Weyes Blood au Botanique : spectrale apparition et mélodrame transcendant
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Auteur·ice : Philomène Raxhon
09/02/2023

Weyes Blood au Botanique : spectrale apparition et mélodrame transcendant

| Photo : Caroline Bertolini pour La Vague Parallèle

Titanic Rising, 4ème album de l’américaine Weyes Blood, a été pour nous durant le confinement ce qu’est Flowers pour Miley Cyrus après son divorce : une douce consolation dans un océan de désastre. On l’a écouté en fixant le plafond, dans le jardin à prétendre que “c’est pas si mal ce retour aux choses simples”, en regardant nos memories de Dour 2019 et sous la couette, en boule. L’artiste présente aujourd’hui son dernier album, And In The Darkness, Hearts Aglow, devant des foules insouciantes et sous nos petits yeux ébahis. Bien loin d’un fantôme de quarantaine, ce n’est plus que par son élégant génie orchestral et son timbre inoubliable que Weyes Blood nous hante désormais.

Sam Burton

Tout droit venu de la ville des fanatiques de Jésus Christ, Salt Lake City, le pays des Mormons, Sam Burton et sa vocaliste, Lady Appletree (c’est pas commun), nous offraient au Botanique une première partie douce et intime en attendant le show spectral de Weyes Blood. Accompagné de sa guitare acoustique, Burton propose un set aux airs folks mélancoliques qui rappellent tantôt le duo de Johnny Flynn et Laura Marling sur The Water, tantôt, sur son dernier single Maria, le timbre mémorable de Devendra Banhart. Sa partenaire de scène, Haylie Hostetter de son vrai nom, se distingue pourtant lorsqu’elle interprète seule Didn’t Want to Have to Do It, reprise de Cass Elliot, d’un ton Amélie Poulain-esque remarquable de justesse qui ouvre le bal d’une soirée peuplée de voix prodigieuses.

| Photos : Caroline Bertolini pour La Vague Parallèle

Weyes Blood

C’est la pleine lune ce soir. En bon·nes adeptes de quartz, de sound baths et autres réjouissances à base de patchouli, on décide d’y voir la promesse d’un moment sidéral, guérisseur – oserons-nous le dire, magique. Second indice, l’Orangerie se pare ce soir de cierges disposés aux quatre coins de la scène. C’est dans ce décor prophétique que s’avance Natalie Mering, dite Weyes Blood, dans une longue robe blanche minimaliste dotée d’une cape qui offre une vision spectrale, fantomatique. Alors qu’elle ouvre le set sur It’s Not Just Me, It’s Everybody, morceau phare de son dernier album, And In The Darkness, Hearts Aglow, on se dit que Mering possède une prestance scénique et des cheveux qui ne sont pas sans rappeler Florence Welsh de Florence and the Machine, le partenariat Gucci et les vocalises en moins.

| Photos : Caroline Bertolini pour La Vague Parallèle

Weyes Blood poursuit avec Children of the Empire, les lumières mettent le rouge sang à l’honneur, la foule observe, captivée alors que le synthé entonne son gimmick entêtant et que la batterie joue à fleur de cymbales. Mering salue son public, lui sort son meilleur français, c’est à dire le mot “endives”, qui contraste soudain avec l’image divine qu’on se faisait il y a deux minutes. Le prochain morceau est Something to Believe, issu de son précédent album, Titanic Rising, chef d’oeuvre incontesté de sa discographie. La guitare qui l’accompagne sonne comme un doux courant, tandis que la voix de Weyes Blood flotte au dessus des vagues, sereine dans son prodige. Prodige qui se poursuit sur Grapevine, alors même que l’artiste chante une tonalité en dessous des instruments. Peu importe, son timbre balade nos coeurs d’un bout à l’autre de notre poitrine, plonge plonge plonge de plus en plus profond avant de réapparaître miraculeusement à la surface.

| Photos : Caroline Bertolini pour La Vague Parallèle

Voici venue une expérience audiovisuelle dont on peine à se remettre. Natalie Mering entonne God Turn Me Into a Flower dans une salle plongée dans le noir. Derrière elle, des images de jeunes filles, de femmes, des archives oubliées défilent, agencées par les soins du documentariste britannique Adam Curtis. Elles racontent la damnée trinité, beauté-féminité-puberté, tandis que la voix de Weyes Blood s’élève au-delà de la rigidité terrestre. Dans son monde, la délicatesse est force et se conte sur une instrumentale à la composition liquide, intuitive, qui relève de la bravoure, à la fois dévastée et lucide enfin. Mering exprime comme personne la recherche de sens et l’apaisement salvateur qui survient lorsqu’on s’abandonne aux flots.

La marée monte. Titanic Rising et A Lot’s Gonna Change, toutes deux issues du 4ème album de l’artiste, s’enchaînent. Puis, une éclaircie, les rayons de soleil transpercent l’eau opaque, The Worst Is Done réchauffe l’épiderme de la foule sur fond d’une lumière halée. “C’est la partie soft rave du set“, prévient Weyes Blood. Twin Flame vient parfaire l’harmonie radieuse qui se dégage de la scène. Alors, seulement, le coeur s’embrase. La robe immaculée de Natalie Mering s’illumine et dévoile le rougeoiement d’un coeur dans sa poitrine. Si d’aucun·es diront kitschounet, on choisit plutôt d’y voir l’accomplissement de tous nos fantasmes Barbie : Coeur de princesse. Y a pas à dire, ça fait son petit effet. 

| Photos : Caroline Bertolini pour La Vague Parallèle

La robe blanche est une toile qui se pare de vagues bleues azur et se meut comme une danse de Loïe Fuller. Le prochain morceau est le plus bouleversant, le plus grandiose aussi. Movies fait voler en éclat les abords feutrés de l’artiste. Weyes Blood embrasse le mélodrame, jette des roses blanches dans une foule qui gronde dans un souffle uni. L’interprétation de Mering ne fait que s’élever, atteint des monts de beauté inégalés. La tension ne diminue pas quand vient le tour d’Andromeda, titre jadis associé à des après-midi de confinement desséchées qui prend soudainement vie sous nos yeux. La foule scande son refrain comme une incantation à la lueur des chandelles. Hearts Aglow sonne le retour du coeur illuminé et rappelle un slow de comédie romantique 80s. La scène se vide, le groupe fait mine de sortir.

De retour pour un encore supplié, Natalie Mering prend place derrière un tout petit piano. L’américaine ne fait pas que dans la déprime. Everyday et son clavecin baroque venus de l’album Titanic Rising emplissent l’Orangerie de choeurs espiègles et d’une vague d’optimisme prudent. Parce qu’on ne se refait pas, Weyes Blood conclut son set fabuleux avec A Given Thing, dernier morceau de And In The Darkness, Hearts Aglow, doux, solennel et mystique, à l’image d’une soirée thème “coeur de l’océan“, la fin tragique en moins.

| Photos : Caroline Bertolini pour La Vague Parallèle

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