup, en ne prenant pas forcément trop soin de moi. C’était un peu un appel de mon corps pour me dire « bon là il faut peut-être arrêter un peu ». Du coup j’ai vraiment pris ce truc-là comme un petit temps, le moment de faire une vraie pause mentale sur la musique, parce que c’est un truc qui me suit du matin au soir, que je le veuille ou non d’ailleurs, et qui, au bout d’un moment, peut devenir un peu épuisant. Donc j’en ai profité au contraire pour faire complètement autre chose. J’ai beaucoup dessiné par contre, et c’était très bien car j’avais tout de même besoin d’occuper mon esprit, sinon tu finis par inévitablement tourner en boucle sur de la musique. Donc le dessin, c’est très bien pour ça. J’ai toujours dessiné, mais normalement je passe 90% de mon temps à faire de la musique et 10% à dessiner, et là j’ai eu notamment dix jours où je n’avais pas le droit de parler du tout. C’était donc le silence total, et durant cette période-là, je n’ai fait que dessiner. J’ai besoin, quoi qu’il arrive, de laisser un peu mon esprit s’exprimer, sinon ça ne va pas fort.

LVP : Tu chantes, joues de la basse, de la guitare, de la trompette, tu dessines et réalises tes clips. Y a-t-il d’autres talents que tu nous caches, ou que tu essayes de développer en ce moment ?

V : Eh bien je fais de la couture aussi, mais là ça fait longtemps que je n’en ai pas fait car j’ai prêté ma machine à quelqu’un et il ne me l’a pas rendue (rires). Ce n’est pas très gentil d’ailleurs !

LVP : Tu as débuté seul sur scène, dorénavant on te retrouve accompagné de Laetitia, Laura et Diogo, que tu ne manques jamais de saluer et d’applaudir. Sur scène, on ressent une réelle osmose entre vous quatre. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

V : Je les ai tous rencontrés pour la tournée ! Laura, je la connaissais car elle était chanteuse pour François and the Atlas Mountain. Lorsque j’avais participé à un album de François, on s’était retrouvé sur scène à la Maison de la Poésie, à Paris. François m’avait invité à venir jouer de la trompette sur des morceaux auxquels j’avais participé, et on s’est rencontré, Laura et moi, dans un canapé qui était posé sur scène pendant le concert, pour les musiciens qui ne jouaient pas tout le temps. On s’est donc retrouvé tous les deux assis dans un canapé devant un public, et on s’est très bien entendu tout de suite. Et vu qu’elle chante très bien et que c’est une très bonne musicienne, je l’ai appelée pour la tournée et elle a tout de suite dit oui. Laetitia, j’ai demandé à la rencontrer parce que j’avais voulu chanter avec elle et je savais qu’elle avait une voix super, qu’elle jouait super bien des claviers et tout ça, et pareil, on s’est rencontré, on s’est super bien entendu et on est parti en tournée directement ensemble. Quant à Diogo, je l’ai rencontré quand j’enregistrais mon premier disque, parce qu’il est venu le co-réaliser. Il habite au Brésil normalement, à São Paolo. On a fait le disque ensemble, puis il est retourné au Brésil, et moi j’y suis allé pour faire une tournée quelque temps après. Je me suis retrouvé pas mal de temps avec lui là-bas. On est devenu assez proche, donc je lui ai proposé de venir s’installer en France et de venir faire la tournée de l’album avec moi, donc de rester pendant deux ans, le temps de faire la tournée et de repartir après au Brésil, chose qu’il faite à partir de novembre.

LVP : Tu es relativement actif sur Instagram, où tu interagis avec ton public, notamment en partageant les partitions d’Il neige, ou bien en rejouant certains de tes tubes en version acoustique, à la demande générale. Tu ressens un besoin de partager avec ton public, à défaut de pouvoir partager en concert en ce moment ?

V : Pour dire la vérité, je déteste ça, les réseaux sociaux, j’aimerais que ça n’existe pas. J’ai commencé à croire que c’est vraiment assez néfaste pour les gens, et la vérité c’est que je suis obligé de le faire parce que, de nos jours, il y a quand même beaucoup de médias qui sont sur les réseaux sociaux ou sous forme de blog. Si tu n’as pas de followers, de compte Instagram avec des gens qui te suivent, eh bien tu n’as pas de médias qui font des articles, et par conséquent ta musique restera un peu oubliée. Donc j’essaye de m’y mettre un peu, comme tout le monde, et après avoir demandé plusieurs fois à mon label si c’était ok que j’arrête, ils m’ont dit « on ne peut pas arrêter, ce n’est pas possible, par contre essaye de trouver un moyen de faire des choses qui te plaisent ». Donc c’est vrai que je ne partage pas trop de selfies ou de posts comme ça, parce que ce n’est pas le genre de trucs qui me met très à l’aise, mais par contre, vu qu’il faut quand même apparaître, j’essaye de faire des montages, des collages, des dessins en intégrant des photos de moi, et aussi de faire des vidéos acoustiques, car ce sont des choses pour lesquelles je trouve de l’intérêt. J’essaye de faire des choses qui ont de l’intérêt, tout simplement.

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LVP : Entre ta convalescence et le confinement, cela fait longtemps que l’on ne t’a pas vu sur scène. Tu vois comment ton retour et l’année prochaine, au niveau des festivals et des concerts ?

V : Le problème, c’est que cela coûte tout de même cher de faire des concerts pour des salles qui ne peuvent plus être à jauge pleine, donc il y une question de production qui se pose. Il y a aussi la question des tourneurs, qui se retrouvent en pause complète d’activité. Donc, pour essayer à la fois de retourner sur scène, pour que les gens voient des concerts et à la fois pour faire quelque chose qui soit raisonnable pour les salles, eh bien je suis en train de travailler sur une formule tout seul, avec des animations et plein d’instruments de musique, pour repartir en tournée une fois qu’on aura fini les quatre dates qu’il nous reste à faire en groupe. Donc un retour en solo sur scène.

LVP : On a hâte de pouvoir découvrir cela, dans ce cas !

V : Je ne peux pas encore dire quand, mais ce sera pour bientôt !